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Le voyage dans l’Est - Christine Angot
mercredi 13 septembre 2023 par Meleze

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C’est un livre qui, quoique prix Médicis, n’est pas très accessible. On veut vous expliquer qu’on ne le comprend pas du premier coup car il est constitué de deux parties bien distinctes la première partie, passionnante étant faite des souvenirs de la jeune fille tandis que la 2e partie est un carnet qu’elle entreprend d’écrire au cours de son premier mariage.

Le passage de l’un à l’autre est surprenant et pour tout dire ennuyeux. Qu’a-t-elle voulu faire ? Elle s’interroge sur le consentement. Le sujet a été mis à la mode par le livre de Valérie Spangora, la jeune maîtresse de Gabriel Matzneff. Rien de plus simple en effet que de se dire que si l’inceste est consenti il n’y a plus rien à en dire sinon de l’accepter comme un acte sexuel parmi d’autres. Christine Angot a fréquenté son père au moins 3 ans. A-t-elle consenti ou non ? C’est une torture pour elle. Rien ne serait plus catastrophique que de constater que l’inceste n’est pas un tabou, ou, plus précisément que c’est un tabou qui n’est plus respecté, et qu’il est possible, fréquent, voire recommandé, - si on en juge par le nombre de clips pornographiques qui prétendent montrer les frères avec les sœurs, les pères avec les filles, les mères avec leur fils.

Christine Angot au contraire s’accroche au tabou de l’inceste. Son père est un salaud parce qu’il prétend avoir le droit de s’affranchir de ce tabou. On a là d’ailleurs la plus belle page du livre, l’usage qu’il fait de sa première fille pour sanctuariser ce sentiment de supériorité que lui donne la paternité.

Le passage d’une forme à l’autre dans le roman vient de la psychanalyse. Tout à coup l’autrice a fait la découverte de cette thérapie et a la possibilité de parler en privé de ce qu’elle a vécu. Elle recherche donc si l’expérience avec son père doit avoir un aboutissement et elle répond par l’intermédiaire de son carnet que l’aboutissement recherché devrait être la mort de l’auteur de l’inceste. Elle aurait voulu tuer le père. Elle n’y arrive pas et se sépare de son mari parce qu’elle lui reproche de ne pas l’avoir aidé à monter le scénario qui lui aurait permis tel Oreste dans l’antiquité, d’atteindre la seule fin possible à ce drame.

Si le texte écrit confine parfois avec bonheur au tragique, l’autrice loin des héroïnes de Racine n’a plus la tragédie dans le sang.

Le propos du livre, change de thème. Il ne porte plus tant sur le thème à la mode du consentement que sur celui plus instable qui est celui de la censure, celle qu’impose la conscience morale dans la description du refoulement inconscient. Dans le livre l’autrice appelle cela « une limite ». Elle essaye de décrire sans arrêt cette limite, de la conscience morale qui s’oppose au plaisir, et se modifie au fur et à mesure des années parce qu’elle se renouvelle, étant donné qu’elle a sans cesse plus d’arguments à opposer à son père tandis que ce dernier a aussi sans arrêt moins de scrupules à lui demander de se coucher pour accepter les actes sexuels exigés.

Elle nous décrit un père sans complexes qui a sa fille à portée de main comme un animal dans un zoo. Elle est prisonnière de son père par mille liens qu’il faut vous laisser la liberté de découvrir. Il en fait ce qu’il veut. Il mérite la mort mais celle-ci ne viendra jamais.

Elle demande que le lecteur s’intéresse beaucoup à la psychanalyse car on a là, à la fois la raison pour laquelle elle est indispensable et sa faiblesse fondamentale qui fut de ne pas trouver sa place dans la biologie moderne.

Le voyage dans l’Est a évidemment un autre sens au moment où la guerre entre la Russie et l’Ukraine fait rage. On ne sait pas s’il s’agit de l’Est de la France ou de l’Est du continent.

Christine Angot réclame-t-elle à la psychanalyse de mettre fin à l’emprise de son père sur elle-même ? Ou de mettre fin à l’emprise de Poutine sur le monde puisqu’il ce dernier se permet de bombarder théâtres, marchés, crèches, et hôpitaux sans que le monde puisse l’en empêcher, du moment qu’ils sont en Ukraine, devenue le terrain de la souffrance comme la victime de l’inceste ?

N’est-il pas remarquable de constater en effet, que la technique freudienne n’a jamais dépassé les frontières de la Russie et que, si l’histoire après la Première Guerre mondiale avait permis à Freud de pénétrer en Russie comme il a pénétré aux USA, la technique freudienne se serait emparée des Russes comme elle a profondément modifié nos sociétés occidentales, et cette guerre ne serait pas justifiable.

Poutine fait la guerre à tous les LGBT, ce qu’il appelle la dégénérescence de l’occident, alors que sous l’influence freudienne nos sociétés bien que condamnant une technique médicale qui ne sait pas où se situe l’inconscient, a pourtant fait un énorme travail sur elle-même pour raconter sa sexualité, la faire partager par des œuvres d’art.

Nous sommes heureux que ce livre de Christine Angot en fasse partie. Nous nous demandons dans quelle mesure il peut toucher les relations entre Ukrainiens et Russes pour donner la victoire à ceux qui acceptent l’égalité entre les hommes et les femmes et non à ceux qui continuent de défendre un faux patriarcat mâtiné de business et de gangstérisme.



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