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2 Le Maître des paons (Julliard 1997) est l'histoire imbriquée d'un amour non partagé (la disgrâce), et d'un peintre Nino Salomon, cloîtré dans un manoir mystérieux où il vit entouré de paons qu'il peint sans relâche et surnommé pour cela « le Maître des paons ».
Sacha Malinoff, le narrateur, tombe amoureux de Cynthia, la fille du peintre, pour lui « la première et la seule passion de ma vie » et pour Cynthia « une histoire sans conséquence, pleine de maladresse et de fous rires, chatoyante comme les ocelles du paon, où venaient scintiller et mourir, du matin au soir, toutes les nuances du sentiment, à part l'amour ».
Cynthia souffre en fait, depuis l'enfance et sans se l'avouer, d'un ressentiment profond à l'encontre de son père; sa colère la conduira jusqu'à mettre le feu à l'enclos des paons, seuls êtres objets d'attention du peintre : « Ils rôtirent comme des poules ».
La jeune fille est atteinte aussi « d'un ennui mêlé de tristesse qui l'attendait au matin de chaque journée comme l'ogre dans la clairière. C'est un vide qui se répand sur tout ce que l'on fait et qui se tapit dans l'action pour l'annuler. Si l'ennui est le plus abject, le plus insidieux des sentiments, c'est qu' il les parasite tous, à notre insu »...
Cynthia est amusée par les facéties de Sacha; mais elle va se laisser séduire par son professeur de faculté, historien d'archéologie assyrienne. Il décrit ainsi cette idylle :
« Ainsi naquit, dans une déflagration éperdue où s'entremêlèrent la lune et la nuit, l'érudition et l'innocence, la brise de mer et le souvenir des sables de Babylone, un amour inaugural et crépusculaire à la fois, qui mit fin à mon espérance d'être aimé un jour de Cynthia ».
Le peintre Salomon a également un fils, Ugo, jumeau de Cynthia, considéré comme un idiot, mais doué d'une ouïe exceptionnelle. Sacha deviendra son ami et découvrira le domaine un peu mystérieux du « mas des paons » :
« Ce qui me retenait à Solignargues, c'était la toute puissance des lieux, la diversité des nuances de l'ombre et de la lumière tout au long des lentes journées, le sentiment d'une relation inconnue entre la trame de ma vie lacérée de coups de canif et la dispersion par mégarde à longueur d'heures des parfums, des odeurs, des bruits, des cris, des essors, dans un entrecroisement qui ne s'adressait à personne et semblait n'avoir pas de fin ».
Le narrateur arrive également à se faire accepter de Salomon, « le Maître des paons » et à devenir son confident; il recompose l'histoire douloureuse du père de Salomon, amputé d'un bras, sa vie aventureuse et sa revanche lorsqu'il peut acquérir le domaine où il a travaillé durant son enfance, l'achat pour son fils d'une paire de paons… Au fil des années ce couple devint une colonie d'une vingtaine de paons :
« Les premiers temps, le garçon n'était guère rassuré par les mouvements soudains de la troupe qui s'embrasait comme une comète à son approche.
Puis il s'habitua au bruissement souple des ailes, aux trépignements, aux paniques inexpliquées, au cri affreux qu a donné à l'oiseau indien sa réputation démoniaque.
Ce fut pour le père et le fils une époque de pur bonheur. Et le bonheur tient toujours plus ou moins de la légende…». …/...
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