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Pascal François : une sculpture en quête de monumentalité.
dimanche 13 avril 2014 par Abdelali Najah

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La sculpture occupe en quelque sorte toute la vie de l’artiste sculpteur français Pascal François. Elle prend racine dans son quotidien, et est une extension de son esprit, de son énergie. Elle émane également de ce qui l’entoure et requiert patience, humilité, concentration. Elle se livre sans concessions. Chaque pièce est une épreuve physique, en même temps qu’une aventure. Il reste peu de place dans son existence pour le reste, « c’est parfois problématique. »

I- Le savoir comme travail de la main :

Travailler la pierre, c’est user d’un matériau dont la formation remonte parfois à des centaines de millions d’années. Adjoindre à cela une technique de taille directe, c’est entrer en connections avec cette sensibilité et puiser dans son instinct. Il en ressort des œuvres qui parlent de nos préoccupations essentielles, à savoir la mort, le sexe, l’espérance… « Les thématiques de l’art sont universelles, chacun est concerné. » Depuis quelques années, il a pris l’habitude d’accompagner chacune de ses œuvres par un texte, une approche plus littéraire de son travail. Ces mots ne sont pas explicatifs de la genèse de l’œuvre, ils sont un parallèle poétique. « Lorsque j’écoute une personne me parler d’une de mes sculptures, j’entends à chaque fois son histoire personnelle. Elles fonctionnent comme des miroirs de l’âme, » nous révèle Pascal François.
Son intérêt pour la pierre vient de ce qu’elle est un matériau vivant, contre toute apparence. Pascal François aime le grain, les nuances de couleurs, les inclusions de fossiles. Cela nous renvoie à l’idée de nature que l’on porte en soi. Les sculptures se confrontent de par leur spatialité à notre propre corps. Il réalise surtout des pièces à dimension humaine, qui interrogent le regard et provoquent la rencontre, le contact de la main contre leur surface. Jacques Derrida ne disait-il pas que le savoir est un travail de la main.

Pour ce faire, Pascal François emploie une technique assez rudimentaire à savoir la taille de pierre comme la pratiquaient autrefois les bâtisseurs de cathédrales. Les outils électroportatifs lui permettent néanmoins de s’épargner du temps et de la souffrance physique. Il pratique essentielle-ment la taille directe. Un procédé où chaque pierre se découvre à mesure qu’il la travaille, sans aucune idée préalable, aucun dessin. Les formes s’assemblent d’elles-mêmes, comme si la pierre savait au départ ce qu’elle contenait. Notre sculpteur se résigne à n’être qu’un intermédiaire.

II- La sculpture comme travail de l’inconscient :

Pascal François est inspiré par les formes présentes dans tout ce qui consti-tue la nature, mais aussi par les paysages anthropiques qui font notre environnement urbain. Il privilégie généralement les formes sensuelles, plus tactiles. D’une sculpture à l’autre, les formes se chevauchent. La composition, en termes de taille directe, est ainsi une problématique liée à l’inconscient, personnel et collectif. Ce qui importe dans la construction des formes, dans la structure générale de l’œuvre, c’est l’ouverture que le sculpteur conserve chaque jour dans son travail pour le lendemain.

Il conçoit la relation de l’espace-temps dans ses œuvres comme une question multiple. L’origine géologique de la pierre est une clé, l’idée que rien ne résiste au temps en est une autre. La sculpture est une étape transitoire de la matière. Dans sa prochaine exposition « Chroniques d’une bataille aux frontières », à l’Abbaye de Saint-André près d’Avignon, en France, il va par exemple exposer des sculptures polychromes, aux couleurs très vives, dans un musée lapidaire réunissant des fragments sculptés de l’époque romaine. Cette confrontation résume en quelque sorte son sentiment que la matière est en constante évolution. Ces œuvres polychromes sont dues tout d’abord à une rencontre avec le peintre allemand Hermann Amann, fondateur du mouvement Nouvelle Pigmentation à la fin des années 80. Ce dernier inspiré lui-même par la New New Painting américaine, a développé une technique de mise en œuvre picturale à base de pigments acryliques fluorescents et de gel polymère. Le philosophe Marcel Paquet a récemment publié un ouvrage sur le sujet, « Rouge absolu, Amman, Nouvelle pigmentation. » C’est en partageant un atelier sur l’île de la Barthelasse à Avignon au début des années 2000 que l’expérimentation de cette technique sur la pierre a donné naissance aux sculptures polychromes de Pascal François.

III- Une sculpture entre deux infinis :

De Michel-Ange, Pascal François aime beaucoup ces quelques vers écrits vers 1530 : "La beauté qui t’es propre, Amour, n’est pas mortelle : / il n’est visage parmi nous qui soit l’égal / de cette image intime au cœur que tu enflammes / d’un autre feu et que tu meus sur d’autres ailes." Il conserve en outre un souvenir très vivant de son séjour à Florence, une ville qu’il recommande à chaque sculpteur de visiter. Le personnage d’Auguste Rodin le dérange pour ce qu’il a fait subir à Camille Claudel, assez représentatif de l’attitude du milieu de l’art à la fin du 19e siècle. Néanmoins, son approche sculpturale des « Bourgeois de Calais », sa « Porte de l’enfer » ou son « Balzac » sont des pièces majeures, qui, selon lui, resteront dans Les annales de l’art. Les Ready Made de Duchamp sont à l’évidence une influence majeure de l’art contemporain. Son expérience du surréalisme, aux côtés d’André Breton, a inspirée nombre d’artistes mais a également engendré avec le temps une trop grande conceptualisation de l’art contemporain. Pascal préfère avoir un rapport plus franc avec la matière, plus direct avec les sentiments. Jean Arp, peintre, sculpteur et poète dont il se sent assez proche en termes de choix esthétiques. Le dadaïsme et sa quête de liberté a été une source d’inspiration durant sa jeunesse, cela se ressent parfois dans ses œuvres. « Je dirai, au vu du contexte actuel de l’art contemporain, que mes sculptures ne sont pas assez chères. Plus sérieusement, et dans cette même logique financière, elles mériteraient plus de monumentalité, de s’imposer davantage dans leur environnement. Mon ami Yann le Pichon, historien de l’art, a écrit sur mon œuvre qu’elle se situait entre deux infinis. »

En guise de conclusion, Pascal François a découvert le Maroc pour la pre-mière fois lorsqu’il avait 25 ans. Il a séjourné deux ans à Marrakech, puis il y est revenu régulièrement. Il est très lié à cette ville en constante transformation, sans perdre pour autant son côté attachant et mystérieux. Lors de la dernière Biennale d’art contemporain de Marrakech, son assistant Mohammed Hrida lui a permis de rencontrer des artistes impliqués sur place en l’occurrence Patrick Lowie, un écrivain belge qui vient de créer le MIPL, la Maison Internationale de la Poésie et du Livre, une belle idée qu’il soutient activement. Il a plusieurs projets en cours à savoir la réalisation de sculptures, de dessins et aussi des projets littéraires. Cela devrait se concrétiser à la rentrée, il a hâte de venir travailler à Marrakech.


Pascal François :

Pascal François est né en 1967 à Nancy (France). Il a passé son enfance en Seine-et-Marne, près de Paris, dans une famille de quatre enfants. Intéressé très tôt par l’écriture et par les arts plastiques, il a expérimenté des techniques diverses, foisonnant d’émotions et de découvertes. Après des études supérieures de cinéma, il s’est consacré à la peinture afin de puiser son expression artistique, sans savoir quelle direction prendre pour y arriver. Il est autodidacte et s’est nourri au contact d’autres artistes. Il était boulimique de lecture, de musées, de concerts. Par la suite, il a abandonné provisoirement la peinture pour la sculpture, plus précisément pour la sculpture sur pierre, en taille directe, sans ébauche ni dessin préliminaire. Depuis vingt ans qu’il s’y consacre, cela forme aujourd’hui un ensemble cohérent.

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