vendredi 28 février 2020 par penvins
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Faire revivre le passé, un passé qui n’est jamais tout à fait mort tel un cadavre qui ressuscite. Nous sommes en 1986 date à laquelle Christian Dedet s’intéressant au cas du Docteur Bougrat part à la recherche de ses personnages, se rend de Marseille à Saint Martin-de-Ré, de Cayenne à Caracas et court les forêts du Nouveau Monde. De ses voyages il a ramené des Carnets grâce auxquels il se propose aujourd’hui d’évoquer ce que fut cette aventure à commencer par l’aventure guyanaise. Il laisse en suspens la reprise de ses carnets suivants (1987-1988) que nous attendrons avec impatience.
Les lieux s’y prêtent, nous voilà plongés dans une aventure foisonnante de paysages, mais aussi de personnages qu’ils aient été attirés par l’exploration comme le fut Raymond Maufray qui disparaîtra dans la jungle ou qui s’étant retrouvé comme André Cognat à la suite d’un naufrage, nu parmi les Amérindiens avait été recueilli et si bien adopté que vivant au milieu d’eux il était désormais la conscience de son peuple. Ayant lui-même exploré ces territoires Chritian Dedet fait preuve d’un grand discernement sur l’avenir de ces hommes confrontés aux ravages de la modernité, délaissant l’image du bon sauvage dont il faudrait à tout prix conserver le mode de vie dans un monde qui a lui changé, pour une approche pragmatique laissant aux peuples eux-mêmes la responsabilité de choisir leur destin.
Le rôle de l’Indien serait-il de cautionner à tout jamais notre idéal rousseauiste du "bon sauvage".
Nous sommes en Guyane où l’on retrouve Dreyfus et Bougrat tous deux bagnards innocents, mais également Guy Girault, le R-P Didier, Edgar Maufray le père de Raymond parti contre tout espoir à la recherche de son fils, le père Barotin qui tente d’évangéliser les Amazones, Sir Walter Raleigh, Jean Galmot, Charles Ullmot comme Dreyfus dégradé militaire… tous personnages pittoresques. Christian Dedet se disperse avec bonheur :
Je fais des digressions et y prends plaisir – dit-il
Et pour nous c’est l’occasion de nous intéresser à cette nature luxuriante autour du fleuve Maroni, mais également de prendre conscience de disparitions progressives, tant celle des peuples
Il ne faut pas séjourner longtemps à Saint-Laurent-du-Maroni pour s’apercevoir que la malédiction moderne est entrée dans leur communauté comme un coin et l’a fait éclater.
que des terres rongées par la fièvre de l’or, Christian Dedet revient incidemment sur les différentes exploitations aurifères, celle légale et encadrée des grandes compagnies et celle illégale :
Une composante du problème et non la moindre tient à l’heure actuelle en ce que les Brésiliens affluent chassés de chez eux par la misère. Ils se font enrôlés sur les placers pour des salaires dérisoires, payés en général en poudre d’or.
en observateur pragmatique, il constate qu’il n’est fait pas grand-chose pour en finir avec ces mafias et rapporte les déclarations de son collègue Rémy Pignoux médecin à Maripasoula pour qui l’Etat ne veux pas arrêter le phénomène. Et c’est bien l’intérêt du témoignage de Christian Dedet que d’observer le malade dans son environnement loin des idéologies et des solutions toutes faites. L’œuvre de Christian Dedet reste encore à découvrir, celle d’un écrivain médecin qui ne craint pas de se confronter à la réalité y compris lorsque le diagnostic ou le verdict comme ce fut le cas pour le docteur Bougrat n’est pas celui communément admis.
On trouvera ici quelques Notes de lecture sur les ouvrages de Ch. Dedet.
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