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« Le rivage des Syrtes » (éditions José Corti 1951) est le plus complexe et le plus célèbre des romans de Julien Gracq, « rêverie sur le temps et l'histoire ».
Il se situe dans un lieu imaginaire en déclin, la principauté d'Orsenna, tel Venise au seuil de son crépuscule final.
Le héros, Aldo, à la suite d'un chagrin d'amour, se fait affecter par la Seigneurerie dans une forteresse sur le rivage des Syrtes, pour surveiller le pays du Farghestan, l'ennemi de plusieurs siècles, replié sur le rivage d'en face :
« Les plaisirs perdus d'Orsenna me laissaient sans regrets…Cette vie dénudée s'offrait clairement, dans l'évidence de son inutilité même, à quelque chose qui fût digne de la prendre…
Je rivais mes yeux à cette mer vide, où chaque vague, en glissant sans bruit comme une langue, semblait s'obstiner à creuser encore l'absence de toute trace, dans le geste toujours inachevé de l'effacement pur…
Je rêvais d'une voile naissant du vide de la mer ».
Aldo est attirée par Vanessa la fille d'une riche famille d'Orsenna, dont le chef, le vieil Aldobrandi, a été condamnée à l'exil pour troubles et complots; Vanessa montre le même tempérament volontaire et aventureux que son père :
« Les choses, à Vanessa, étaient perméables. D'un geste ou d'une inflexion de voix merveilleusement aisée, et pourtant imprévisible, comme s'agrippe infaillible le mot d'un poète, elle s'en saisissait avec la même violence amoureuse et intimement consentie qu'un chef dont la main magnétise une foule.
« Je l'aimais en silence, sans souhaiter qu'elle me devînt plus proche, et comme si sa main pensive et immatérielle n'eût été faite que pour ordonner dans un lointain indéfiniment approfondi la perspective de mes songes … Vanessa desséchait tous mes plaisirs, et m'éveillait à un subtil désenchantement; elle m'ouvrait des déserts, et ces déserts gagnaient par tâches et par plaques comme une lèpre insidieuse ».
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