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Le Paradise - George-André Quiniou
samedi 15 décembre 2018 par penvins

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On peut lire ce roman comme une métaphore froide et désespérée de la vie et de l’écriture. C’est bien de cela qu’il s’agit, rien de moins que d’une fable existentielle. Derrière la modestie, l’humour, la simplicité apparente presque déconcertante de cette intrigue, derrière l’autodérision se cache une philosophie : pourquoi vit-on, pourquoi écrit-on ? L’auteur ou plutôt le narrateur – cela peut-il faire une grande différence, au lecteur d’apprécier - y donne plusieurs fois sa réponse. Une réponse qui se dessine de page en page, jusqu’à devenir le sujet même de ce récit, une réponse qui cache sans doute la vraie question, pourquoi l’auteur s’est-il lancé dans cette aventure, pourquoi refuse-t-il délibérément de mettre les cartes sur la table allant jusqu’à s’enfermer lui-même dans son bunker pour y mourir le stylo à la main ? Le narrateur fait semblant de croire que l’important c’est de commencer de creuser puis de s’y maintenir tant que le travail n’est pas terminé. L’auteur cite même en préambule Thomas Bernhard : nous devons […] entreprendre et poursuivre la tâche que nous nous sommes donnée. Comme si c’était là la seule raison d’écrire, la seule raison de vivre, comme si n’entraient pas en jeu d’autres forces que la force d’inertie ! Ainsi le narrateur envisage-t-il de faire un trou dans sa cave il n’y a que la dalle à faire sauter ; ensuite il ne restera plus qu’à creuser sans qu’il soit dit pourquoi et c’est bien sûr ce qui va maintenir l’attention jusqu’à la dernière page du livre. Le narrateur – est-ce pour se justifier – évoque sa volonté de ne pas céder au vieux démon du renoncement. Le lecteur est lui aussi pris au piège, il veut connaître le fin mot de l’histoire il lira le livre jusqu’au bout, en se demandant ce qui a bien pu pousser cet homme à creuser dans sa cave.
Que trouvera-t-on sous la dalle de la cave : C’était gris-noir et poreux, avec un aspect peu ragoûtant.
Pourtant de cette matière le narrateur ne fera rien sinon que de s’en servir pour boucher une ancienne fosse septique ! Circulez il n’y a rien à voir !
Un couple indéfini :
Je ne me privais pas d’élaborer toutes sortes de supputations quant à leur possible relation (père-fille ; amant-maîtresse ; mari et femme, pourquoi pas ? et je ne sais quoi d’autre)
sera le non–témoin, de la présence du narrateur à la Cigale
Ils m’ont ignoré ainsi jusqu’à la fin du repas, et lors même qu’ils se levaient de table

Épisode qui pourrait passer inaperçu si sa narration apportait quelque chose au récit ce qui ne semble pas être le cas hormis de souligner l’importance que revêt pour le personnage-narrateur le fait d’être reconnu. L’auteur semble nous dire que la raison pour laquelle il écrit se trouve là pour lutter contre ce qu’il appelle sa transparence sociale : je n’ai pas même été considéré comme un autre inconnu, leur égal, mais comme à proprement parler, rien du tout, nul, un zéro.
Sauf que cette scène se situe à La Cigale où fut tourné le film de Jacques Demy : "Lola" et qu’elle précède immédiatement la rencontre avec Cynthia. Le narrateur précise même : … Cynthia n’a vraiment rien à voir avec Lola. C’est néanmoins à Lola que j’ai pensé à cet instant précis en poussant la porte de La Cigale. Immédiatement après cette scène l’auteur se rend au Paradise où il fait la connaissance de Cynthia.
On pourrait à tout le moins s’attendre à une histoire entre le narrateur et Cynthia mais s’il y en a bien une elle reste toute platonique le narrateur ne manquant pas de souligner à plusieurs reprises qu’il n’a jamais été amoureux de Cynthia.
Le narrateur lorsqu’il est tenté par le démon du renoncement pense pourtant à elle, elle qui l’aidera à tenir le coup alors qu’il abandonnait tout espoir de localiser [sa] fosse septique. Où l’on peut entendre la difficulté qu’il aurait à contrôler de l’extérieur comme il s’en fait la remarque à propos de la pompe qui doit évacuer les eaux au fond de son trou et que son ami Jean-Louis lui suggère de remplacer par une pompe immergée c’est-à-dire non accessible ! Il est important qu’il puisse s’assurer de l’évacuation de toute cette sanie insoupçonnée des profondeurs.
Si le narrateur ne dit rien, si l’histoire est bien cadenassée, il reste bien entendu conscient de ce qui se trame et le dit explicitement :
Mon trou n’était pas un rêve […] c’était une boue bien réelle que j’en avais extraite […] il était sale, suintant, souillé […] tel finalement que nous étions peut-être au fond de nous-mêmes, et cette impureté-là devenait à mes yeux ce qui en faisait tout le prix […].
Le narrateur s’installera donc au fond de son trou pour écrire et mourir, comme manière de dire, et il le dit, je garde mon secret, je le confie à Cynthia. Nous n’en dirons pas plus, nous avons juste voulu fournir quelques pistes au lecteur qu’il entende un petit peu ce qui n’est pas dit.



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