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Jesus Betz - Fred Bernard et François Roca
vendredi 22 mars 2013 par Jean-Paul Gavard-Perret

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CIRCUS MAJOR

Fred Bernard et François Roca, « Jesus Betz », réédition, Seuil Jeunesse, Paris, 40 pages ?

Les histoires inventées par Fred Bernard et réinventées par le dessinateur François Roca sentent toujours le souffre. Depuis 1996 et « La Reine des Fourmis » leur collaboration a permis la création d’albums phares rangés (trop vite) sous l’étiquette « jeunesse ». D’un album à l’autre se retrouve le souci constant du mariage subtil, fragile et primordial du texte et de l’image. Le « couple » reprend chaque fois l’idée implicite de conflagration entre deux univers hétérogènes. Dans le « Cheval vêtu » il s’agissait du choc entre les Indiens et les hommes blancs. Dans « Jésus Betz » - leur album réédité et qui reste sans doute leur pur chef d’œuvre - il s’agit de la confrontation du « monstre » avec la normalité ainsi que du rapport de la douleur et d’un certain bonheur.

Tout ce que les deux créateurs ont lu ou vu sur le monde des « freaks » est épuré dans une histoire simple et touchante. Elle prend valeur de conte. En un format d’écriture littéraire et plastique resserré Bernard et Roca raconte en effet une histoire sidérante. Abordant un sujet inhabituel dans les livres de jeunesse : l’homme tronc (comme dans d’autres albums la corrida ou les conquistadors), les auteurs interpellent des lecteurs. Ils le bousculent avec autant de poésie que d’intelligence. L’image par exemple ne tombe jamais dans l’exhibitionnisme. Au contraire. Même. Roca se situe donc à l’opposé du traitement des monstres par un Ted Browning.

Quant à la prose de Fred Bernard elle possède un ton particulier. La langue ose une densité narrative et poétique afin de mettre en décalage Jesus Betz et le milieu du cirque dans lequel il se retrouve. Et tout soudain se trouve inversé. L’enfant-tronc n’est plus le monstre. A l’inverse ceux qui l’entourent deviennent des personnages ovniesques. Néanmoins la rencontre de ces deux mondes provoque la fusion harmonieuse des sentiments les plus humains. Le lecteur peut alors éprouver les même sensations que le héros. Pourtant Jésus Betz (ou encore « L’homme bonzaï ») ne sont pas des miroirs. Sinon des miroirs inversés.

Les images, tout sauf platement illustratives renforcent ce partage. Roca crée en effet de véritables œuvres picturales. Elles l’éloignent pour beaucoup d’amateurs du simple registre de créateur de bandes dessinées. Le réalisme devient onirique. Il n’est pas sans rappeler la facture d’un Hopper même si le registre des couleurs de Roca s’éloigne radicalement de celui du peintre américain. Néanmoins avec le choix de la peinture à l’huile pour ses albums l’artiste donne à son « Jesus Betz » une profondeur particulière et un aspect mythique fascinant.

Avec cet album comme avec tous les albums des deux compères créateurs surgit un monde aussi pudique que touchant. Un air de grand large saisit le lecteur parce que - et paradoxalement - le réel n’est jamais loin, non excorié. L’effet d’éloignement incite à une proximité des plus tendres. Les passions humaines s’y expriment tant par le texte que l’image. En ce sens on ne peut pas vraiment parler de « Jesus Betz » comme d’un album pour la jeunesse. Il n’y a d’ailleurs que des grands ou des mauvais albums qu’elles qu’en soient les destinataires. « Jesus Betz » fait partie sans contexte des premiers. On peut même le mettre au sommet de cette pile.

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