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La nuit du tagueur - Nathanaël Fox
jeudi 15 septembre 2011 par Calciolari

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Le sacré et le profane

Mi polar, mi roman psychologique, la nuit du tagueur met magistralement en scène l’éternelle tension entre art savant et art populaire dont le tag et le graff sont les derniers avatars. Qui est artiste ? Dans quelle mesure on se revendique tel ? Comment se crée la valeur ? la nuit du tagueur de Nathanaël Fox ose poser ces questions en conviant le lecteur de l’autre côté du miroir des apparences là où l’art dévoile son rapport avec le pouvoir. C’est tout le mérite de ce roman étonnant, le premier dédié à l’univers du tag.

La nuit du tagueur s’ouvre sur un poème acrostiche dont chaque vers sert de titre à la soixantaine de chapitres brefs qui ponctuent ce drame. L’auteur en est David Killroy, fils de Richard Killroy un artiste peintre au mitan de sa vie en pleine crise existentielle conscient qu’il n’atteindra jamais le rang social et la reconnaissance de ses pairs. Nous sommes au début de l’automne à la frontière entre centre et périphérie, sur les contreforts des plateaux parisiens où jadis des carrières à ciel ouvert permettaient d’extraire le gypse. C’est cet espace de l’entre deux où se noue le drame. Joe, le meilleur ami de David, est sauvagement assassiné parce qu’il veut démasquer celui qui toye, c’est-à-dire détourne, la signature de son équipe, sa crew : les HMJ. David entend venger la mémoire de son ami et se lance lui aussi à la poursuite de l’assassin, entraînant son père à sa suite.

La confrontation entre Richard et David va constituer le cœur du roman et le moteur du drame. En voulant sauver la vie de son fils, Richard découvre un monde qu’il ne soupçonnait pas et dont la violence surgit parfois sans crier gare, comme les émeutes de la Seine Saint-Denis en 2005 qui servent d’arrière scène au déroulement de l’action.

Chaque détail de la narration de Nathanaël Fox est important car ces détails ouvrent plus d’une piste de lecture. Certes, on peut se contenter du premier niveau de lecture et suivre les tribulations du protagoniste en train de se séparer de sa femme alors que son fils David, en révolte contre lui, rejoint un groupe de grapheurs pour disparaître ensuite soupçonné, d’un autre meurtre. A cela s’ajoute un jeu en ligne bien particulier auquel s’adonne ce groupe de tagueurs. Et pourtant, même cette lecture, ancrée dans la trame événementielle qui constitue toute vie humaine se trouvera inéluctablement remise en cause pour basculer, sans l’air d’y toucher, vers une limite indécidable, là où la littérature atteint le registre du véridique. On en veut pour preuve ce courrier inattendu que Richard reçoit, comme une flèche décochée de son passé et qui dévoile sa véritable origine. Dès lors la mécanique de drame se dénoue et la mystérieuse signature dévoile son rapport au sacré. Elle s’affirmera particulièrement dans la dernière partie lorsque le protagoniste affrontera son double à travers une tragique parodie du sacrifice d’Abraham. Où commence le rêve, où finit la réalité. La Nuit du tagueur souligne à sa manière l’assomption shakesperienne.

La nuit du tagueur, tremblante limite, ne se transforme pas en abyme : elle ressemble un peu au trou dans la théorie de Jacques Lacan qui recrache quelque chose de l’ordre de la vérité : le nom. Il n’est pas étranger que le personnage qui s’appelle Killroy évoque un autre meurtrier du père roi : Oedipe.

La nuit du tagueur est le quatrième roman de Nathanaël Fox qui habite dans une petite ville de la Seine-Saint-Denis. Il avait publié sous un autre nom : La ligne ghotique 2004), La coïncidence (2005) et Le secret (2006), tous aux éditions Triptyque de Montréal. S’il est une constante qui subsiste dans le travail d’écriture de Nathanaël Fox, c’est sa lecture de l’Histoire. Il est opportun de noter que l’ambition de lire l’Histoire ne traverse qu’accidentellement cette littérature d’exportation ; appelé, World Literature. C’est pourquoi l’approche singulière et inédite de Nathanaël Fox est plus que précieuse.

La nuit du tagueur, Nathanaël Fox, 15€ éditions Riveneuve, Paris 196 pages : Préface d’Alain-Dominique Gallizia www.riveneuve.com

Giancarlo Calciolari
14.9.2011



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