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Marx et Offenbach
par Meleze

 

Puisque Exigence Littérature a décidé de faire une rubrique sur les écrivains et les musiciens qui se répondent j’ai voulu aller un peu plus loin dans une comparaison dont j’avais eu souvent l’idée et que je n’avais jamais menée a bien. C’est aussi pour moi l’occasion d’illustrer la "question juive" par deux destins qui se sont réalisés en Europe par réflexion sur la religion et non comme le sionisme en se referant à on ne sait quelle race.

En effet les points communs entre ces deux personnages sont très nombreux. Ils sont tous les deux allemands et en outre de la même région d’Allemagne qui est le Palatinat, l’un de Trèves et l’autre de Cologne. Ils sont tous les deux à demi juifs. Ils sont de la même génération. Ils vont quitter l’Allemagne pour la même raison qui est la restauration impériale qui suivra les événement de 1848.

Karl Marx 1818-1883

Jacques Offenbach 1819-1880

Petite notice sur Offenbach pour mémoire

Allemand naturalisé français, juif converti au catholicisme, voyageur infatigable, génie musical exceptionnel, auteur de 141 opéras, il incarne au plus haut point l'esprit européen.

Remarquez à quel point le parallèle est puissant. S’il n’avait pas été fait il aurait fallu l’inventer.

Or là où leur route vont différer c’est durant la période de 3 ans qu’ils vont tous deux passer à Paris de 1848 à 1851 sans jamais d’ailleurs se rencontrer (du moins à ma connaissance) bien qu’ils fréquentent les même milieux immigrés allemands et qu’il ont au moins Heinrich Heine comme connaissance commune.

1851 c’est la date du coup d’Etat de Napoléon III. Marx partira en exil en Angleterre d'où il ne sortira plus et il publiera sur cette période de trois ans la fameuse " lutte des classes en France".

Au contraire Offenbach s’emparera de la même période, la mettra en musique et fera fortune sous l’Empire, régime si énergiquement condamné par son compatriote. Bien que la chose n’ait pas été "étudiée par un biographe professionnel" on peut dire sans erreur que c’est la même lutte des classes qu’Offenbach met en musique par exemple dans la "vie parisienne".

D’ailleurs très souvent les critiques ont dit qu’Offenbach avait réduit la guerre de Troie à un épisode bourgeois en en ridiculisant l’aspect héroïque, alors que c’est au contraire (d'après notre point de vue deleuzien de la "contemporanéité" de ces deux monstres de la culture de la deuxième moitié du 19° siècle) son génie que d’avoir su transformer les légendes d’Homère et de Virgile en un thème structurant pour la bourgeoisie et contribuant à sa façon à l’étude que son compatriote depuis Londres entreprenait sur l’accumulation primitive du capital.

Comme le raconte avec malice Françoise Giroud dans sa biographie de la femme de Marx, Karl et Jenny ont voulu que leurs filles apprennent le piano. Il n’y a donc pas une note d’Offenbach qui n’ait sonné chez eux comme un regret de ce que le marxisme laissait derrière lui, de ce que le marxisme négligeait comme luxe comme confort comme bonheur de vivre et aussi comme légèreté..

Là où Marx sans argent sans moyens va avoir pour but de se contraindre moralement jusqu'à ce qu’il ait produit le corps de son ouvrage de sciences économiques, Offenbach décide de s’amuser, de faire ce qui lui plaît, d’aimer les femmes, le champagne et la vie

Et surtout, quelle erreur sur les opportunités du 19° siècle en général et du second empire en particulier . On ne peut pas reprocher à Marx de s’être trompé sur le destin de la période qui conduisit à l’aventure militaire jusqu’à la défaite de Sedan. Mais on doit lui reprocher de s'être trompé sur lui-même. Son oeuvre trop idéologique ne résonne pas à la musique. Elle lui tourne même sans doute le dos. Il aurait pu y avoir une telle puissance si ces deux oeuvres s'étaient associées. Elles parlent de la même chose en se tournant le dos.

L’un voit dans la lutte des classes une sorte d’ascenseur de la promotion sociale dont il va se servir à merveille achetant une maison magnifique à Vichy. L’autre y voit un moyen de prédire l’avenir qui le dissuadera à jamais et de revenir en Allemagne (il n’y retournera qu’une fois) et de revenir en France malgré le mariage de sa fille avec un français.

Grâce à cette comparaison on s’approche du marxisme d’une façon très originale en s’attachant non pas au problème de la preuve dans une théorie sociologique, mais au fait que Marx se trompe en jugeant des opportunités qui sont devant lui. C’est une branche morte de l’arbre qui finit par le pourrir complètement.

En conclusion, dans cette année anniversaire de Victor Hugo je ne voudrais pas finir sans une allusion au célèbre poète qui face à l’empire fera le même choix que l’auteur du manifeste du parti communiste et dont la vie est encore une autre opportunité entre les deux précédentes et entre toutes les autres. Vous savez sans doute qu’il fut beaucoup plus musicien que Marx et qu’en même temps il évolua aussi constamment vers plus de socialisme.

 

Mélèze

14/04/2002

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