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Sous la neige - Edith Wharton

Texte précédé par Les Metteurs en scène et Le Bilan présentés par Jean Pavans

dimanche 27 octobre 2024 par Françoise Urban-Menninger

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Décidément les éditions Arfuyen possèdent le don de nous offrir des pépites littéraires avec ce quatrième volume publié dans sa nouvelle collection Le Rouge et le Noir. Car Edith Wharton, qualifiée de "plus française des écrivains d’Outre-Atlantique" a rédigé ces trois nouvelles en français, langue qu’elle pratique à merveille depuis l’âge de quatre ans ! Quand l’autrice s’installe en France en 1907, elle y restera la seconde moitié de sa vie d’abord à Paris puis dans sa fastueuse villa d’Hyères et à Saint-Brice-sous-Forêt où elle s’adonnera pleinement à l’écriture.

Sa nouvelle intitulée Les Metteurs en scène que Jean Pavans estime, à juste titre, qu’elle aurait dû s’intituler Les Entremetteuses en scène a paru essentiellement en français et a été vivement critiquée par son ami Henry James, ce qui explique peut-être qu’elle ne l’a pas reprise en anglais. Pourtant ce texte est de la même veine que les suivants, à savoir l’exploration de l’âme humaine dans ses aspects les plus lumineux comme les plus vils. L’appât du gain y supplante la passion amoureuse et ceux ou celles qui pensaient maîtriser leur destin en manipulant autrui deviennent les victimes de leur jeu sans foi ni loi.
Le Bilan nous donne à découvrir la grandeur d’âme et de coeur de Lizzie, une jeune femme lucide et résiliente qui préfère accepter en connaissance de cause l’humiliation qu’elle subit, voire la cacher à l’homme qu’elle aime et qui en est la cause, plutôt que de le perdre "s’il ne lui représentait pas le héros de ses rêves, c’était du moins l’homme qu’elle aimait et qui l’avait aimée", lit-on.
Christine Butterworth McDermott, éditrice et autrice, recense admirablement ce processus d’écriture qu’elle rapproche de celui de Katherine Mansfield en expliquant que pour que la figure féminine s’épanouisse, "elle doit s’éloigner du mâle dominant et remettre en question le fantasme de délivrance par un homme" Et d’ajouter que Katherine Mansfield et Edith Wharton subvertissent toutes deux le fameux culte de Cendrillon !
Cette fine analyse trouve son point d’orgue dans Sous la neige, le récit principal qui, loin d’être démodé comme l’affirmaient les contemporains de l’autrice telle Virginia Woolf, fait preuve d’une réelle modernité par la subtilité avec laquelle les champs de la conscience et de l’inconscient des personnages sont appréhendés. John Colopinto, écrivain et journaliste, va jusqu’à interroger l’influence qu’Edith Wharton, lue par Virginia Woolf, aurait pu exercer sur cette dernière. Et de relever dans l’un de ses articles cette citation éclairante attribuée à Edith Wharton "la fiction moderne a réellement commencé lorsque l’action du roman a été transférée de la rue à l’âme".
Et c’est bien ce que l’on observe dans ce dernier récit où le héros Ethan Frome, prisonnier d’ un mariage de convenance avec l’acariâtre Zeena, est pris d’une passion folle qu’il doit taire pour une cousine orpheline Mattie recueillie par son épouse. Quand cette dernière est sommée de quitter la petite maison par Zeena qui souhaite embaucher une servante plus aguerrie aux corvées des champs, l’amour impossible et réciproque des deux jeunes gens semble ne pouvoir se conclure que dans la mort. Mais Edith Wharton a choisi un autre destin bien plus cruel pour ce couple et l’on songe à ce que l’autrice affirmait à propos de ses lecteurs qu’elle déclarait "mettre à contribution afin de comprendre l’ironie, combler les vides du texte".
Voilà résumé tout l’art d’Edith Wharton qui, d’après la critique Linda E. Chown était en quête "d’une quatrième dimension", voire "d’une zone magique" que la romancière et nouvelliste nommait "le point subtil de l’âme" ! Nul doute qu’elle l’a atteint dans ce récit où on lit "...Il sembla à Ethan qu’ils volaient véritablement, qu’ils volaient très haut dans la nuit nuageuse, avec Starkfield bien loin au-dessous d’eux, perdu dans l’espace comme un point imperceptible." Nul doute que les personnages d’Edith Wharton ne cesseront de nous hanter car ils resurgissent "dans les vides du texte", silhouettes fantomatiques qui s’insinuent entre rêve et réalité dans notre imaginaire.

Françoise Urban-Menninger



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