mercredi 27 décembre 2023 par Meleze
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Grasset Paris 2 023
Nous conseillons de lire ce livre pour une raison qui n’est dans le livre lui-même. C’est que nous avons remarqué chez nos contemporains qu’il n’y a rien de plus difficile que de penser l’articulation entre le 20e et le 21° siècle. Or cet essai offre cette particularité du fait que M.Maalouf choisi de suivre 5 pays qui vont traverser cette période charnière.
Maalouf distingue les pays suivants dans l’histoire du monde :
• Le Japon
• La Chine
• Les USA
• La Russie
• Le Liban
Malheureusement il ne se soucie pas de l’’homogénéité des périodes pendant lesquelles il les analyse. Le japon commence en 1 865 et s’arrête en 1945 avec une 2° moitié du 20° siècle qui compte pour du beurre. Tandis qu’à l’inverse pour les USA on a le droit aux mentions d’Obama et de Trump qui ont été au pouvoir au 21° siècle. C’est donc un peu difficile de comprendre ce qui relie ces cinq choix. Il faut être patient jusqu’à la fin du chapitre sur les USA pour voir que chacune de ces 5 puissances a connu des chutes dont elles se sont relevées.
L’auteur suit un chemin tortueux. Personne ne commence l’histoire contemporaine par le récapitulatif de l’ère Meiji au Japon. Ce livre est une exception. Ça ne le mène nulle part sinon à la catastrophe de 1945 où l’âge atomique a failli ramener le Japon à l’âge de la pierre.
En fait, ce parcours dans l’histoire cache l’influence du livre de Boucheron sur l’histoire mondiale de la France. Maalouf ne le cite pas mais il réhabilite les contacts de l’occident avec le Japon et la Chine ce que Boucheron n’avait pas pu faire étant donné qu’il s’en tenait à une sorte de nationalisme de telle sorte que dans ses contacts internationaux pendant plusieurs siècles la France n’avait aucun contact avec la Chine, ce qui n’était pas vrai au niveau de l’Europe.
Dans le livre de Maalouf on ne s’embarrasse pas de ce scrupule. France ou Europe peu importe ! Dans le labyrinthe les contacts de l’occident et de l’extrême orient les échanges sont cités dès qu’ils s’établissent. C’est un sujet sur lequel notre auteur est très cultivé. Et par ailleurs "ces contacts" sont très ouvertement accusés d’être des liens "colonialistes".
Une autre source non explicite mais toute aussi influente de ce labyrinthe des égarés c’est d’une façon amusante le livre de son prédécesseur, (il faudrait écrire de sa prédécesseuse) à l’Académie française. Car on se rappelle qu’en tant que secrétaire perpétuel de cette honorable institution, Maalouf a pris la succession de la défunte Mme Hélène Carrière d’Encausse dont le livre culte était "l’Empire éclaté". Cette femme qui désignait ainsi l’Union Soviétique des années 1980, croyait dur comme fer que la Russie devait exploser ne serait-ce que parce que les anciennes républiques soviétiques musulmanes ont une croissance démographique infiniment plus forte que la Russie dite blanche.
Donc M. Maalouf, en reliant ensemble le 20° et le 21° siècle, fait une pique non écrite à celle qui l’a précédée. La Russie contemporaine sous sa plume se relève de sa chute économique qui a suivi la révolution d’Octobre, puis elle se relève de la saignée qu’a été la 2° guerre mondiale, et encore elle se relève de l’immonde tache sur son histoire des crimes de Staline qui sont évalués entre 25 et 30 millions de morts (source de Google).
Par contre on constate de nouveau à quel point dans son labyrinthe le chemin de Maalouf est tortueux ; dans cette histoire de la Russie il n’ose pas citer Poutine. Il ne suit même pas la progression historique jusqu’à ce que Poutine arrive au pouvoir alors que de toute évidence Poutine par son agression de l’Ukraine s’est ouvertement revendiqué de la politique de Staline que l’historien anglais T.Snyder appelle Holodomor.
On commence à apercevoir ce qui fait l’unité des pays croisés au fur et à mesure qu’on se perd dans le labyrinthe, c’est que les pays cités, le Japon, la Chine, la Russie et le Liban se sont relevés après des catastrophes qui auraient dû les rayer de la carte. Maalouf est optimiste.
Car on ne devient pas forcément pessimiste à l’étude des catastrophes. On peut en effet se pencher sur la façon dont les uns et les autres sont parvenus à s’en sortir. C’est bien connu pour le Japon et pour la Chine, le premier ayant eu à se relever du bombardement atomique de 1945 et le 2° qui s’est relevé de la période de la révolution culturelle, en plus de s’être sortie des humiliations successives de la fin du 19e°siècle.
Si vous avez eu l’impression que Maalouf était pessimiste, c’est faux. Il est au contraire optimiste à commencer par la situation du Liban. Son livre est un livre profondément anticolonialiste. Le Japon est modèle en ce sens qu’il a su résister au colonialisme dont on aurait aimé une extension de définition puisqu’il n’est pas forcément de type territorial, mais aussi commercial, financier, voir informatique.
Le labyrinthe des égarés aura-t-il une issue, l’auteur n’ayant pas fixé les périodes pendant lesquelles il étudie les pays concernés ? Seuls les USA voient leur histoire prolongée presque jusqu’à nos jours. En tout cas, Maalouf n’ignore pas l’impact sur le monde qu’ils ont tiré de la micro-informatique s’efforçant comme beaucoup d’autres de spécifier, ce qu’était le colonialisme territorial (settlement en anglais) par rapport au colonialisme d’influence.
Le labyrinthe, tortueux par nature, devient ici complètement obscur. Dans son évaluation de la révolution culturelle chinoise à l’aune du 21° siècle, Maalouf est loin d’aller jusqu’au bout. Il s’arrête à la fin du mandat de Deng c’est à dire en 2000 alors qu’il s’est encore écoulé 25 ans depuis. Si l’appréciation des tendances de long terme était différente aujourd’hui, de ce qu’elles sont dans son livre le labyrinthe n’aurait pas d’issues.
Laissons-lui malgré cela le mot de la fin en ce qui concerne les USA : "Ce qui est commun aux trois principaux défis lancés à la suprématie de l’occident depuis le début du vingtième siècle, c’est l’identité du pays qui les a relevés : les États-Unis d’Amérique. Ils ont vaincu militairement le Japon, ils sont sortis vainqueurs de la guerre froide avec l’Union Soviétique et ce sont eux qui se retrouvent en première ligne pour faire face à la montée de la Chine".
Mélèze
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