dimanche 16 juin 2024 par penvins
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S’il y a un livre, un seul, que vous emporterez cet été c’est bien celui-là, Agnès Clancier et son héroïne [Elisabeth Murray] vous offre de vous évader et de partir à la découverte de l’univers des tribus aborigènes d’Australie. La jeune femme laisse derrière elle sa vie en Angleterre, condamnée arbitrairement à rejoindre la colonie pénitentiaire de Sydney elle s’en évade et se dirige vers des lieux qu’aucun Européen n’a explorés.
Après avoir traversé l’Hawkesbury [un cours d’eau] Elisabeth Murray entre dans le monde des Ancêtres. Monde où elle se sent libre.
Le texte d’Agnès Clancier tient par la langue, le vocabulaire riche de toute la faune et la flore du bush.
De même que les villageois s’inscrivent dans une histoire transmise en héritage : Les mythes, les récits doivent franchir intacts la cascade des générations, ainsi lorsque Cowe sera accusé d’avoir noyé un récit dans la rivière il sera isolé et privé de nourriture. Plus tard, lors d’un rassemblement, un groupe s’installe un peu à l’écart alors que des récits doivent être chantés que seules quelques personnes peuvent entendre. Comme si l’auteur voulait souligner l’indicible auquel est confrontée toute littérature. Le récit assure la cohésion du groupe, au point que Elisabeth Murray peut dire : le récit coule dans mes veines. Sève et racine, il me lie à ce territoire et à ce peuple.
Une première lecture peut faire penser à un roman rousseauiste, Elisabeth Murray allant même jusqu’à dire à propos de l’accueil qui lui est réservé : […] je ne vois guère ce que le paradis peut offrir de plus à un être humain […], et ce sans oublier les derniers chapitres qui illustrent les méfaits de la civilisation sur les peuples aborigènes. Pourtant ce dont il est question, par-delà tout jugement sur la préservation de la nature, et Agnès Clancier, y revient suffisamment pour que ce ne soit pas un hasard, c’est l’importance de la transmission Yolongu dit que le puits que nous avons creusé sera encore là pour les enfants de nos enfants. Ce qui importe plus encore c’est le rôle des récits : le baobab […] a toujours de nouvelles histoires à me raconter […]
mais alors que je m’apprête à m’éloigner, le vieillard me retient. Je m’installe à ses côtés.
Tu dois écrire ton propre récit, me dit-il.
[…]
Tu dois désigner le lieu qui gardera ton récit, jusqu’après ta mort.
Ainsi, lorsque s’achèvera l’aventure, et lorsque se refermera le roman, restera la trace d’une civilisation en train de disparaître. Et, peu importe finalement qu’elle ait été ou non un rêve, son souvenir restera gravé à l’intérieur de l’arbre creux grâce au récit - à découvrir - de l’enfant mort de Port Jackson et [de] l’enfant jamais conçu qui [m’a] aidé à fuir et à survivre. N’est-on pas là au cœur même de la littérature : inventer un récit qui pourra par sa densité dire ce qui ne peut être dit ? Cowe avait noyé le récit dans la rivière, l’écriture merveilleuse d’Agnès Clancier le sauve et enchante le lecteur au-delà de son apparente simplicité.
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