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L’Occident terroriste, Noam Chomsky, André Vltchek

Editions Ecosociétés, 2015

samedi 16 janvier 2016 par Alice Granger

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La lecture de ce livre - qui est un entretien entre Noam Chomsky, célèbre linguiste et intellectuel militant, et André Vltchek, romancier, philosophe et surtout journaliste d’enquête dans les zones de combat – fait voler en éclats toute la propagande occidentale qui s’est sophistiquée depuis des siècles dans le sillage des Croisades et de la colonisation afin que nous ne sachions rien des crimes commis par l’Occident pour s’accaparer les ressources de la planète en empêchant toute possibilité d’indépendance et de développement démocratique dans de nombreux pays, qui ont été chaque fois lourdement punis. Entre les lignes, nous entendons aussi la colonisation de nos propres cerveaux occidentaux afin de nous transformer en consommateurs anesthésiés si utiles aux multinationales prédatrices ! Ce livre de mémoire mérite qu’on s’y arrête longuement. Et qu’il soit lu par beaucoup de lecteurs !

Ces deux auteurs nous parlent des crimes contre l’humanité (50 à 55 millions de morts) commis par les Etats-Unis, l’Europe et leurs Alliés, depuis la Deuxième Guerre mondiale. Ceci dans le sillage du colonialisme. Le colonialisme est déjà une histoire d’accaparement des ressources de pays envahis, spoliés, massacrés, ceci pour assurer le train de vie en train de s’élever et de se standardiser de ces pays d’Europe qui s’industrialisent, et des Etats-Unis. C’est toujours : vos ressources, vos matières premières, votre main d’œuvre sont à nous, et vous êtes, vous les Autochtones, vous les humains d’une autre couleur de peau et d’une autre culture et civilisation, des non-personnes. Ce livre nous fait bien comprendre cela : la main-mise sur les ressources de la planète par l’élite occidentale dominante, qui en manque chez elle pour s’accroître avec avidité et accumuler comme si son monde n’avait pas de limite. Comme si la planète n’était qu’une matrice éternellement fonctionnelle pour des élites occidentales pas décidées à en sortir, à naître, à admettre que la planète terre est autre chose qu’une sorte de placenta aux ressources infinies, qu’on ne peut pas y faire n’importe quoi. Une métaphore matricielle délirante, maligne, menace la vie humaine sur terre, bouleverse dangereusement les équilibres, impose le monopole de son régime fou à la diversité qui est en vérité la marque de la terre ! Donc, les pays les plus riches en ressources, fossiles, et minerais par exemple, seront les plus empêchés de laisser advenir l’indépendance et les droits sociaux chez eux. Un coup d’Etat bien téléguidé par les Etats-Unis règle la menace que ces ressources soient utilisées par le gouvernement de ces pays pour leur population ! A la fin de la Deuxième Guerre mondiale, il y a un vrai partage entre les Etats-Unis et leurs Alliés, en ce qui concerne ces ressources et les pays qui les ont ! Les Etats-Unis ne laissent à l’Europe que ce qui ne les intéresse pas, par exemple l’Afrique. Parallèlement à ce partage, il s’agira d’empêcher, partout dans le monde, la possibilité qu’un pays ne s’aligne pas sur le néo-libéralisme de marché, qu’il prenne son indépendance et devienne par exemple authentiquement socialiste. Les Etats-Unis veulent maintenir leur hégémonie économique mondiale, et en faisant de telle sorte que la reconstruction de l’Europe se fasse sur le dos de l’Afrique, ils s’assurent que les Alliés, en s’enrichissant fourniront les consommateurs, deviendront un marché conquis ! Défendre l’accès à ces ressources spoliées aux pays qui les possèdent va de pair avec la chasse au virus de l’indépendance et du nationalisme, la plupart du temps par des coups d’Etat fomentés par les Etats-Unis, avec mise en place de militaires, de dictateurs, toujours proches de l’Occident et de ses multinationales. Aujourd’hui encore, l’Occident tente d’affermir son pouvoir sur le monde. Et la guerre par les drones, à sens unique, comme un monstrueux jeu vidéo aux mains de l’Occident, anéantit les villages, massacrent les populations, mutilent les corps.

Bien sûr, l’Afrique, pour son malheur, regorge de ressources ! A la fin de la Deuxième Guerre mondiale, a été planifié un nouvel ordre mondial, où chaque région aura sa fonction ! L’Asie du Sud-Est a fourni aux anciennes puissances coloniales les matières premières et les ressources pour leur reconstruction, laquelle a ouvert un marché aux entreprises américaines. L’Afrique, qui n’intéressait pas les Etats-Unis, a été exploitée par les puissances européennes pour leur propre reconstruction. Aujourd’hui, les Américains reviennent vers l’Afrique, qu’ils veulent exploiter, pour son pétrole, son uranium, ses autres métaux ! L’Afrique reste le bassin de ressources à piller ! La France a joué un rôle terrible sur un continent où sa légion étrangère est encore présente partout. Le Sahara Occidental, en 1975, lorsque le lien colonial a été rompu, a été tout de suite envahi par le satellite de la France qu’est le Maroc ! C’est d’ailleurs, comme on ne l’a pas su, au Sahara Occidental et non pas en Tunisie qu’a débuté le Printemps arabe. Au RDC, pays pillé par le Rwanda et Ouganda pour le compte de l’Occident, a lieu le pire génocide depuis la Deuxième Guerre mondiale, mais cette tragédie est étouffée. La Somalie est dévastée. L’Occident a appuyé son invasion par l’Ethiopie, ses côtes sont contaminées par les déchets toxiques de l’Union européenne, la pêche est ruinée, la piraterie se développe. L’Afrique de l’Ouest, notamment le Sénégal, est le terrain de jeu de la France, il y a même des navires militaires sur l’île de Gorée, haut lieu du transit des esclaves africains ! En Afrique du sud, comme l’a noté Naomie Klein, bien sûr on a connu la fin de l’apartheid, mais le rapport de classes reste inchangé. Mais Chomsky fait valoir le fait que la population a pesé pour son droit à jouir des mêmes prérogatives que les élites, et a de fait appliqué librement les principes mêmes du néo-libéralisme ! Donc, c’est le mouvement anti-apartheid lui-même qui a adopté le cadre néo-libéral du renforcement du pouvoir des élites, avec pour conséquence la marginalisation de la population ! Chomsky souligne que tant que le mouvement des capitaux reste libre, deux électorats vont entrer en lice lors des élections, les citoyens et en face les investisseurs nationaux et internationaux ! Il est juste possible de limiter un peu le pouvoir de ces investisseurs !

Noam Chomsky nous montrent les deux tendances actuelles, sans qu’il soit vraiment possible d’espérer que l’Occident terroriste laisse la place à une humanité indépendante, adulte, non bernée par la propagande occidentale, devenue intellectuelle autrement que dans la voie d’un élitisme qui ne pense qu’à se faire valoir sur le dos de non-personnes. D’un côté, il y a le monde qui court à sa perte, si l’Occident garde son pouvoir sur le monde, avec non seulement les crimes commis pour mettre coûte que coûte la main sur les ressources, mais aussi les dégâts irréversibles et criminels que l’industrialisation a causé à la planète depuis son début. De l’autre, il y a une opposition grandissante, qui a fait que l’Amérique latine par exemple est devenue indépendante des Etats-Unis dans beaucoup de ses pays, que la Chine s’est dégagée depuis 1949, que le printemps arabe n’est peut-être que le début d’un mouvement d’indépendance par-delà les difficultés. Ce livre nous annonce peut-être une maturation sans précédent de l’humanité terrestre, commençant doucement mais sûrement à penser par elle-même, à acquérir un esprit critique, à ne pas abdiquer sa culture et ses différences, se réveillant un peu partout de ce long lavage de cerveau et de cette soumission par la propagande occidentale qui a livré aux humains un prêt à penser et consommer de masse, sous la férule d’une élite dominante et avide de richesses qui saurait penser, décider, et faire pour tout le monde. Cet Occident terroriste et arrogant a méprisé les autres cultures, par exemple chinoise et musulmane, aveugle devant leur supériorité en matière de droit social par exemple, des cultures qui pouvaient justement accompagner l’avènement d’un véritable socialisme dans certains pays où des coups d’Etat ont promptement empêché cela.

André Vltchek, dans une annexe, et dans le sillage des attentats de janvier 2015 à Paris, nous montre comment l’Occident a fabriqué des monstres musulmans terroristes. Lors d’un séjour à Jérusalem-Est, des personnes âgées lui ont raconté combien la société palestinienne d’autrefois était modérée, séculière, s’intéressant beaucoup à la vie et à la culture, et peu aux dogmes religieux. Même constat dans d’autres sociétés musulmanes, Syrie, Irak, Iran, Egypte, Indonésie. Cet auteur nous rappelle que l’islam n’est pas seulement une religion mais une culture majeure sur la planète, qui a enrichi l’humanité d’innovations scientifiques, architecturales, médicales. Une culture dont on ne sait pas, à cause de l’hégémonique culture occidentale qui occupe tout l’espace, qu’elle est à l’origine des plus anciennes structures sociales, immenses hôpitaux publics, premières Universités. Pour un Occident se présentant comme à l’origine du droit, de la liberté, de la démocratie, du progrès, il est devenu impossible d’admettre que pour bon nombre de politiciens musulmans, la notion de social allait de soi ! Mais Londres, Washington, Paris, chaque fois qu’un gouvernement musulman de gauche menaçait la main-mise occidentale sur les ressources, se sont ingérés violemment dans les affaires de ces pays pour renverser les gouvernements et mettre à la place des alliés fascistes complices. Vltchek est convaincu que sans ces ingérences occidentales violentes, l’Iran, l’Egypte, l’Indonésie seraient maintenant socialistes ! En Indonésie, Sukarno, proche du parti communiste, résistait à la main-mise occidentale sur le monde ! Il avait initié un mouvement anti-impérialiste mondial regroupant des pays non alignés, contrariant la chrétienté conservatrices, les colonialistes, les barons de l’industrie ! La menace était justement ces dirigeants progressistes, marxistes, musulmans, très populaires. Impossible que les riches ressources de l’Indonésie puissent profiter à sa population ! L’empire occidental et ses entreprises ne pouvaient laisser filer le jackpot ! La méthode de cet empire : diviser le monde musulman, l’infiltrer de militants radicaux et anti-communistes, et mettre en place des dirigeants dont la priorité ne serait pas les droits de leur population ! Pratiquement tous les mouvements radicaux islamismes sont liés au wahhabisme, proche de l’Arabie Saoudite, du Qatar et de leurs alliés. L’essor du wahhabisme est dû aux Britanniques, et est soutenu directement et indirectement par les Etats-Unis. L’Occident, dans la foulée de l’intervention de l’URSS en Afghanistan, a beaucoup aidé le wahhabisme, par des financements, de l’armement. Al-Qaïda était l’un de ces groupes islamiques radicaux créés et introduits par l’Occident dans des pays musulmans. L’organisation Etat islamique, groupe armé extrémiste, est né dans les camps de « réfugiés » à la frontière turco-syrienne et jordano-syrienne. Le gouvernement de Bachar El Assad étant une menace car séculier, il fallait le financement des éléments radicaux par l’OTAN et de l’Occident pour le déstabiliser puisqu’il nuit à une domination totale du monde par l’empire occidental ! Sauf que ces éléments extrémistes ont pris de l’indépendance… ! Alors l’Occident va les utiliser en faisant la une des journaux avec la terrible menace qu’ils font courir à notre monde, et combien est nécessaire l’engagement militaire, la surveillance, les fonds colossaux attribués à la défense, et la guerre contre ces Etats « voyous ». André Vltchek nous montre bien par quelle logique, celle de la main-mise sur les ressources en empêchant les pays qui les possèdent d’aller vers un socialisme indépendant, des pays civilisés et pacifiques ont été torpillés et infiltrés par des éléments religieux et idéologiques étrangers et transformés en menaces ! Le cas de l’Indonésie est exemplaire de la destruction des valeurs musulmanes progressistes ! Lorsque Sukarno a pris ses positions de plus en plus progressistes, lorsque la branche éclairée socialiste de l’islam se développait, les stratèges chrétiens et anti-communistes se sont infiltrés en Indonésie pour planifier le coup d’Etat de 1965. Coup d’Etat bien sûr orchestré par l’Occident via une propagande anti-communiste et anti-intellectuelle réalisant un vrai lavage de cerveau parmi les membres d’organisations musulmanes. Ces membres n’étaient pas avertis du fait qu’en vérité l’islam progressiste ainsi que le communisme étaient la cible ! Un dictateur favorable aux milieux des affaires chrétien a été mis en place : le général Suharto ! La communauté musulmane d’Indonésie, pourtant très nombreuse, a été refoulée au rang de la minorité silencieuse. Donc, non seulement le colonialisme a détérioré le monde musulman et sa culture, mais il s’est approprié les connaissances et la créativité de l’islam, qui sont devenues les fondements de la « Renaissance » européenne puis des Lumières. Tout cela en gommant bien sûr ces connaissances et ces enseignements des sociétés musulmanes, et de l’histoire ! Non seulement on a éliminé physiquement les penseurs et les intellectuels de l’islam comme culture, mais on a réécrit l’histoire pour en faire exclusivement l’histoire de la civilisation occidentale ! Désormais, le monde islamique est non seulement incompris des non-musulmans, mais des musulmans eux-mêmes, et il ne reste que la religion ! Presque tous les pays musulmans sont aujourd’hui dirigés par des despotes, des militaires, tous liés aux intérêts occidentaux ! Comme les Africains, les musulmans ont payé un prix très lourd le fait de posséder beaucoup de ressources naturelles. La maltraitance dont ils ont et font encore l’objet vient aussi du fait que, comme les Chinois, ils appartiennent à l’une des plus grande civilisation de l’histoire, qui éclipse l’histoire occidentale. L’Occident arrogant ne peut admettre que sa civilisation n’est pas première, dominante, donneuse de leçon, soumettant les autres ! Dans le sillage de la chrétienté missionnaire, se sont effectués un pillage et une maltraitance criminelle de l’islam, alors que celui-ci ne pensait pas à la guerre, mais plutôt à bâtir une grande civilisation, avec des percées scientifiques et sociales. André Vltchek contribue par son analyse à ce retour du refoulé de la volonté de l’Occident et de ses doctrines chrétiennes fondamentalistes datant des Croisades de détruire les régimes modérés, séculiers, progressistes dans le monde islamiste. 10 millions de musulmans en sont morts depuis 50 ans ! L’Occident a sélectionné les monstres les plus horribles, il les a armés, financés, entraînés, et les a lâchés dans la nature ! Voici la nouvelle forme des Croisades ! De la religion musulmane, l’Occident ne tolère que la forme la plus complaisante à l’égard des intérêts occidentaux et de leur domination, du capitalisme.

Les « non-personnes » dont parlait Georges Orwell sont aujourd’hui comme au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale la majorité de l’humanité.

Noam Chomsky s’est engagé sur les fronts intellectuels et militants déjà au temps de la guerre du Vietnam. Il sait que toute cette souffrance sur tous les fronts du monde est toujours la conséquence de l’avidité et de la soif de domination, qui viennent d’Europe et des Etats-Unis. Quant à André Vltchek, il a recueilli partout sur les zones de combat les preuves verbales et visuelles des pillages, humiliations, carnages infligés par les capitales occidentales. Ce que décrit et cherche à comprendre Noam Chomsky, André Vltchek le décrit. L’un et l’autre défendent envers et contre tout le droit des peuples à l’autodétermination et à la liberté, pour une planète qui, à l’instar de la nature où cohabitent les différentes espèces végétales pour un équilibre réussi, accueillerait une pluralité de peuples et d’êtres très différents, la monoculture comme la massification des humains conduisant droit à la mort. Ils se battent donc tous les deux contre le colonialisme qui continue autrement et de plus belle, contre le fascisme, et l’injustice de plus en plus galopante. Les intérêts géopolitiques de l’Occident doivent cesser de dominer, il en va de l’avenir de l’humanité ! Il faut lutter sans relâche !

André Vltchek est frappé de constater que ce que dit la presse occidentale ne correspond pas à ce qu’il voit partout où il voyage. D’habiles propagandistes manipulent l’opinion publique, la désinformation occidentale vise à occulter qu’il y a dans le monde des pays qui refusent les diktats de l’Occident. La plupart des Occidentaux sont en fait mal informés ! Ils ignorent par exemple comment sont déclenchés les coups d’Etat, pour quelles raisons, et qui tient les ficelles derrière pour finalement installer dictateurs et militaires favorables aux intérêts de l’Occident et aux multinationales pétrolières ou autres. Ils ignorent surtout à quel point la menace que traque et détruit la puissance impériale occidentale menée par les Etats-Unis est le virus de l’indépendance et du vrai socialisme, parce qu’alors les ressources et les richesses échapperaient aux puissants et aux multinationales pour profiter aux populations habitant les pays qui les possèdent. Dans le pire des cas, cette population est massacrée, comme l’ont fait les Anglo-Saxons colonisateurs qui ne se sont pas contentés de dominer les Autochtones, et comme Christophe Colomb a exterminé 95% de la population d’Amérique. Dans le « meilleur » des cas, les conquérants prétendent qu’ils vont apporter la bonne parole (missionnaires chrétiens) ou la démocratie et la culture à des sous-hommes ignares et nuls. Le génocide final est la destruction de l’environnement, et ça, c’est grave, car l’humanité peut disparaître de la planète par la faute de l’avidité et de l’arrogance pseudo-intellectuelle occidentale. Déjà, non seulement les ressources fossiles et la plupart des matières premières sont volées aux populations par l’Occident, mais désormais l’eau, l’énergie, les espèces végétales privatisées et brevetées sont en train d’être aussi accaparées par les multinationales occidentales. Sans parler de la qualité de l’air que nous sommes en droit de respirer, et qui est rendu de plus en plus irrespirable par la faute de l’industrialisation et du mode de vie dominant. Des pays d’Océanie sont déjà en train de disparaître !

On a tellement dénoncé les camps de concentration nazis ! Mais la désinformation est totale sur le fait que les premiers camps de concentration ne sont pas nazis mais britanniques, au Kenya et en Afrique du sud. On ne sait pas non plus que l’Allemagne avait déjà commis un holocauste en Namibie, les Allemands s’étant conduits de manière horrible avec les Autochtones ! A la fin de la Deuxième Guerre mondiale, si on s’était intéressé un peu plus sur le passé de l’Allemagne, et notamment sur cet holocauste, on aurait plus compris qu’ils avaient continué une pratique déjà expérimentée. Et cet holocauste, ils l’ont aussi perpétré contre les Roms, traités alors comme les Juifs !

Après la Deuxième Guerre mondiale, le colonialisme, loin de disparaître, s’est au contraire renforcé, a constaté André Vltchek. En se rendant plus difficile à cerner par les populations. Par exemple, dans la République Démocratique du Congo, les multinationales veulent avoir l’accès au Coltan et autres minerais précieux, nécessaires à la fabrication des téléphones portables. Alors, des milices massacrent les gens.

André Vltchek a vécu longtemps à Hanoï. Et est allé au Cambodge. Il dit que les grands médias occidentaux ont mené une énorme campagne de désinformation sur le génocide commis par l’Occident contre les peuples d’Asie du Sud-Est. Il souligne que l’Empire britannique a souvent réussi à endoctriner des millions de sujets, si bien que, par exemple en Malaisie, le rêve des jeunes Malaisiens est d’aller étudier dans une Université prestigieuse d’Angleterre, c’est-à-dire qu’ils renoncent à leur culture pour celle de leurs anciens colonisateurs ! Idem au Kénya. Formation d’une élite qui pourra piller leur pays pour le compte de leurs maîtres occidentaux ! Il reste comme une sorte de nostalgie du joug colonial…

Les Européens sont ridiculement ignorants de l’histoire coloniale, les Allemands ne savent rien de leur passé colonial en Namibie. L’ignorance est abyssale ! Alors que les gens instruits d’Asie, d’Amérique latine, d’Afrique, sont très informés, la plupart des Occidentaux, surtout Européens, sont endoctrinés et obsédés par leur prétendue spécificité, se croyant le peuple élu ! Ils ne consultent jamais d’autres sources. Ils ont un manque d’intérêt flagrant ! Ils choisissent de ne rien savoir, alors qu’ils sont toujours impliqués dans des crimes commencés il y a longtemps ! Ils restent sur la défensive, ils ignorent aussi l’histoire de leur propre continent, comme de jeunes Espagnols à Barcelone ignorent tout de leur guerre civile et du régime franquiste. Alors qu’en Amérique latine, la population aborde son passé de manière ouverte. Ce livre nous met face aux dégâts colossaux sur le fonctionnement de nos cerveaux occidentaux qu’a provoqué cette sorte de standardisation de la vie par l’industrialisation occidentale et ses forfaits coloniaux ! Réduits à des fœtus branchés… flottant dans le progrès sans limite !

Le problème de l’Occident, c’est qu’il se croit, tel le peuple élu, le peuple supérieur, investi d’une mission morale (les chrétiens allant en mission, apporter la bonne parole) légitimant le droit d’imposer ses diktats à la terre entière par ses organisations, ses médias, ses multinationales. Alors, bien sûr l’Occident va dissimuler ses crimes en orientant le projecteur médiatique sur un pays dont le « crime » est de ne pas s’aligner. Par exemple la Chine, qui échappe à la domination américaine dès 1949, mettant en danger le projet de domination des Etats-Unis sur le Pacifique et l’Asie du Sud-Est. Donc, la propagande médiatique occidentale va parler des 100 millions de morts du communisme, visant la Chine. Si, en raison d’une grande famine, il y a en Chine 30 millions de morts, un ouvrage universitaire indique qu’à la même époque il y a en Inde aussi 100 millions de morts, car c’est un pays incapable de mettre en œuvre les réformes de santé et d’éducation. L’Inde a tué autant que la Chine pendant la famine, mais la propagande occidentale ne parle que de la Chine ! De plus, la recherche d’un universitaire japonais fait apparaître que la famine en Chine n’a rien à voir avec l’idéologie communiste mais qu’elle a été provoquée par le fait qu’à la fin de la guerre le Japon a réorganisé ses ressources et a destiné sa nourriture aux Japonais, privant du même coup les Chinois ! Toujours aujourd’hui, dès que la Chine fait la moindre erreur, elle est immédiatement condamnée !

Noam Chomsky nous rappelle que les Etats-Unis se sont immunisés contre toute poursuite. En 1946, ils adhèrent à la Cour Internationale de Justice en imposant comme condition de ne jamais être poursuivis.

La propagande occidentale s’est mise en place ces 200 dernières années. Elle est très sophistiquée, et elle a littéralement colonisé les esprits ! Il faut donc bien comprendre que la colonisation s’est aussi faite dans les cerveaux humains, pas seulement celui des colonisés et autres « non-personnes », mais aussi, peut-être surtout paradoxalement, celui des Occidentaux ! Par exemple, les intellectuels occidentaux ont été particulièrement aveugles à propos des dissidents d’Europe de l’Est, objets de la propagande du bloc de l’Ouest entretenant leur culte. Au Salvador, des intellectuels ont été assassinés par une unité d’élite de l’armée revenant de Caroline du Nord. L’assassinat est resté invisible. Si la victime avait été Vaclav Havel, le monde entier en aurait parlé ! Noam Chomsky souligne la différence frappante de comportements entre les intellectuels d’Europe orientale de l’époque et ceux d’Amérique latine. Ceux d’Europe de l’Est s’inquiétaient de leur sort, soulignaient combien ils avaient souffert, alors que Havel et ses semblables bien sûr étaient maltraités mais en même temps ils étaient adulés par l’Occident et c’était un honneur d’aller les visiter. Les intellectuels latinos-américains, tout en n’ayant pas le même honneur de la part des Occidentaux, étaient beaucoup plus humanistes et internationaux.

Aussi bien Noam Chomsky que André Vlchtek témoignent qu’ils n’ont fait l’objet de censure ni en Chine ni en Iran. C’est la BBC qui les a au contraire totalement censurés ! Alors que la population occidentale est persuadée que ses médias sont libres, nos auteurs ont constaté que des pays comme la Chine, la Turquie, l’Iran sont beaucoup moins censurés que nos médias grand public ! Nos médias occidentaux utilisent des techniques qui empêchent de dire quoi que ce soit ! Parce que tout doit pouvoir s’insérer entre deux pages publicitaires ! Donc, il n’y a pas le temps ! Par ailleurs, il y a toute une armée d’employés pour filtrer les propos des invités interviewés. Le système est blindé, très solide, très sophistiqué ! Les nazis, pour leur propagande, avaient établi leur système en lien avec les Etats-Unis. Nous ignorons bien évidemment que de nombreux concepts américains et européens ont inspiré les nazis, par exemple en matière de colonisation, de production de masse, de publicité, de propagande. A côté de cette sophistiquée propagande occidentale, la propagande soviétique et chinoise sont d’une médiocrité incroyable ! Cela explique peut-être que, actuellement, les Chinois sont en train de perdre la guerre idéologique, alors que leurs réalisations sont énormes ! La particularité de la propagande occidentale, nous explique André Vltchek, est qu’elle parvient à mobiliser les masses du monde entier à peu près contre n’importe quelle cause ! Comme si elle avait la main mise sur les cerveaux colonisés ! Elle peut déclencher un coup d’Etat en manipulant derrière, provoquer des conflits afin d’éviter la sécularisation d’un pays, elle peut dire d’un pays pacifiste qu’il est le plus violent, et que les pays occidentaux qui terrorisent le monde depuis deux siècles sont les gardiens de la paix et de la démocratie !

Les deux auteurs soulignent la disparition des journalistes indépendants. Chomsky a constaté en Afghanistan que les journalistes n’allaient pas sur le terrain mais restaient au bar de l’hôtel à s’amuser, et ce qui est rapporté ne doit l’être que sous un certain angle contrôlé ! En Occident, on croit les discours officiels. En Europe de l’Est, non, bien que la perception des gens soit influencée par la propagande occidentale arrivant par une radio et une télé… non censurées ! Les Européens de l’est n’étaient pas dupes de la propagande soviétique, mais ils étaient dupes et subissaient un lavage de cerveau de la part… de la propagande occidentale ! Pour André Vltchek, les Occidentaux sont le groupe le plus endoctriné et le moins critique de la terre ! Alors qu’ils se croient les mieux informés ! En pleine guerre froide, les ondes étrangères, la BBC, n’étaient pas brouillées en Tchécoslovaquie, en URSS. A l’Est, la soif d’infos était grande, et cela laissait champ libre à la propagande occidentale, sous le nez des soviétiques ! Cette propagande occidentale a des siècles d’expérience ! Or, si l’Europe de l’Est a toujours eu accès à la propagande occidentale, l’inverse n’est pas vrai ! L’Occident n’avait pas accès à la propagande de l’URSS, ni aujourd’hui à la propagande chinoise ! Ainsi, les habitants occidentaux sont dans un monde unipolaire, ils n’ont aucune véritable vision du monde, ils ne savent pas grand-chose des autres idées, ils n’ont qu’une seule idéologie, celle du fondamentalisme du marché ! La propagande occidentale poursuit son idée fixe : déstabiliser tout pays qui ne s’aligne pas, qui prétend s’organiser tout autrement, en s’occupant réellement de sa population. Depuis un siècle, elle lave le cerveau des gens d’ici par la publicité, elle entretient une société de consommation, elle table désormais sur les enfants qui vont pousser leurs parents à acheter.

Les deux auteurs se penchent sur le bloc soviétique, et soulignent combien les régimes coloniaux occidentaux ont été infiniment plus oppresseurs que ceux des satellites de l’URSS. L’envahisseur soviétique n’a jamais commis de massacres, dit-il. Kundera, Havel, Kohout, préférant devenir les vedettes de la littérature occidentale, n’ont montré qu’un côté de la médaille ! Ils faisaient tous partie de l’élite, dans leurs pays ! De nombreuses études universitaires montrent que ce que subissait l’Amérique latine comme répression était bien plus terrible que celle, modérée, vécue par les pays d’Europe de l’Est. Vltchek a pu constaté, en allant en vacances en URSS chez sa grand-mère, à quel point la métropole soviétique était plus pauvre que son satellite tchécoslovaque ! Ceci parce que l’URSS subventionnait ses satellites européens, si bien que, cas unique au monde, la métropole était moins riche que ses colonies ! Contrairement aux empires coloniaux et post-coloniaux occidentaux, l’URSS n’a pas siphonné les ressources des pays qu’elle a envahis ! De plus, la propagande occidentale tellement occupée à démontrer l’horreur soviétique a rigoureusement oublié de dire les nombreux bienfaits que l’Europe de l’Est a apporté au monde, par exemple au Vietman en aidant le pays contre les Etats-Unis, en soutenant des luttes de libération nationale, en venant au secours de millions de gens en Afrique, au Moyen-Orient, ailleurs. Tandis qu’il y a en Europe de l’Ouest beaucoup de racisme, l’Union soviétique a accueilli sur son sol beaucoup d’étudiants venus d’Afrique, d’Asie du Sud-Est, du Moyen-Orient, dans des Universités très bonnes. Bien sûr, en dehors des gens éduqués, les Soviétiques restent encore mal préparés pour accueillir d’autres cultures.

Quant à l’Europe de l’Ouest, elle traîne encore son passé fasciste, continuant à piller depuis des siècles la planète, même si ce continent est en déclin économique. Elle n’a pas encore renoncé à dominer le monde, à la remorque désormais des Etats-Unis. Les systèmes égoïstes mis en place après la Deuxième Guerre mondiale vise à accorder un conséquent filet social aux Européens en affamant le reste du monde !

A une question de Chomsky sur l’avenir du socialisme, André Vltchek répond en disant qu’il a constaté en Russie, Ukraine, Bulgarie, une grande nostalgie pour le communisme ou le socialisme. Mais le parti communiste de Russie est sclérosé. Il pense cependant que l’esprit russe est fondamentalement socialiste. Tandis que l’Europe centrale est intégrée aux structures occidentales. La propagande occidentale a passé sous silence les dizaines de millions de morts soviétiques en combattant le fascisme, pour ne garder de l’histoire soviétique que l’angle officiel, la révolution impitoyable. Il faudrait aussi que la propagande occidentale évoque en même temps les excès génocidaires du Royaume-Uni, des Pays-Bas, de l’Allemagne, de la France, dans la même période, en Afrique, Asie, Moyen-Orient ! Le plus grand nombre de morts n’est pas en URSS ! Surtout, à la grande différence d’avec l’Occident, il y avait en URSS une grande opposition au colonialisme et à l’impérialisme occidental !

Cuba, pendant les 50 ans de guerre avec les Etats-Unis, a aussi fait l’objet d’une désinformation systématique ! Rien sur son système de santé formidable et sur son éducation, par exemple ! On doit seulement être persuadé que c’est un pays sinistre ! Et le rôle des Cubains en Afrique, en Namibie, en Angola, passe aussi à la trappe ! Pourtant, ils ont fait la preuve qu’ils étaient authentiquement internationalistes. Les médecins cubains en Afrique du sud vont jusqu’à apprendre la langue et les dialectes du pays, ce que personne d’autre ne fait !

L’autre question sur laquelle les deux auteurs se penchent est celle de l’incessante propagande anti-chinoise dans les médias occidentaux, tandis que l’Inde est tout le temps glorifiée ! Il est rarement rapporté que l’Inde est un pays horrible, qu’elle est encore sous le joug d’un terrible apartheid, qu’y règnent l’esprit de clan et la misère, qu’elle n’a rien de démocratique, que l’on n’y vit bien que si l’on est riche ou membre d’une caste supérieure. L’Occident ferme les yeux car l’Inde d’une part fait tampon contre la Chine, mais surtout parce que le pays regorge de ressources naturelles, qui sont pillées par l’élite locale pour le compte des entreprises privées occidentales ! En Inde, il y a de nombreux sujets qu’il ne faut pas aborder, par exemple la question du Cachemire. On est beaucoup plus libre en Chine, où il est facile de travailler pour les Occidentaux, alors que la propagande occidentale dénigre ce pays. La Chine certes n’est pas encore un pays riche, mais elle a sorti des millions de gens de la pauvreté, elle consacre beaucoup d’argent et d’énergie pour le développement social, à la différence des pays d’Asie du Sud-Est qui sont, eux, les bastions du capitalisme sauvage pro-occidental ! Chomsky, en y allant, n’a pas constaté beaucoup de misère en Chine. Vltchek a vu en Chine, lors d’un voyage absolument libre qu’il y a fait, des villages pourvus de panneaux solaires sur les toits, un réseau de chemin de fer en bon état, des dispensaires, des initiatives écologiques, d’importantes réformes du système de santé partout. Personne, dit-il, ne pourra le convaincre que la Chine est un pays capitaliste ! C’est un socialisme à la chinoise fondé sur une planification généralisée, où, comme par hasard, la plus grande partie de l’économie est entre les mains de l’Etat, et non pas celles d’entreprises privées ou de multinationales comme en Occident ! La propagande occidentale fait croire que, lors des manifestations, les gens se révoltent contre l’Etat et veulent le capitalisme ! En fait, c’est le contraire, ils brandissent le drapeau chinois, parce qu’ils veulent davantage de socialisme, non pas des réformes pro-marché ! L’Occident interprète la Chine avec arrogance et condescendance, écrivent nos auteurs !

Lorsqu’ils abordent le cas de l’Amérique latine, avec l’arrivée extraordinaire de gouvernements progressistes dans de nombreux pays, Chomsky et Vltchek nous communiquent des raisons de croire que l’Occident impérialiste peut aussi perdre ! Ce réveil d’un continent va de pair avec un sentiment grandissant de solidarité. Les régimes fascistes pro-occidentaux tombent un à un. Les gouvernements actuels de l’Uruguay, de l’Argentine, du Brésil sont en train de renverser la situation, plus soucieux de leurs populations que des intérêts des banques et des multinationales ! Quand cela arrivera-t-il chez nous ? Bien sûr, il y a des pays comme le Honduras, le Paraguay, où des coups d’Etat sont encore orchestrée par Washington… Bien sûr, ce continent doit encore faire avec des décennies de violences derrière lui… A propos de ce continent aussi, la désinformation est de règle ! Ainsi, il est impossible de trouver des informations sur l’invasion américaine du Panama en 1989-1990, alors que le nombre de victimes est important ! On a fait disparaître des preuves de bombardements, on a passé sous silence l’hostilité américaine à l’égard de la population panaméenne lors de la construction du canal de Panama, alors qu’elle était l’objet d’un racisme honteux ! Voilà comment se comportait au Panama le pays défenseur sur toute la planète des droits de la personne, de la liberté ! Il y a, partout dans le monde, souligne Vltchek, de la part des envahisseurs occidentaux européens et américains l’attitude scandaleuse et méprisante du « Eux et nous » à l’égard des populations locales ! Le problème est que la population américaine n’en sait pas grand-chose, n’en est pas curieuse, est anesthésiée par son confort standardisé. Idem en Europe, sauf en Irlande. Au Panama, Noriega mettait en œuvre une politique sociale qui ne plaisait pas aux Américains, comme c’est toujours le cas lorsqu’un pays commence à envisager de penser au bien-être de sa population ! Toujours le danger d’une part que les ressources soient enlevées aux multinationales et d’autre part que cette insoumission au capitalisme soit contagieuse. Noriega avait aussi eu le malheur de changer de camp, alors qu’au début des années 1980 il collaborait avec les Etats-Unis, faisant du Panama un point d’appui de la puissance américaine dans la région. Lorsqu’il devient plus indépendant, il est tout de suite accusé d’être un narcotrafiquant, un terroriste. Et là, arrive Zorro, pour sauver le pays… Actuellement, le dernier bastion important des Etats-Unis en Amérique latine est le Honduras, et on ferme les yeux sur la violence qui y règne, puisque ce qui importe, c’est que Washington puisse y investir et y avoir une base militaire ! Chomsky nous rappelle que l’OMC a été conçue pour permettre aux multinationales de poursuivre les Etats qui osent nuire aux profits qu’elles veulent réaliser en détruisant bien sûr le pays ! Voilà le néolibéralisme ! Mais les gouvernements de gauche d’Amérique latine collaborent de plus en plus entre eux, par exemple la Bolivie et le Brésil ! La région est en marche vers l’indépendance ! Lors d’un séjour en Bolivie, André Vltchek a constaté que là où il y avait autrefois une honteuse ségrégation il y a maintenant des dispensaires mobiles, avec des médecins blancs qui soignent des Autochtones, où ceux qui furent si longtemps privés de droits sociaux ont désormais des aides. L’agriculture y est locale. Au Chili, même si Michelle Bachelet n’a pu être réélue, le pays reste social-démocrate, et les luttes sociales sont nombreuses, il y a beaucoup d’hôpitaux publics. La culture progressiste est bien implantée. On est loin du temps de Pinochet ! En Amérique latine, contrairement à l’Asie du Sud-Est où les populations sont brisées par l’épuisement et ont renoncé, en Amérique latine on a commencé à faire la preuve d’une indépendance possible par rapport à l’Empire occidental notamment américain ! Il ne faut donc pas désespérer !

La question du Moyen-Orient et du printemps arabe, abordée par nos deux auteurs, est particulièrement importante pour dégager la responsabilité du terrorisme islamique actuel ! Depuis la fin de la Première Guerre mondiale, l’empire britannique perdait son emprise sur le Moyen-Orient, même s’il restait la plus grande puissance mondiale. A la fin des années 1930, des sociétés pétrolières américaines ont trouvé du pétrole en Arabie Saoudite. Et oui… Les Britanniques y étaient aussi… Une mini-guerre oppose les Britanniques et les Etats-Unis au cours de la Deuxième Guerre mondiale, pour contrôler cette ressource fossile ! Normal ! Les Britanniques étaient bien gênants pour les intérêts pétroliers américains ! Mais Roosevelt a une idée géniale ! Il fait un décret qui qualifie l’Arabie saoudite d’« alliée démocratique » contre les nazis, aux premières lignes du combat contre eux ! Et oui, les nazis, ça arrange bien les choses ! Les Etats-Unis ont mis de leur côté la monarchie saoudienne en faisant valoir combien elle est démocratique en luttant elle-aussi contre les nazis ! A la fin de la guerre, les jeux sont faits ! Les Américains sont maîtres de la situation, ils chassent les Français de la région puisqu’en temps que collaborateurs fascistes par le régime de Vichy ils avaient perdu leurs droits… Les Britanniques peuvent rester, mais en second, comme partenaires ! Les auteurs nous remettent en mémoire l’odieux racisme de Churchill et de toute la classe dominante britannique envers « les tribus non civilisées », qu’il ne faut pas craindre de bombarder ! Ce racisme persiste aujourd’hui ! Donc, après la Deuxième Guerre mondiale, ce sont les Etats-Unis qui prennent la main au Moyen-Orient ! Ceci en relation avec le pétrole, bien sûr ! En Iran, où en 1953 les Britanniques ont pu renverser le gouvernement avec l’appui des Américains, ceux-ci sont de plus en plus puissants pour imposer leurs lois. En Irak, la monarchie pseudo-indépendante est sous tutelle britannique, qui est renversée en 1953 par un coup d’Etat. Quelques années plus tard, les Etats-Unis orchestre un autre coup d’Etat pour renverser un gouvernement trop nationaliste, et Saddam Hussein entre en scène ! La CIA l’aide à éliminer ceux qui sont dérangeants, enseignants, communistes, radicaux… En Arabie Saoudite, les Américains ont les mains libres, les Britanniques s’étant vite retirés. Ce pays va déstabiliser le Bahrein, l’Indonésie. Les Saoudiens vont financer l’extrémisme islamique le plus virulent, le wahhabisme, tandis que les Etats-Unis évidemment ne bougent pas. L’Arabie Saoudite reste le favori des Etats-Unis, le Royaume-Uni le soutient aussi. Le wahhabisme est une arme pour combattre tout nationalisme séculier et le risque que les ressources profitent enfin aux populations locales ! La relation de proximité entre les Etats-Unis et Israël date de 1967, lorsque l’Etat hébreu a écrasé le nationalisme séculier tout en défendant l’islam radical ! Chomsky souligne que les Britanniques ont toujours soutenu les islamistes radicaux, comme le montre une étude d’un historien britannique, ceci évidemment pour éviter que les ressources échappent à leur pays ! Les islamistes radicaux d’Asie du Sud-Est se sont radicalisés sur les champs de bataille afghans, où ils se battaient pour le compte de l’Occident, payés notamment par Washington et Londres !

Les forces islamiques s’organisent en fait depuis des décennies, financées par L’Arabie Saoudite. Lors du Printemps arabe, les deux pays où l’évolution est encore en cours et où le parti islamique est plus modéré, la Tunisie et l’Egypte, sont comme par hasard ceux qui ont connu les progrès les plus importants, avec de puissants mouvements ouvriers pour soutenir le droit des travailleurs. D’ailleurs, une des réussites du Printemps arabe, nous rappelle Chomsky, est la diminution ou la disparition des contraintes sur le syndicalisme. En Tunisie, cela s’accompagne d’une augmentation de la liberté d’expression. Evidemment, ce nouveau ferment de démocratie qui se lève dans la région est difficilement acceptable par les Etats-Unis et l’Occident… Selon un sondage en Egypte, 80% de la population non dupe pense que les principales menaces sur leur pays sont les Etats-Unis et Israël ! L’avidité occidentale sur les ressources a été bien entendue ! Dans une démocratie, cette opinion de la population ne serait pas sans conséquence ! Donc, Washington, Londres et Paris font tout pour affaiblir les composantes démocratiques du Printemps arabe, tout en se présentant bien sûr comme les ardents défenseurs de la liberté, du droit des populations ! En tout cas, dans les pays où il y a la dictature pétrolière, évidemment il n’y a aucun changement ! Les velléités de soulèvement sont vite réprimées ! En Egypte et Tunisie, toujours la même stratégie de la part de l’Occident : le dictateur est soutenu jusqu’au dernier moment, puis on l’exile quelque part et on tente de restaurer l’ordre ancien en soutenant officiellement la démocratie ! Ce fut déjà comme cela avec Ceausescu, adoré par Reagan et Thatcher ! Chomsky n’est pas pessimiste quant à l’avenir du Printemps arabe, qui est selon lui seulement dans les premières étapes. Il lui a manqué cependant une plus grande solidarité entre pays. En tout cas, tout est fait pour masquer que les soulèvements ont été provoqués par les politiques néo-libérales et leurs conséquences désastreuses pour les populations auxquelles les ressources de leurs pays ont été raflées !

A propos de la Syrie, deux pays, la Russie et la Chine, ont refusé d’obéir aux ordres de l’Occident voulant faire adopter une résolution par les Nations Unies. Russie et Chine contre l’impérialisme occidental, voilà un tournant très important, et bien sûr complètement minimisé par la propagande occidentale ! Tournant d’autant plus important que les pays de la BRICS, Brésil, Inde, Afrique du Sud, se sont aussi opposés ! Bien sûr, cela a peut-être arrangé Obama, qui n’était pas sûr de vouloir intervenir en Syrie, d’autant plus que Assad avait par le passé veillé aux intérêts des Etats-Unis et d’Israël et contribué à la stabilité dans la région. Nous voyons que les intérêts géostratégiques priment toujours sur le sort des populations… ! Ils n’ont pas été nombreux les pays à soutenir l’action en Libye en 2011 : Royaume Uni, Etats-Unis, France ! Résultat : un pays en ruines. En ce qui concerne l’Iran aussi, des pays ne s’alignent pas sur les Etats-Unis et l’Europe qui disent qu’elle menace la paix mondiale. Ces pays non alignés défendent son droit à enrichir l’uranium. Tandis que les pays arabes dirigés par des dictateurs appuient la politique iranienne des Etats-Unis, les populations de ces pays disent que la menace vient en fait des Etats-Unis et d’Israël. Les agences de renseignements américaines savent parfaitement qu’il n’y a pas de programme nucléaire iranien, que la stratégie de ce pays est uniquement dissuasive et que ses dépenses militaires sont faibles. Ce qui est la vraie menace aux yeux des Etats-Unis, c’est l’influence de l’Iran, qui pourrait s’étendre, renforçant par exemple leurs relations commerciales. De plus, l’Iran est en train de nouer des relations avec des pays que l’Occident cherche à détruire, par exemple le Venezuela et d’autres pays de l’Amérique latine. Le prétexte officiel de la menace nucléaire cache d’autres motifs en relation avec l’hégémonie occidentale et américaine… La pire faute, on le voit avec Cuba, est de ne pas obéir aux ordres !

Y a-t-il de l’espoir, par-delà la dévastation que nous observons aujourd’hui, se demandent les deux auteurs ? Alors que presque toute l’Amérique latine est libre, André Vltchek a l’impression qu’au contraire en Afrique et en Asie du Sud-Est, le pouvoir colonial et néo-colonial se consolide, car le fondamentalisme de marché est très enraciné. Quant à l’Afrique, c’est le continent le plus misérable et le plus dévasté de la terre. Mais Chomsky est plus sensible au fait que le monde change et que la capacité occidentale d’intervention a chuté. L’Amérique du Sud aussi semblait totalement soumise, et elle a pu se relever ! Pourquoi pas l’Afrique, l’Asie du Sud-Est ?

La puissance mondiale des Etats-Unis est-elle en déclin ? L’avis de Chomsky diverge de celui de Vltchek. Celui-ci la voit se consolider, tandis que Chomsky observe son lent déclin depuis 1945, époque où les Etats-Unis détenaient la moitié des richesses mondiales, où les autres pays étaient dévastés, où ils occupaient le Japon et dominaient l’Europe occidentale. Le fascisme a offert aux Etats-Unis, s’alliant au Royaume-Uni, l’opportunité de débarquer sur le continent européen pour anéantir les fascistes et, par la même occasion, affaiblir les mouvements ouvriers qui s’y trouvaient. Et oui, la géopolitique ! Comment se débrouiller pour rester la puissance dominante ! C’est d’abord l’Italie en 1943, puis en Grèce considérée à cette époque comme faisant partir du Moyen-Orient riche en ressources énergétiques. Les Américains avaient à l’œil l’Allemagne, car ils pressentaient déjà qu’elle deviendrait le cœur du système industriel de l’Europe. Avec les Britanniques, ils redoutaient la contagion de l’Allemagne de l’Est, d’où la séparation en deux par le mur de Berlin, pour stopper la propagation des idées radicales émanant du mouvement ouvrier ! En France, pour briser les mouvements ouvriers on avait besoin de la mafia…, que les nazis avaient anéantis. Les Etats-Unis l’ont reconstituée en Sicile et en Corse, lui concédant en contrepartie le trafic d’héroïne (French Connection), l’argent sale servant bien la CIA… Juste après guerre, les Etats-Unis s’opposaient, en Asie du Sud-Est, avec les empires coloniaux de la région qui pouvaient gêner leur intervention sur le plan économique. Ils voulaient aussi s’opposer aux mouvements nationaux en plein essor. Ils ont préféré l’Indonésie à l’Indochine, parce qu’il y avait plus de ressources, évidemment. Et le virus du Vietnam ne devait pas s’étendre à la Thaïlande, à l’Indonésie, au Japon. Avant, ils avaient mené la guerre du Pacifique pour empêcher que le Japon mette en place un nouvel ordre mondial. Ils appuient donc massivement la France au Vietnam ! En 1958, l’Indonésie est jugée trop démocratique aux yeux des Etats-Unis. En 1965, le coup d’Etat, qui fait trois millions de morts, est commandité par eux. Ce coup d’Etat a permis aux gouvernements occidentaux et à ses entreprises de faire de l’Indonésie le banc d’essai des politiques appliquées plus tard dans le reste du monde. Il s’agit bien sûr aussi d’une expérience économique, puisque cela permettra d’installer un système économique très favorable au marché ! Les parcours d’Amérique latine ressemblent à ceux de l’Asie du Sud-Est, ce qui est logique, puisque les stratèges de Washington travaillent toujours dans une perspective mondiale ! Le coup d’Etat au Brésil peu après l’assassinat de Kennedy a été orchestré par l’administration Kennedy, pour mettre en place une dictature militaire, et sont arrivés les économistes formés à Chicago ! Grandes vagues de répression. Alors, déclin des Etats-Unis, se demande Chomsky ? En 1970, leur part des richesses mondiales est tombée à 25%. Le monde est désormais trilatéral : Europe occidentale centrée sur l’Allemagne, Amérique du Nord centrée sur les Etats-Unis, l’Asie orientale centrée sur le Japon. Aujourd’hui, les Etats-Unis n’ont pratiquement plus d’influence en Amérique du Sud hormis la Colombie et un peu le Pérou. Le Printemps arabe a montré une autre facette de ce déclin, le fait qu’une forte majorité de l’opinion publique dans ces pays est opposée aux Etats-Unis et à ses Alliés ! Donc, les Etats-Unis ne peuvent plus se comporter comme avant, renverser des gouvernements d’Amérique du Sud. Chomsky dit à Vltchek qu’il sous-estime le degré d’indépendance de l’Europe et du Japon. Dans les années 1950, les Américains étaient déjà inquiets à l’idée que l’Europe devienne une troisième force, de plus en plus indépendante. On a créé l’OTAN pour prévenir cette évolution ! Une force militaire officiellement pour protéger l’Europe des hordes soviétiques ! Mais en fait pour assurer la protection de la filière énergétique mondiale, les couloirs de navigation, les oléoducs… et pour se protéger de la sophistication technologique grandissante des pays du Tiers-monde… Dans ce cadre, le Moyen-Orient est l’élément le plus important, et les Etats-Unis maintiennent une force d’intervention dans la région. Evidemment, ce ne sont pas les Russes qu’ils craignent, mais la menace nationaliste indépendantiste : personne n’en a parlé ! Donc, la politique américaine extérieure actuelle des Etats-Unis repose sur la culture coloniale européenne ! Qui est aussi, ajoute Chomsky, américaine ! Car il ne faut pas oublier que les Etats-Unis ont d’abord conquis les terres des Autochtones, puis la moitié du Mexique, puis ils sont allés outre-mer, Cuba, Hawaï, Philippines, etc. En exterminant les populations, ce qui est une marque des colons anglo-saxons ! Il est encore inacceptable aux Etats-Unis d’évoquer le droit des Autochtones, et de parler de leur massacre ! Cependant, les choses bougent, beaucoup d’Américains commencent à se préoccuper de la politique extérieure américaine, de ses conséquences ! Massacres d’Autochtones, esclavage : deux épines américaines qui commencent seulement à sortir du silence ! Une bonne partie de la révolution industrielle américaine a reposé sur une main d’œuvre carcérale noire, car après l’abolition de l’esclave, ces Noirs étaient criminalisés pour toutes sortes de choses, et en prison ils devenaient corvéables à merci !

André Vltchek lève un peu le voile sur l’enfance du président Obama, et certaines de ses positions de droite s’entendent mieux. Son milieu d’origine est lié aux agences de renseignement américaines du Kenya et d’Indonésie. Son père avait été recruté par un politicien kenyan de droite très proche de l’administration américaine. Avec ce politicien, il a aidé à écarter le dirigeant progressiste de l’époque, au Kenya. Certes, comme le souligne Chomsky, ce père est mort alors que son fils était jeune, mais il l’a quand même connu. Mais la suite de cette enfance est intéressante. Il va la passer en Indonésie parce que sa mère se remarie avec un officier militaire indonésien entraîné à Hawaï, et qui est rappelé en Indonésie dans la foulée du coup d’Etat de 1965. La famille vit dans le secteur militaire, un quartier aisé, et Obama garde de cette enfance de très bons et doux souvenirs. Or, au même moment, il y avait la torture, des assassinats de masse, des viols, des disparitions partout en Indonésie, et même les écoliers, dont faisait partie le jeune Obama, étaient au courant. Cela fait réfléchir… !

Les deux auteurs sont donc frappés par la complaisance de l’électeur américain et européen moyen : les gens, notamment en Europe, sont désillusionnés, mais lorsqu’ils votent, ils le font pour les candidats qui défendent les idées dominantes de droite, système qui assure le haut niveau de vie des pays occidentaux en pillant les ressources des autres pays dans lesquels toute velléité de gouvernement indépendant et de gauche est empêchée ! D’ailleurs, disent-ils, le droit de vote ne subsiste que parce que les citoyens appuient le candidat qui défend le système !

Des deux auteurs, Noam Chomsky est celui qui est le moins pessimiste. Il sent les choses bouger, des populations deviennent plus lucides et plus critiques. Bref, peut-être que l’âge de la maturité est en train d’advenir pour un nombre de plus en plus grand d’habitants de la planète. Peut-être que l’information sur l’état catastrophique de la planète à cause du développement industriel (celui qui a justement besoin des ressources naturelles que l’Occident va piller !) et de nos modes de vie occidentaux va beaucoup aider à réveiller les consciences, et réussira à donner à la planète une autre sorte d’intellectuels, à la suite de Chomsky, Vltchek, Naomie Klein, etc. Chacun, se reconnaissant le droit et la liberté de vivre sur une planète sauvegardée, redevenue vivante et variée, devient intellectuel c’est-à-dire prend sa part dans l’organisation de la vie ensemble qui n’exclut personne et qui respecte les ressources de la terre. Il est bien évident que jusqu’à maintenant, être intellectuel c’est appartenir au peuple élu, et cela suit l’arrogance de la domination occidentale qui s’imagine que sa civilisation et sa culture sont les meilleures, et que se faire valoir est un cas particulier de la propagande occidentale qui occupe tout le terrain et la lumière afin de faire croire qu’en dehors d’elle il n’y a que des sauvages, des non-personnes, des nuls ! Chomsky et Vltchek nous donnent une belle leçon d’intelligence, d’humilité, d’amour, de militance, d’engagement, de justice, de non intimidation ! A les lire, on est heureux de constater que la parole et le langage peuvent servir à autre chose qu’à se faire valoir dans son entre soi élitiste !

Alice Granger Guitard



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