mardi 12 juillet 2011 par Catherine Nohales
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L’action se déroule au XVIIème siècle, dans une petite communauté puritaine de la Nouvelle-Angleterre. L’épisode est connu et a traversé les siècles. Il a marqué durablement la mentalité américaine parce que ce que dénonce Arthur Miller à travers le procès d’innocents en 1692, c’est la terrible "chasse aux sorcières" dont il fut victime ainsi que bien d’autres dans les années noires de l’Amérique paranoïaque, dans les années cinquante. Effectivement, le sénateur McCarthy, hanté par le communisme et l’infiltration de celui-ci dans tous les rouages de la société américaine, organise la traque et la surveillance de sympathisants supposés ou réels de l’URSS. L’atmosphère devint tellement irrespirable que des artistes en arrivèrent à quitter les Etats-Unis. Ce fut le cas notamment de Charlie Chaplin.
La même intolérance, le même aveuglement ont sévi et détruit des familles entières, voire l’économie de la région au XVIIème siècle. La ville de Salem se déchire à propos du Révérend Parris qui apparaît comme un homme assoiffé d’argent. Sa fille Betty, âgée de dix ans, est plongée dans un état cataleptique. Elle a dansé autour d’un feu une nuit en compagnie d’Abigaïl Williams, d’Ann Putnam et d’autres dont l’esclave Tituba. Un mal mystérieux la saisit et il n’en faut pas beaucoup à cette communauté puritaine taraudée par la jalousie, l’envie, la frustration pour laisser libre cours aux plus folles superstitions. Ce que laisse entendre la pièce d’Arthur Miller, c’est que la chasse aux sorcières est l’occasion de règlements de compte. Le révérend Parris se lamente sur son infortune, sur l’argent. Il choque les paroissiens tant cette obsession est bien peu chrétienne. Le fermier Proctor le lui reproche d’ailleurs : « Monsieur Parris, il me semble vous entendre prêcher. Au dernier office que j’ai suivi, vous avez parlé si longtemps de propriété et d’hypothèques que je croyais être à une vente et pour ne rien dire de toutes vos histoires de sorcellerie. »
Le puritanisme est un corset redoutable qui nie tout désir et quand on cède à ce dernier, quand on cède à la vie, les remords n’en sont que plus amers et violents. Proctor, le fermier laborieux, a péché avec Abigaïl qui ne renonce pas à le reconquérir, qui veut éliminer l’épouse fidèle. Son ancien amant la repousse, affront ultime pour cette jeune fille manipulatrice et revancharde. Salem souffre de ces désirs conçus comme péchés majeurs. Elle est rongée par ces interdits qui laissent place à l’hystérie, à la superstition. Mme Putnam en est un exemple frappant, qui voit le démon partout même quand la comédie se déroule sous ses yeux. La raison a déserté Salem et ses habitants. Certains résistent comme Rébecca Nurse, qui pense que si les enfants de Mme Putnam sont morts, c’est de maladie et non de sorcellerie. Elle sera exécutée.
Le summum de l’intolérance fanatique, car il s’agit bien de fanatisme, est atteint lors d’une parodie de procès. Le député gouverneur Danforth incarne cette justice obtuse, insensible à la détresse humaine car parole de Dieu. C’est un homme fermé, superstitieux et inflexible. Les innocents mourront, se sacrifieront comme John Proctor.
Comment expliquer un tel déchaînement ? D’aucuns disent que les atrocités commises par les Amérindiens avaient ébranlé la communauté en état de survie. D’autres que la maladie de Huntington frappait et provoquait des hallucinations collectives.
Écrite en 1953, Les Sorcières de Salem restent toujours d’une tragique actualité.
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