dimanche 15 octobre 2017 par Abdelali Najah
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Le Docteur Moussa Youssouf Maiga : Mon séjour avec les Grecs m’a véritablement métamorphosé.
Spécialisé en sécurité publique, enseignant en philosophie au lycée Mariama de Niamey (Niamey, Niger) de 2000 à 2003. Doctorant en philosophie à l’Université Blaise Pascal de Clermont-Ferrand (en 2008), Le Docteur Moussa Youssouf Maïga nous livre dans cette interview les contours d’un parcours culturel singulier, original et surtout très passionnant.
* Voulez-vous présenter Moussa Youssouf Maïga aux lecteurs ?
J’étais professeur de philosophie au Lycée en tant que Volontaire de l’éducation. J’ai repris mes études en 2005, en vue de parachever un troisième cycle de philosophie. J’ai atterri en France sans bourse d’études, condamné à travailler tel un forçat pour financer mes études. Parallèlement à mon doctorat de Philosophie à l’UFR Blaise Pascal de Clermont-Ferrand, j’ai suivi une formation continue en DESS Sécurité Publique à l’IPAG (Institut de préparation à l’administration générale) à l’Université d’Auvergne de Clermont-Ferrand (France). Depuis Le 24 Juin 2013, j’ai soutenu ma thèse de doctorat à l’Université Blaise Pascal de Clermont-Ferrand (France), avec la Mention très honorable, sous la Direction de M. Christian Godin (Auteur de la Philosophie pour les Nuls).
EDILIVRE à PARIS a publié mes principaux ouvrages, notamment : La Psychanalyse du racisme (2011), Héraclite et Epicure, l’Un explique-t-il l’autre ? (2011), L’Enfant talibé dans le miroir de Lacan (2011), Gai savoir sur l’épicurisme-I : la culture de l’amitié dans le Jardin d’Epicure (2012), Causeries philosophiques avec le terrorisme (2012), Antipolis, l’agonie des rêves (2012), Gai savoir sur l’épicurisme-II : introduction à l’apolitisme d’Epicure (2012), La dialectique d’une insécurité : la piraterie somalienne (2012)
Depuis 2013, je suis rentré au Niger afin de pouvoir me rendre utile à mon Pays qui m’a tout donné. Je suis pour l’instant vacataire à l’Université Abdou Moumouni de Niamey (Niger).
* Pouvez-vous nous parler de votre expérience avec l’écriture, ainsi que les rites de l’écriture chez vous ?
Mon premier contact avec l’Ecriture a été un « choc », quasiment une honte. Je revenais au Niger pour des vacances en 2008. J’ai pris le train Clermont-Ferrand à destination de Paris, plus de 3h de voyage. J’avais des voisins qui lisaient des journaux divers : le Monde, le Point, l’Express, etc. Un parmi mes voisins a passé le temps à écrire sur un grand bloc. J’étais le seul qui ne lisait pas, et je passais mon temps à dormir et me réveiller. Au bout d’une heure de voyage, je me sentais bizarre : dans mon fort intérieur, je me disais que je devrais avoir honte. Certes, c’est une culture en France de lire, d’occuper le temps, de s’informer. Mais là dans le train, un étudiant en philosophie et futur doctorant, j’avais la tête grosse de honte. Certainement que mes voisins devaient se dire que celui-là n’est pas de notre monde. Encore un autre Black qui est venu en France pour se réaliser. Dès lors, je me suis promis de ne plus prendre le train sans un journal, ou un livre. De là est né mon désir à l’écriture. Au retour, j’ai donc commencé à créer des blogs pour écrire sur différents sujets, et de fil en aiguille est venu le désir de me faire publier. Edilivre à Paris était la maison d’édition qui m’a très vite facilité cette abondante production. Entre 2010-2011 je crois avoir écrit au moins trois (3) ouvrages. C’était vraiment une sorte d’ivresse, comme s’il y avait une Muse qui guidait mes productions. Chez moi, au Niger, nous avons des écrivains, mais qui n’écrivent pas pour vivre de leurs ouvrages. Nous avons une population en grande partie analphabète, et ceux qui lisent, voire se passionnent pour la lecture en achetant les livres de nos propres auteurs, ne sont pas nombreux. Mais depuis quelques années, j’ai remarqué la création des maisons d’éditions qui commencent à encourager les jeunes à écrire et à se faire publier, certainement à des prix raisonnables. J’ai constaté aussi que des professeurs de l’enseignement secondaire ont commencé à produire des annales à l’attention des scolaires. Donc, c’est très encourageant pour le monde culturel. Ainsi progressivement viendra la vraie passion : devenir écrivain. Nous avons des écrivains célèbres dont entre autres : Bouba Hama, Idé Oumarou.
* Voulez-vous nous parler des besoins qui vous poussent à l’écriture ?
Je suis quelqu’un qui écrit de manière émotive : quand je suis choqué, je suis très inspiré. En outre, j’ai un côté Camusien : je me révolte très vite, et je m’insurge comme Stéphane Hessel quand ça va mal dans le monde, en l’occurrence aujourd’hui le terrorisme, et la mal gouvernance en Afrique. Et quand il faut défendre un concitoyen, ou un peuple victime d’injustice, je prends position sur le Net, dans les journaux. Récemment quand le Président Malien (Ibrahim Boubacar Keita) voulait réviser la Constitution malienne, j’ai soutenu ceux qui ont condamné cette révision contraire à la Constitution malienne. J’écris aussi pour que la jeunesse d’aujourd’hui apprenne à se servir de son propre entendement. J’écris pour ouvrir un chemin, ou des chemins. Car lire nous transforme, et nous permet d’entrevoir l’avenir avec beaucoup d’enthousiasme. Via Internet, je pense qu’il est possible de renouer la jeunesse avec la lecture. C’est la raison pour laquelle, dans mes posts, je fais des paragraphes pour inciter doucement les jeunes à lire, parce que j’ai compris durant mes quelques années dans l’enseignement que les jeunes se lassent très vite en lisant les longs textes, et il en va de même dans les journaux. Donc faire court est stratégique pour guider vers la lecture step by step.
* Pouvez-vous nous résumer en quelques lignes vos livres ?
C’est un travail titanesque que vous me demandez, mais tentons un raccourci : mon premier livre est intitulé la Psychanalyse du racisme, ce n’est pas une psychanalyse technique (avec des concepts fondamentalement freudiens), le titre peut porter à confusion, alors que c’est simplement une histoire réelle, qui a bifurqué vers la fiction. Et dans cette fiction, j’ai essayé de montrer comment le racisme en France peut être vaincu via l’amour entre un black et une française. Et de manière causale, j’ai écris sur les étrangers, mais je n’ai publié qu’une partie sur le Net, intitulé : Etranger, qui es-tu ? Et pendant mon DESS sécurité publique, j’ai eu l’occasion de traiter de sécurité et de piraterie dans le cadre de mon mémoire de Master 2, d’où la publication de la Dialectique d’une insécurité : la piraterie somalienne, qui a essayé de montrer le lien dialectique entre piraterie et terrorisme. Et enfin, durant toute ma thèse, je profitais des vacances pour écrire sur la philosophie, notamment Héraclite et Epicure, qui est un regard croisé sur certaines thématiques, telles que les dieux, le cosmos, le conflit, la politique, etc. Pour montrer l’importance de la pluridisciplinarité entre la philosophie et le droit pénal spécial, j’ai écrit : Causeries philosophiques avec le terrorisme, qui est un grand forum entre les dieux de l’Olympe, les philosophes et les terroristes : Ben Laden, Al-Qaïda, Aqmi, Boko haram, afin de montrer que Dieu/Zeus n’est pas responsable de cette barbarie orchestrée par les différentes nébuleuses. Dieu est Amour et Paix dans toutes les religions monothéistes, donc les terroristes et djihadistes sont réduits aux prisonniers de la caverne de Platon. De ce point de vue, au regard du Vrai Dieu, et de la Droite Raison, aucun djihad au nom de Dieu n’est justifié, au contraire, les djihadistes se sont éloignés de la quintessence de Dieu, et qu’on ne peut accéder au paradis en massacrant des innocentes personnes, autrement Adolf Hitler serait le premier à entrer au Paradis. D’un mot, depuis l’Olympe, Zeus réprouve le terrorisme et le djihadisme. Avant d’en venir aux ouvrages philosophiques, j’ai écrit un Roman : Antipolis, ou l’agonie des rêves, qui interpelle nos dirigeants sur la mal gouvernance en Afrique. J’ai parlé du Niger (Tamatiri) pour fustiger l’éternel retour des mêmes têtes au pouvoir, et l’oubli criard de la souffrance du peuple. C’est un pamphlet sur la mauvaise gestion du pouvoir au Niger. Enfin, j’ai pensé à vulgariser mes deux mémoires de Master sous formes d’ouvrages : Gai savoir sur l’épicurisme-I et Gai savoir sur l’épicurisme-II. Le premier sur l’amitié, ses formes et ses vertus. J’ai essayé de montrer qu’un dirigeant peut s’inspirer de l’amitié (philia) épicurienne pour transcender les différences de races et de cultures, en vue de bien gouverner et atteindre le telos (but) politique : l’eudémonisme. Le second est une réhabilitation de la pensée politique d’Epicure. J’ai tenté de montrer qu’il est faux de croire qu’Epicure a seulement opté pour le « vivre caché », et qu’il fut indifférent à la politique. Son Enseignement est semé de sentences et de maximes en direction du politique, de la justice, du droit. D’un mot, à distance (dans leur Jardin) les épicuriens ont réfléchi sur la politique, mieux ce sont de fins connaisseurs de la chose politique.
* Pourquoi la thématique du terrorisme est-elle omniprésente dans vos livres ?
C’est logiquement compréhensible, je suis un citoyen du Sahel, et je ne peux pas afficher l’impassibilité stoïcienne, face au péril terrorisme, mieux, je combats avec mes armes intellectuelles ce pseudo djihadisme qui n’a aucune rationalité du point de vue religieux et philosophique. Mon père était un Gendarme qui à la fin de sa carrière s’était reconverti dans la douane. On peut dire que je suis une continuation de sa vocation, dans la lutte contre les malfrats. Mon DESS de Sécurité Publique est certainement lié à ce retour au passé de l’activité de mon défunt père. Et comme tout est dialectique comme dirait Héraclite, ma formation en Sécurité Publique m’a permis de réinterroger la question des rébellions au Niger, au Nigeria avec les Mend qui se battent dans le Delta du Niger, et aujourd’hui les groupes terroristes qui de simples bandits, sont devenus de véritables adversaires voire des ennemis de l’Etat démocratique qu’il faut systématiquement neutraliser. Mon ouvrage Causeries philosophiques avec le terrorisme est une invitation, voire une exhortation en direction de nos dirigeants afin qu’ils cessent d’être poussifs, car les terroristes n’ont pas d’état d’âme : le seul langage qu’ils comprennent c’est la guerre « crue », violente par delà le bien et le mal.
* Pourquoi Le Docteur Moussa Youssouf Maiga adopte-t-il une approche philosophique pour traiter le phénomène du terrorisme ?
C’est une question très pertinente et profonde. Je peux simplement avancer que mon séjour avec les Grecs m’a véritablement métamorphosé, car j’ai gardé consciemment, et certainement plus inconsciemment que consciemment, la vertu de la morale, ou de l’éthique en toute chose. La condition humaine est complexe, aussi faut-il même dans le cadre du terrorisme, se référer aux philosophes antérieurs : qu’est-ce qu’ils penseraient aujourd’hui du terrorisme ? Faudrait-il les exterminer systématiquement, au risque d’oublier l’humain qui est en chacun de nous ? La réponse est complexe. Mais si on se place dans le projet kantien d’une recherche de la paix, il va de soi, que la paix dans le monde ne peut advenir que si et seulement si les Etats neutralisent les nébuleuses. Mon mémoire DESS sur la Piraterie somalienne, m’a permis de comprendre que quand le « feu terrorisme » s’allume quelque part dans un Etat, les autres Etats ne doivent pas dormir sur leurs lauriers, car la menace aujourd’hui est transversale. Le terrorisme est devenu un être protéiforme. D’où la nécessité de la veille sécuritaire, à laquelle je me consacre depuis mon retour au Niger, afin d’alerter par mes écrits, que la bête est là : l’homo terroricus. Cette réflexion sur l’homo terroricus, se retrouve sur un de mes blogs : criminoconflits.
* Alors, Le Docteur Moussa Youssouf Maiga soutient une thèse de doctorat en Philosophie (épistémologie) intitulée « La Katalepsis des staseis gréco-hellenistiques à la lumière de la doctrine d’Epicure » le 24/06/2013 à Clermont-Ferrand 2. Peut-on parler d’une synthèse de vos travaux antérieurs ?
Ma thèse a été jalonnée de beaucoup de difficultés, car j’ai osé venir en thèse sans bourse, sans aucun financier. Il m’a fallu travailler dur comme intérim dans le secteur du déménagement de 2005 à 2013 ; Autrement dit, jusqu’à la veille de ma soutenance je continuais à bosser pour payer mes charges : chambre, les livres, la nourriture, EDF, les impôts, et les envois réguliers à ma femme pour l’entretien des enfants. C’est dur, mais c’était mon énergie quotidienne, une sorte de volonté de puissance. Et le résultat fut excellent : Mention Très Honorable, car mon directeur de thèse était fort informé de toutes les situations que je traversais. C’était un très bon Directeur toujours disponible. Je voudrais au passage le remercier encore : M. Christian Godin (Auteur, La philosophie pour les Nuls). Le thème n’est pas anodin, car il est la suite logique de mes deux Masters. D’un mot, je peux affirmer sans exagérer que le philosophe Epicure fut vivant tout long de me recherches, car des fois j’avais comme l’impression qu’un esprit guidait mes recherches. Une sorte de dévoilement métaphysique. Après mes deux Masters sur l’amitié épicurienne, et l’apolitisme d’Epicure soutenus sous la direction de M. Alain Petit, je ne fus pas rassasié. Il me fallait approfondir le mystère de ce Jardin dans lequel Epicure avait cantonné toute sa vie et son enseignement, et en l’occurrence, pourquoi s’était-il abstenu de faire de la politique, ou d’enseigner la politique à l’instar de Platon, ou d’Aristote. Le Master II, intitulé introduction à l’apolitisme d’Epicure a été le déclic pour oser une thèse sur Epicure nonobstant la pénurie, ou la rareté de documents sur le thème. Ce fut un défi à relever. Mais en bon Criminophilosophe, j’avais déjà une très bonne piste : je suis revenu sur les travaux de Victor Goldschmidt : La Doctrine D’Epicure et le Droit, pour trouver les chemins très escarpés qui menaient vers son abstention politique, dont l’excellente image se réduit au lathé biôsas « vis caché ».
* Que représente l’écriture pour vous ?
Pour moi écrire, c’est une manière de sortir de soi, se penser et se repenser. Tout pour moi est une occasion de réfléchir et donc d’écrire, d’où ma passion pour le journalisme, le bloging. Depuis 2013 je suis régulièrement contributeur dans deux Journaux au Niger : l’Actualité et le Nouveau Républicain. Depuis 2017 je suis l’administrateur de mon journal sur Facebook : Le Journal du Peuple, qui est une suite logique de ma chronique sur facebook de la Libre Parole (Parrêsia) que mes amis de tous les horizons apprécient. Nos concitoyens aiment lire, mais pas des textes très longs comme je l’ai souligné tantôt ; c’est pourquoi, je n’écris que très court, car ceux qui viennent sur mon mur n’ont pas le temps de lire 10, ou 15mn, donc plus c’est très court, et plus vous avez plus de clics sur « J’aime ». Par l’écrire je me sens utile aux autres et, je me fais plaisir par le partage. Je sais au moins chaque matin, qu’il y a des amis, qui viennent lire mes posts, notamment : Dégustation matinale, Dits et Ecrits, Il Faut le Savoir, les chemins de la démocratie, Conglomérat, et en enfin transversales. D’un mot, par l’écrire l’autre et moi, il n’y a plus de distance. Pour terminer, je tiens à féliciter Edilivre à Paris qui est vraiment une maison d’édition à soutenir, car c’est grâce à elle que je suis connu, et d’autres également qui n’ont pas de moyens financiers conséquents pour être édités et publiés. Aujourd’hui je peux dire qu’écrire est devenu pour moi un habitus, une seconde nature ; car si je n’écris pas, je me sens comme vide. Une addiction ? Oui, mais positive.
*Vos derniers mots….
D’abord vous remercier pour notre amitié made in Facebook, mais c’était une amitié épicurienne nécessaire, car ce sont les esprits qui se ressemblent qui se rencontrent pour paraphraser Aristote. Et vous féliciter pour cette interview qui nous permet de nous rapprocher même de ceux qui ne nous lisent pas. Comme Martin Luther King, I HAVE A DREAM, celui de voir un jour mes ouvrages dans les mains de mes futurs étudiants, possiblement dans les bibliothèques et librairies au Niger, et ailleurs. Je ne cherche pas le Prix Goncourt, ou autre, mais être utile aux autres via le livre. Enfin, je suis triste de voir comment les terroristes hypothèquent le destin de nos Etats. A cause de la mal gouvernance en Afrique, la sécurité a été occultée au profit de l’enrichissement personnel, de la prédation de l’Etat.
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