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Si tout n’a pas péri avec mon innocence - Emmmanuelle Bayamack-Tam
samedi 17 août 2013 par Jean-Paul Gavard-Perret

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Apprentissage et immaturité

Emmmanuelle Bayamack-Tam, « Si tout n’a pas péri avec mon innocence », P.O.L., Paris, 2013, 448 pages, 19,5 E.

Emmanuelle Bayamack-Tam cherche depuis des années une expression sinon provocante du moins dérangeante. Sa Kimberly, narratrice adolescente en lambeaux, ne déroge pas à la règle que s’est imposée l’auteure. Celle-là tente à travers « sa » langue de retrouver son identité bafouée en criant son fait à ses proches et au monde. C’est ambitieux. Entre lyrisme et drôlerie le livre avance dans une écriture ébouriffée : trop peut-être. Elle perd parfois en mordant au sein d’une certaine dilution. L’auteure aurait intérêt à resserrer son flux et son « flow » même s’il se veut musical comme celui des slamers. Néanmoins, Emmanuelle Bayamack-Tan se voudrait sans pitié et s’appuie sur tout un corpus littéraire pour souligner les affres des corps et leur désir de vie qui se transforme en celui de la mort des autres.

La narratrice le prouve en remontant aux sources non seulement de sa propre vie mais aussi de celle de sa mère où s’inscrit la sienne. La génitrice (à la beauté ingrate) ne peut être étant donné son passif qu’intolérante. A l’humiliation qu’elle a subie succède celle qu’elle octroie à sa fille. Comme par exemple lorsqu’elle la surprend se masturbant sur une plage à l’âge de neuf ans. C’est pour l’enfant une scène initiatique et une prise de conscience : « On peut naître à 9 ans, j’en suis la preuve. On peut naître dans l’humiliation et par l’humiliation, dans le sentiment d’une intimité profanée et d’une innocence bafouée. ». De la part une sorte de recul par rapport au corps et la conception qu’il suppose : « je suis née de l’onde et de l’écume, comme Aphrodite, mais sans que les couilles de mon père aient quelque chose à y voir - pas plus que l’utérus de ma mère, et encore moins son vagin distendu ou son col dilaté à dix centimètres. »

Le ton est mis. Tout s’écoule dans un brassage d’excès, de troubles et d’exaspérations. Kimberly veut sauver les proies – dont elle fait partie – des porcs et des fauves qui l’entourent. Elle va partiellement réussir par effet de langue comme si contrairement à ce que pensait Duras, l’écriture pouvait sauver. On donne raison à Emmanuel Bayamack-Tam dans la mesure où son livre se veut un roman d’apprentissage. Néanmoins ce qui se voulait fureur de mal vivre, finit en une sorte de quasi-mansuétude presque mièvre et touchant qui donne à l’économie générale du livre une forme de déséquilibre. Il se perçoit aussi lorsque à la violence ironique et incisive font place des aphorismes. Ils deviennent des vérités moins cyniques que l’auteure ne le désire. Pour autant, cette fiction d’enfant plus que d’enfance n’est pas sans intérêt. Le roman de l’immaturité révoltée est fort de ses lucidités même si elles se confondent avec une manière de faire qui peut devenir parfois une forme de laisser-aller.

Jean-Paul Gavard-Perret



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