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Stasis - Giorgio Agamben
jeudi 3 septembre 2015 par Calciolari

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Giorgio Agamben, Stasis. La guerre civile comme paradigme politique. Homo sacer, II,2, Bollati Boringhieri, 2015

Giorgio Agamben, pour certains le philosophe italien le plus connu à l’étranger, particulièrement en France, où il est beaucoup cité – et qui a une dette de formation avec Martin Heidegger – a repris la question de la théorie de la guerre civile, qui dans la Grèce ancienne s’appelait stasis. Agamben part de la constatation d’un autre auteur, Roman Schnur, qui notait en 1986 qu’il manquait – et manque toujours – une doctrine de la guerre civile. Pour Schnur l’absence d’attention pour la guerre civile allait du même pas que la progression de la guerre civile mondiale.
Giorgio Agamben, en s’interrogeant aussi sur l’ademia, l’absence de peuple, ne trouve la question de l’origine de la guerre civile ni dans la famille ni dans la cité, ni dans l’oikos ni dans la polis, mais dans le fonctionnement interne entre les deux, et cela bien que son origine soit trouvée dans la famille, mais en se développant en combinaison avec la cité. On devrait dire que la stasis naît en famille et qu’elle est consacrée dans la cité. Cet aspect, qui pour Agamben est un résultat, reste entièrement à lire, à mettre en question, comme le couple ami-ennemi de Carl Schmitt, qui naît dans La République de Platon.
La stasis serait à la place du seuil, de la porte, de l’ouverture : elle serait le seuil entre les conjonctions et les disjonctions, c’est-à-dire la négation de l’ouverture comme jonction et séparation. La séparation n’est pas une disjonction. Ce que Giorgio Agamben appelle la guerre civile mondiale est la question close en extension. La question close réside dans les trois principes aristotéliciens, en particulier dans le principe du tiers exclu, qui est aussi le tiers représenté dans la dichotomie ami-ennemi. Et la guerre civile est la négation de la guerre intellectuelle, qui devient art de la guerre dans l’œuvre de Niccolò Machiavelli. De plus, ce n’est pas la guerre civile qui s’appelle stasis dans la Grèce ancienne. C’est stasis dans la Grèce ancienne qui se traduit aujourd’hui par guerre civile. Et guerre appartient à une constellation linguistique qui n’est pas celle de stasis. Werra a été le dispositif germanique qui a réussi à suspendre le royaume du dispositif romain, bellum. La guerre est un dispositif non conventionnel, sur lequel l’empire s’est effrité. Et ainsi chaque empire et chaque souvenir du dit empire. Aussi le troisième empire, le troisième Reich. Même destin pour l’empire américain et pour les empires émergeants en Asie.
La guerre intellectuelle procède de la question ouverte et dissipe chaque croyance dans le discours de la mort, qui reste tel quel dans le texte d’Agamben aussi, pris dans l’ontologie de l’animal, et dans celui de la famille et de la cité. La famille qui procède du discours grec est la famille tragique ; et ainsi la cité qui procède du discours grec est la cité tragique, la cité du bouc (tragos), de la victime. L’animal sacrificiel, c’est-à-dire : totémique et tabou.
Quel est le royaume, l’empire du discours grec ? Il est celui de la peur. Ses quatre formes sont le terrorisme, l’horreurisme, l’épouvantisme et le paniquisme. Face à la peur il ne sert à rien de se défiler, comme le font les prétendus hommes mortels, ni de l’affronter comme le font de rares hommes comme Martin Heidegger. La peur doit être dissipée chaque fois. Il ne faut pas l’accepter. A chacun, non pas tout homme, il revient de ne pas prendre part à la guerre civile, au prix d’être privé de droits politiques, comme ça se passe. Il faut se trouver désarmé, n’ayant plus d’ armes conventionnelles ni plus une seule cartouche à faire exploser dans le cirque de la société du spectacle. Ce n’est pas la solution parfaite à la guerre civile mondiale qui semble dominer la scène avec le terrorisme et même sa lutte contre le terrorisme.
La confrontation avec la pointe de l’élaboration théorique de la psychanalyse ne se trouve pas dans le texte d’Agamben, qui ne me semble pas non plus effleuré par l’œuvre du juriste et psychanalyste Pierre Legendre, qui croise très suivant ses champs de recherche, et qui a une œuvre considérable et importante, bien que nous ne lui ayons pas épargné nos objections. Il n’y a pas non plus de confrontation avec la chiffrématique d’Armando Verdiglione, l’ultra-psychanalyse, pour paraphraser l’ultra-philosophie de Giacomo Leopardi.
Encore une remarque sur le désarmement : ce n’est pas le désœuvrement d’Agamben qui voudrait désamorcer la machine du pouvoir. Il faut le désarmement comme analyse, comme dissipation des solutions offertes par chaque doctrine du pouvoir, qui dans ce livre se spécifie en tant que guerre civile comme paradigme politique. La politique du faire, la sexualité et non pas la guerre érotique « homosexuelle », n’a pas de paradigme. Aucune logique de la politique. La politique est l’autre face de la logique : elle l’exige, mais elle n’est pas déclinable logiquement. La philosophie, et donc aussi la philosophie politique, est la tentative impossible d’écrire une logique de la politique, de Platon à Foucault, d’Aristote à Agamben. Il est question d’une tentative impossible de maîtrise et de contrôle de la vie. La prolepse de la vie, l’anticipation que devrait offrir la logique de la politique (lisible sur un ruban de zéro et de un sur lequel Alan Turing aurait pu lire son suicide) se réalise comme une procrastination de chaque élément originaire pour survivre dans les fictions personnelles et sociales. Les théologiens les plus radicaux et absolus, c’est aussi le cas de Maimonide, s’aperçoivent que la vie de la philosophie est celle des égarés.
Il n’y a donc plus d’ontologie de la guerre civile et de sa doctrine, encore poursuivie par Giorgio Agamben. Il faut que chacun dissipe la croyance dans la guerre substantielle et mentale : la guerre civile est seulement un aspect de la guerre inintellectuelle. La guerre intellectuelle est celle du désarmement, que seul l’amour peut donner. L’amour originaire. Non pas l’amour secondaire, le discours de l’amour, qui remplit de romans les boutiques des gares et aussi les universités, où l’on ignore que le discours de l’amour est le discours de la guerre, le discours de la mort. Pas chez Dante mais chez Petrarque oui.



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