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La musique plus intense, Olivier-Pierre Thébault

Editions Gallimard, collection l’Infini, 2012

jeudi 17 mai 2012 par Alice Granger

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Ce passionnant essai d’Olivier-Pierre Thébault dédié à la question du Temps dans les « Illuminations » de Rimbaud m’a donné cette étrange envie, en m’engageant dans cette écriture spéciale qui se fait dans le sillage d’une lecture, de commencer par la fin de cet ouvrage, là où l’auteur cite le poème « Les Villes » : « Passé un bruit d’avalanche, nous nous trouvons au-dessus du niveau des plus hautes crêtes et surgit à nos vues ‘une mer troublée par la naissance éternelle de Vénus’, la naissance de l’amour fait signe. »

En note, l’auteur souligne que l’amour est la CLEF de la poétique de Rimbaud. Selon Hésiode, Aphrodite (Vénus) est née du membre viril d’Ouranos ( qui signifie ciel étoilé, firmament, dans la mythologie grecque) châtré par son fils Kronos et jeté à la mer. Une jeune fille sortit de cette blanche écume jaillie des débris immortels du membre viril coupé. Je sens l’inimaginable joie d’un garçon, ce fils Kronos, en voyant naître de l’écume blanche une jeune fille, ce qui le change de manière révolutionnaire de la mère tenant en otage sentimental la fille qui serait son double parfait et consentant ! Quelle délivrance, cette jeune fille ! Quel changement de paradigme ! Enfin une fille qui n’est plus l’asservie volontaire de sa mère ! Une fille dont le corps est libre, délivrée ! C’est une révolution, dans une époque où la complicité mère-fille est le lieu le plus commun ! Une jeune fille libre, dont le corps n’est pas parasité, par ses cinq sens, par la représentation qui, littéralement, crée artificiellement sa mère en protection séductrice qui la retient éternellement en se rajeunissant en elle. Cette fille prisonnière de sa servitude volontaire ne comprend pas, tellement son cerveau est saturé par le sentiment, par la sensation d’un corps entre des mains omnisciences et omniprésentes qui savent tout ce qui est bien pour elle dans le meilleur des mondes. Cette fille prisonnière dont le traitement fait l’objet de tous les soins à la fois sait que c’est le père qui continue éternellement à tapisser l’intérieur de la mère placentaire, et l’ignore, car elle est anesthésiée profondément par la sensation d’être le centre d’un calcul majeur de notre époque. Ce père qui assure si bien est l’Ouranos de notre époque marchande, il se croit viril parce qu’il fait tout bien au regard de cette femme qui est persuadée que la fonction mère si malignement plébiscitée par la société marchande parce qu’elle permet tous les calculs sur une rentabilité parfaitement anticipable est éternelle.

Tandis que cette mère, qui fait comme de rien le deuil de la jeune fille libre en elle, se suffit de n’être à jamais que comme sa mère l’a été dans un style vase communicant qui fait que la mère de cette nouvelle mère implose tout doucement tandis que sa fille mère s’épanouit, le père, dieu merci, peut se tenir à des années-lumière d’un temps où il devrait prendre la liberté d’inventer sa vie avec un corps et un cerveau non pris dans des ornières confortables. Ce père peut enfin se croire dégagé de cette horrible sensation d’être un petit face à l’autorité de sa propre mère. Il oublie comme volontairement qu’il s’asservit à la volonté de sa femme devenue mère, qui est sa mère maligne en embuscade derrière. Quant à sa femme qui prend un tel pouvoir ainsi tapissée par un homme toutou qui ne s’est jamais psychiquement et corporellement désengagé de la maîtresse mère qui avait tant d’autorité sur lui - un homme qui se suffit du bénéfice secondaire d’un narcissisme qui se voit si bien dans son miroir - elle prend sa revanche de petite fille en devenant comme sa mère mais en mieux évidemment quelle question… Ridicules performances de petits qui font la fortune de la société marchande qui maintient en son giron des humains parfaitement réduits à des consommateurs avalant tout en déglutition primaires, comme des oies pour le foie gras…

Tout ceci à cause d’un ridicule Ouranos qui croit que ses organes virils sont les attributs de Zorro qui aura, en récompense, son sucre… Lorsque Ouranos, auquel le soupçon d’impuissance met la puce à l’oreille, laisse une résistance très nouvelle se mettre silencieusement aux commandes de son cerveau et son corps dissidents, amorçant une révolutionnaire destruction de cet ancien malin système prétendant pouvoir éterniser une logique de la gestation, il se dédouble en son fils Kronos qui lui arrache les attributs d’une pitoyable et infantile virilité. Kronos arrache les couilles de son père Ouranos, il met fin à un tapissage intra-matriciel de Gaia comme s’il était le firmament d’une vie en vérité parfaitement anticipée par les marchés financiers habilement camouflés par un scientisme sans appel. La fonction père est en train de se délivrer de la logique de la reproduction, de la gestation, des petits qu’ils faut garder dedans bien obéissants, elle accomplit une révolution pour faire advenir une vraie vie dehors, où l’être humain n’est plus mis dedans par un système qui exploite un supposé statut de mineurs ignorants.

Il faut avoir, en vérité, vraiment des couilles pour accomplir un acte qui, en apparence, prive un homme de l’assurance narcissique d’être si puissant, vraiment à la hauteur. Mais seulement à la hauteur d’une aventure humaine terriblement ramenée à la logique de la reproduction. Au lieu que la reproduction soit l’assurance que l’aventure humaine se poursuive à l’infini, au lieu qu’elle soit une sorte de réponse à l’angoisse de mort suscitée par la finitude humaine, un renversement très pervers et très malin s’est produit, qui asservit l’aventure humaine singulière à la reproduction, parce que ce renversement sert tellement bien les calculs de rentabilité ancrés dans la possibilité de tout anticiper pour des humains ramenés à des êtres passifs qui se contenteraient, à tous points de vue, corporellement et psychiquement, d’avaler en déglutition primaire, trop contents qu’on prévoit tout si bien pour eux, et nouveaux adeptes d’une nébuleuse qui n’aurait que leur bien en tête, telle une nouvelle religion. La représentation par excellence. Cette représentation dont parle Olivier-Pierre Thébault, et dont il s’agit de se délivrer, comme lors de la naissance vraie c’est comme par hasard une délivrance.

La représentation par excellence, c’est celle qui représente la mère matricielle, dont l’être fœtal serait, même né, à jamais dépendant, tellement il ne pourrait pas vivre non relié. L’étymologie de « religion » est double, relier et relire. Comme si l’être humain né, dans un Temps nouveau, avec un corps libre doté de cinq sens, dans un environnement où la lumière, les sons et les couleurs, les autres et leur parole à la fois l’enchantent d’une manière féerique et le déstabilisent pour une résurrection incessante, n’avait qu’une idée fixe, retourner à l’état relié, fœtal, avec une représentation qui lui fournirait tout et répondrait pile poil à son désir d’évitement phobique de l’infinie nouveauté déstabilisante et vivifiante du dehors.

Il s’agirait, avec cette représentation, de quitter la poésie pré-socratique et un corps sensible vibrant musicalement dans une nature non doublée par une représentation qui saurait la rectifier, pour les solutions de la philosophie platonicienne, de la religion, de la métaphysique, de la philosophie. Dans son essai, Olivier-Pierre Thébault nous prouve, avec intelligence, finesse et érudition, que la poésie de Rimbaud, notamment avec les « Illuminations », que vivre, naître vraiment, s’approprier un corps qui puisse vibrer musicalement de toutes les cordes de ses cinq sens, entraîner un cerveau libre de toute sentimentale servitude volontaire, est possible. L’acte de Kronos, qui rend possible la naissance d’une jeune fille, me semble vraiment la bonne nouvelle qui ouvre enfin cette perspective, où l’amour très nouveau va de pair avec l’humain d’abord, cet humain sorti de la logique de la reproduction.

Si en effet une jeune fille ne naît pas vraiment, comment un garçon pourrait-il naître vraiment, dans ce Temps nouveau du dehors, où le corps non circonvenu de toutes parts s’approprie par ses cinq sens une vie nouvelle, à l’infini, dans l’ouvert ?

Cet événement de la naissance d’une jeune fille ouvre le Temps nouveau. Elle naît, cette jeune fille, de l’acte d’un père qui se castre pour ne pas se castrer au profit de la mère maligne et éternelle, la mère matricielle, celle qui en aurait mieux que lui car dotée avec sa complicité idiote d’un nid placentaire retenant en son sein toute la masse humaine parfaitement anticipée pour tout.

Ma lecture opère, en procédant bizarrement de la fin, un déplacement de l’origine. Le Temps de la vie vraiment dehors, née, dans une fête des sons, des couleurs, des mots, de la nomination, advient dans les bruits d’avalanche d’une naissance, au terme d’une logique de gestation, dans une rupture irrémédiable, un arrachement.

La mythologie grecque rappelée par Olivier-Pierre Thébault déplace de manière géniale et si perspicace la perte du placenta par la mère qui est censée donner à la lumière du dehors son enfant vers cette castration du père par le fils. Mine de rien, ce récit mythologique qui fait naître une jeune fille de la castration d’un père par son fils fait la révolution dans un système qui soumet la vie sur terre, censée se faire dehors, à la logique de la gestation, une soumission dans la plus grande des contradictions puisque dehors est à l’image de dedans. Cette révolution ouvre sur une autre logique que celle de la reproduction humaine fermée sur les figures du père et de la mère, elle ouvre sur le Temps vrai, le nouvel amour, qui n’est pas cloné sur le maternel indexé sur le matriciel.

Lorsque l’auteur souligne combien Dionysos est au cœur de la poésie rimbaldienne, il n’oublie pas d’ajouter que c’est le seul dieu qui n’a pas de Temple ! Dionysos ne retourne pas, d’une manière bien obéissante, à la niche de la métaphore de la matrice originaire, pour lui le Temple n’existe pas, au Temps de la vie née, de la vie dehors, il y a eu une destruction, dans un bruit d’avalanches. Ensuite, ce Temple est introuvable, et, à chaque instant, la destruction qui annonce une résurrection, un printemps, un rythme des saisons, se réitère, et c’est seulement ainsi que la musique est plus intense, avec un corps qui vibre avec ses cinq sens, et un cerveau qui s’entraîne à penser et à mener une guerre défensive pour la paix.

La violente scène mythologique, cet arrachage sanglant du membre viril du père par le fils, ce n’est pas un parricide, au contraire, très paradoxalement il s’agit d’un acte de père qui donne à la lumière du dehors les enfants, sexués d’abord fille, cette jeune fille qui naît de l’écume blanche, pour que le garçon aussi, délivré, puisse naître. La différence sexuelle fille garçon s’inscrit, curieusement, par cet acte de castration. Mais en vérité, lorsque le fils Kronos castre son père pour que le Temps de la vie puisse vraiment s’ouvrir à l’infini, c’est lui-même qu’il castre, il ne veut pas être circonvenu par cette image convenue d’un homme qui en aurait parce qu’il aurait le pouvoir d’assurer la pérennisation d’une vie familiale qui serait la continuation logique d’une vie matricielle. Kronos arrache les couilles d’un homme si bête qu’il croit que sa puissance virile c’est de continuer à tapisser l’intérieur utérin familial afin que les petits y restent et que cette femme mère à vie n’en soit jamais délivrée… Kronos renverse le pouvoir matriciel qui est embuscade derrière le membre viril d’Ouranos le père avec sa Gaia la mère (la terre). Ouranos est intimé de penser très différemment le fait qu’il est le Ciel de cette Terre.

C’est vraiment incroyable comme nous vivons encore sous l’emprise de cette logique de gestation dans laquelle le placenta qui tapisse l’intérieur de l’utérus afin qu’il soit opérationnel est d’origine paternelle. C’est ça que Kronos détruit en arrachant le membre viril de son père. Il inscrit dans le corps d’un homme cette castration qui va mettre en branle la question d’une virilité infiniment plus vraie puisqu’elle va aboutir dans un bruit d’avalanche à faire naître dehors, dans le Temps, avec un corps non circonvenu de toutes parts. Ce bruit d’une avalanche, trouvaille du poète Rimbaud !

La question de la jeune fille, j’insiste, est le pivot de la réussite de cette liberté nouvelle donnant à la lumière le corps et le cerveau pensant d’un être humain qu’aucune représentation, de manière addictive, ne pourra plus retenir en arrière puisque sa pensée critique arme d’une guerre défensive saura la déjouer. Athéna aussi naît de la tête de Zeus. Zeus figure la pensée d’un homme qui réalise que la jeune fille est la clef du renversement de la sujétion de l’aventure humaine à la logique de la reproduction. Enfin, voici une jeune fille qui n’est plus aux mains de sa mère la briffant pour toute sa vie, mais qui surgit d’une pensée d’homme avec un corps et un cerveau libres. Athéna une jeune fille capable de pensée critique, non colonisée par la logique de la reproduction transmise par sa mère, non réduite à son utérus intimé d’être à jamais en pleine fonction. Athéna une jeune fille qui pense. Athéna non seulement déesse de la sagesse, de la prudence mais aussi de la guerre ! Clef pour gagner la guerre défensive, elle est alors déesse des artistes, des maîtres d’école, protectrice d’Athènes…

Il y a aussi Artémis, sœur jumelle d’Apollon : gémellité fille garçon. Selon la légende, née la première elle aurait aidé sa mère à accoucher d’Apollon : elle aurait aidé à ce qu’il sorte de la matrice, à ce qu’il naisse. La naissance de la fille est indispensable à celle du garçon. La jeune fille, parfaitement séparée de la mère, de cette fonction liée à la logique de la reproduction, ouvre au garçon la liberté de sortir lui-même du rôle de père éternisant le rôle fonctionnel de l’utérus plein de ses petits étendu métaphoriquement à toute la planète marchande. Déesse à la fois proche des animaux sauvages et déesse de la chasse. Vierge, comme Athéna. Résistant donc au précipice de rôles convenus, mariage, maternité, partenaire sexuelle. Lorsque Actéon la surprend dans son bain, elle le fait déchiqueter par ses chiens. C’est une sauvageonne fière, qui échappe à chaque rôle, comme si aucun n’allait de soi, y compris celui du commerce sexuel. Le pays des Hyperboréens est celui de sa résidence. Les montagnes… Ces Hyperboréens jugés frustres par les Etrusques… Artémis est du côté de ceux qui se désengagent du précipice des consensus, des formatages, des rôles, des idées de masse, des préjugés, et, comme les Hyperboréens, elle préfère être une sauvageonne en train de découvrir un autre fonctionnement du cerveau, un surgissement d’une pensée libre, guerrière.

Aphrodite, Athéna, Artémis. Triple A…

Cette naissance de la jeune fille étant présentée comme la clef d’une désaliénation humaine révolutionnaire, il me sera plus facile de rendre compte de ma lecture de l’excellent livre d’Olivier-Pierre Thébault qu’il a lui-même écrit en lisant Rimbaud. Thébault emboîte le pas de Rimbaud, qui lui-même emboîte le pas d’illustres prédécesseurs appartenant à des temps, des civilisations et des cultures différents, dans un processus guerrier défensif qui vise une délivrance du corps et du cerveau afin que, dans le bruit d’avalanche d’une naissance forcément violente, dérangeante, le corps tout entier vive de ses cinq sens et de l’ivresse de sa pensée libérée dans le dehors ouvert à l’infini des expériences de chaque jour. Un corps qui fait connaissance avec le paradis sensoriel et intellectuel.

La musique plus intense évoque la désaliénation de l’ouïe qui n’est plus bridée par cette représentation qui assourdit l’oreille par les paroles et bruits dominants du formatage. Processus d’arrachement, de rupture, qui s’effectue par le verbe, par les mots, par les phrases, par la poésie, donc par une activité du cerveau radicalement dissident qui, ce faisant, comme on le vérifie dans la poésie de Rimbaud, retrouve la même activité dissidente de la pensée dans les œuvres de prédécesseurs. La poésie de Rimbaud est ainsi, comme nous le montre brillamment Olivier-Pierre Thébault, très riche en échos d’autres œuvres. On pourrait dire que de tous temps des êtres humains ont cherché à se désaliéner par cette activité cérébrale de dissidence que sont les mots, la poésie, le Verbe, leur aliénation venant du fait que, naissant prématurément, ils ont dû commencer leur vie dehors dans une métaphore matricielle, une sorte de couveuse destinée à compenser la mise dehors trop précoce. Mais cette sorte de métaphore matricielle provisoire a eu cet effet pervers de faire goûter à ce pouvoir total que donne la vulnérabilité des êtres à ceux qui prétendent tout savoir pour les assumer. De tout temps, des êtres humains ont inventé une sorte de contre-pouvoir libérateur pour échapper à la couveuse artificielle et naître enfin.

En lisant la poésie rimbaldienne dans les pas d’un guide aussi brillant que Thébault, on se rend compte à quel point il s’agit d’une guerre défensive aboutissant à la victoire de la vie désaliénée, cette naissance. En atteste le primat du dionysiaque chez Rimbaud. Alors, la musique, omniprésente dans les « Illuminations », afflue, par exemple dans le poème « Les villes ». Le poète libéré voit très différemment les villes. Un décor de théâtre se met en place pour qui sait lire la résistance et la dissidence des humains même les plus aliénés par les diktats qui cadrent désormais leur vie et qui exploitent la logique de la reproduction et la vulnérabilité de la prématurité. Le poète voit que des chalets de cristal et des poulies invisibles se meuvent sur des rails. Des fêtes amoureuses sonnent derrière les chalets, des chanteurs géants accourent dans des vêtements et des oriflammes éclatants comme la lumière des cimes. Des Rolands sonnent leur bravoure sur des plates-formes au milieu des gouffres. Vous voyez que tous sentent la victoire imminente même s’ils sont encore en mauvaise posture. Le ciel ardent pavoise les mats. Les centauresses séraphiques évoluent parmi les avalanches. Vous voyez que des femmes tandis que les avalanches figurent les accouchements se sentent délivrées : des centauresses ! Parce que Aphrodite est en train de naître ! Des moissons de fleurs mugissent ! L’événement sonore est incroyable ! Ainsi que l’événement visuel : la mer s’assombrit avec des éclats mortels, des cerfs aux pieds de la cascade et des ronces tètent Diane (Artémis), toutes les légendes évoluent et les élans se ruent dans les bourgs. Bref une vie nouvelle éclôt dans les villes ! « Des châteaux en os sort la musique inconnue. » La musique inconnue ! C’est une vraie révélation. Le dehors parle aux oreilles pour la première fois au nouveau-né ! « Les sauvages dansent sans cesse la fête de la nuit. » Dissidence radicale déjà dans l’imminence de la naissance, qui s’incarne dans ce corps sauvage c’est-à-dire qui échappe à la circonvention matricielle et s’unifie dans une appropriation sensorielle. Dionysos. Qui sort du Temple pour toujours. Dehors, « je » descends dans le mouvement d’une rue de Bagdad où des compagnies ont chanté la joie d’un travail nouveau. Sensation que tout est travaillé d’une manière révolutionnaire afin que plus rien ne soit pareil, le dehors n’est pas le dedans, et le « je » de l’adhésion au travail nouveau inscrit le membre arrivant d’une communauté humaine de nés. Le travail nouveau commence par une révolution dans la logique humaine, dans le changement radical de logique qui implique l’avènement d’un « je » là où, avant, il y avait la servitude volontaire inhérente au fait que tout autour ça s’occupait de soi dans la meilleure des matrices voire d’un tissu social à la botte de la logique marchande. Le « je » du travail nouveau ne laisse aucune nébuleuse collective toute-puissance décider du monde extérieur, « je » s’avance pour la première fois comme membre créateur.

La poésie rimbaldienne témoigne que, depuis toujours et sous toutes les latitudes, la résistance révolutionnaire a entendu la musique nouvelle et plus intense, dans une rupture radicale exigeant d’admettre le bruit des avalanches de l’accouchement, crêtes vertigineuses sur lesquelles évoluent les centauresses, par une ouïe dé-saturée par les bruits endogamiques.

L’extérieur sonore et coloré, rythmé, sauvage parce que non maîtrisé, fait irruption et donne du travail nouveau aux cinq sens, tandis que le corps dionysiaque s’enivre de cette beauté vierge de toute puissance circonvenante. Il s’agit de saisir la force prodigieuse de la nouveauté sonore, visuelle et rythmique de ce dehors qui s’ouvre à l’être qui a glissé dans une avalanche violente hors de la matrice que l’organisation marchande de nos sociétés a prétendu immortaliser pour le plus grand bien des profits et des calculs faits sur la vulnérabilité et sur le pitoyable pouvoir de l’humiliation.

Soudain, le résistant s’aperçoit qu’il n’est pas seul, qu’une résistante a pu naître de l’écume de la mer, et que de tout temps il y en a eu qui sentirent, vécurent et écrivirent cette naissance à la musique plus intense, cette appropriation d’un corps pouvant à l’infini vibrer avec les cordes de ses cinq sens et la chimie des neurotransmetteurs cérébraux fut pressentie avec l’heure H (comme haschih) et plus jamais perturbée par le chantage aux émotions et sentiments ni mise au pas par anesthésie par les benzodiazépines et les inhibiteurs de la re-capture de la sérotonine.

Perception très nouvelle des sons restitués par la langage poétique, verbe qui inscrit l’appropriation par « je » de sa propre vie, qui refuse pour toujours d’être déjà parlé, anticipé, formaté, tel un animal supérieur d’élevage de masse circonvenu dans sa case. Le corps dionysien jouit de ne plus se sentir dans le Temple. La jeune fille vierge jouit de ne pas être la porte d’entrée du Temple, et de pouvoir s’approprier son corps et son cerveau. L’exil qui s’ensuit est l’entrée dans la terre promise de la naissance. Tout cela exige que le « je » s’approprie l’événement par des mots, par le verbe, par la poésie pensante, il ne s’agit en rien d’un événement sentimental, d’une certaine manière l’intellect donne désormais accès aux sensations, celles-ci ne font plus le jeu des bons sentiments et de la manipulation des émotions. Il faut bien comprendre à quel point l’intellect, la pensée libre, c’est cela qui donne accès à la musique plus intense du corps jouissant, vibrant. La main-mise sur le corps, prolongeant le maternage d’un corps si vulnérable qu’il flatte le goût maternel du pouvoir, n’est plus possible, ni la séduction endogamique qui va avec.

Dès les premières pages, dans cette lecture qui va dans les pas de ce prédécesseur qu’est Rimbaud, une lecture nouvelle jaillissant de l’impératif de la résistance, de la dissidence, de la guerre défensive, de la délivrance, Olivier-Pierre Thébault souligne cette énorme sensation d’un monde qui sombre. Cette sensation est très importante. On imagine que le fœtus, au terme du temps de la gestation, a aussi cette sensation inquiétante que cela ne peut plus continuer ainsi. Le Temps, un autre temps, ouverture, déploiement des sensations autrement, temps d’éclosion sonore et visuelle, commence avec la violence d’une pensée très dérangeante : le temps sombre. Comme par hasard, la citation extraite de « La Flûte enchantée » de Mozart qui ouvre le livre évoque cette Force qui a vaincu, et qui couronne de leur dû la Beauté (Aphrodite) et la Sagesse (Athéna). Comme si cette Force de l’être humain sur le point de naître à la vie du dehors, de sortir de la logique reproductive en fait, allait de pair avec l’apparition de la jeune fille tant de la tête de Zeus que de l’écume de la mer.

Le lecteur est encore extérieur au nouveau monde de phrases qu’est le texte de Rimbaud et qui ébranle, interroge, bouleverse l’ancien paradigme pour ouvrir sur un nouveau paradigme. L’expérience de ce langage, qui est une sorte d’appropriation de sa vie par un être qui jusque-là était circonvenu, parlé, passif, est inouïe. Ce n’est que par le cerveau, que par le travail de la pensée, que par le langage, qui se fait poétique parce que pour la première fois il se mêle aux sensations nouvelles, à l’éclosion jouissive des cinq sens, que cette délivrance et cette libération peuvent s’effectuer. Par son cerveau, l’être qui se libère s’approprie sa vie, il n’est plus le jouet soumis d’un monde maternant qui tirait pouvoir et calcul de sa vulnérabilité, de sa faiblesse, de son état de gestation. Une maturité intellectuelle révolutionnaire éveille cet être, qui ne peut plus être soumis.

Voici une « égalité sensorielle absolue » « en laquelle se rassemble et se ramasse le corps, c’est-à-dire une unification concrète de la raison et des sens trouvant ses lieux et ses formules dans les mots et les sons, se révélant à celui qui l’expérimente comme son ‘nouveau corps amoureux’. » D’où l’idée de Génie, d’Incarnation, fil rouge de l’œuvre et de la vie de Rimbaud. C’est dans l’urgence de sortir du monde névrosé, catastrophé, médiatique, au service des chiffres, que le monde s’ouvre, se manifeste comme l’Ouvert. Les « Illuminations » de Rimbaud forment le terme infini du voyage rimbaldien, écrit Thébault. Il s’agit de savoir lire.

Le fil conducteur de la lecture est l’intrication PENSANTE du Temps et de la musique dans le Verbe de Rimbaud. Une unité qui joue une trouée, une éclaircie, une épiphanie du Temps, c’est-à-dire d’un temps nouveau, celui de la vie dehors, de la vie née, où l’Incarnation prend tout son sens avec l’appropriation d’un corps et d’un cerveau propres.

L’essai de Thébault commence par une introduction au voyage de Rimbaud dans le Temps. La citation de Lautréamont vaut ironie à l’endroit de tous ceux, si nombreux, qui ont l’illusion de vivre sur terre. Alors qu’ils sont encore dedans…

La poésie de Rimbaud est une poésie pensante. Il a une facilité déconcertante à voyager à travers les âges et les temps, comme s’il avait plusieurs vies. Villon. Baudelaire. Lautréamont. Révolution française. XVIIIe siècle. « Lettre du Voyant » dans laquelle Rimbaud écrit que toute poésie antique aboutit à la poésie grecque, Vie harmonieuse. Chanson de Roland. Shakespeare. Rimbaud est le premier à chercher à dépasser l’insurmontable difficulté du français à « trouver sa propre musique en poésie. » Baudelaire, de ce point de vue, est le premier voyant.

« Hölderlin et Rimbaud prennent pour base commune la comparaison avec les Grecs, c’est-à-dire la perfection rythmique dans la poésie, comme dans la vie. » Vie harmonieuse.

La vie en tant qu’elle se pense et n’a jamais cessé d’être une.

« Rimbaud possède à loisir cette aptitude surhumaine à laisser vivre en lui tous les temps, avec leurs univers. » « Parce que Rimbaud est le témoin du Temps, il peut, avec aisance, devenir l’apôtre de la bonne nouvelle messianique. » La poésie pensante rimbaldienne redonne sens au messianique, à l’idée de Messie. Ainsi que celle d’Incarnation, de Résurrection, de communion. Tous ces termes vont de pair avec le nouveau statut du corps et de la pensée, avec cette appropriation du corps et du cerveau. Ainsi qu’avec la notion de prédécesseur, quelqu’un qui ouvre la voie d’une vie nouvelle, du nouvel amour. « Rimbaud vit, dans sa langue, l’expérience de Jésus », il l’exprime pour son temps, pour son époque contemporaine.

Le Temps, dans les « Illuminations », c’est la présence du langage.

Si Rimbaud peut voyager dans le temps, se trouver des prédécesseurs, c’est qu’il a une certaine science du Néant. Ses yeux sont enfin ouverts « par-delà la nuit du cauchemar pseudo-historique », il échappe à « l’emprise infectieuse et morbide de la marchandise. » Il s’agit de SON néant : du moment compris du retour résurrectionnel à soi-même par la grâce verbale de l’illumination. « Je m’instruis à proportion de ma pensée enchaînée », écrit Rimbaud. C’est ainsi qu’il rencontre son néant. Au cœur de la contradiction. Le « Je » nouveau ne peut surgir qu’au comble d’un enchaînement à son époque, dans la sensation d’anéantissement, de soumission, d’abêtissement. La contradiction aiguise l’esprit. La Société se croit seule, elle se trompe, il y a quelqu’un ! Qui saute dans la poésie pensante. Qu’est-ce que ce saut ? C’est un détachement de la représentation. Le monde de la représentation, qui circonvient en permanence les êtres qui n’ont qu’à tout avaler en déglutition primaire, qu’à se laisser imbiber, perfuser, et à se laisser être programmé afin d’être d’obéissants serviteurs de ce monde de représentations, avec la poésie pensante mais aussi avec les arts, qu’ils soient religieux, romantiques, marchands, techniques, dévale dans un bruit d’avalanche comme le tissu matriciel à la naissance. La poésie pensante se singularise par rapport aux arts, elle ne joue pas de la représentation, elle a déjà effectué un saut pensant, résistant, elle s’éloigne aussi de toute métaphysique. C’est un saut dans l’irreprésentable, inscrivant une disparition définitive de métaphore matricielle à la base du monde de la représentation, de la métaphysique, des religions, enfin tout ce qui voudrait d’une manière ou d’une autre renouer avec le temps gestationnel et des êtres fœtaux dépendants. Gestation rime tellement avec gestion…

Au moment de nous convier à ce saut incroyable de la poésie pensante de Rimbaud dans l’irreprésentable, Olivier-Pierre Thébault tient à nous préciser ce qu’il entend par représentation. Représentation religieuse, représentation marchande. Dans son sens hégélien, c’est la manière universelle qu’a l’homme de s’en tenir à un langage grevé d’immédiateté, écrit-il. Comme si ce qui échappe pouvait être représenté, comme si la disparition (j’ajoute, du tissu matriciel, du cocon originaire, de l’abri, du dedans) pouvait être déniée par quelque chose qui fonctionne pareil, qui remplace, qui représente, donc, par exemple en ayant recours au sensible. L’univers marchand, la métaphysique, les religions, et aujourd’hui la science jouent à ce niveau-là. La métaphysique certes fait disparaître la représentation mais la conserve. Sujet de cette représentation, assujettissement. Ruses de cette représentation. La sortie de la représentation est une grande libération, déjà là chez les plus grands génies artistiques de l’histoire chrétienne. Cette sortie n’apparaît pour la première fois qu’avec le christianisme, première affirmation du principe de l’individualité, de la subjectivité. Religiosité du monde de la marchandise. La subjectivité selon Hegel a la capacité de se replier sur soi, donc de se replier du monde de la représentation. Aujourd’hui, ce serait le repli par rapport à la colonisation par le monde technico-marchand, qui est la représentation par excellence, domination de l’Image. Subjectivité comme repli pour refuser un cerveau soumis « aux présents diktats cybernétiques ». La liberté intrinsèque dit non, c’est « l’intime radical » selon Sollers. Déprise, par la subjectivité résistante, vis-à-vis de la religion, du monde de la domination marchande et technique.

On voit combien la lecture de Rimbaud est urgente pour résister à cette emprise technico-marchande ! On voit bien à quel point il est, aujourd’hui même, très en avance, et s’impose, si on accepte de le lire, comme le paradigme humble (puisqu’il en appelle dans sa poésie pensante à des prédécesseurs) de la guerre résistante à tous les formatages qui littéralement prennent la tête des êtres humains nés pour en faire des dépendants qui se croient intelligents et efficaces alors qu’ils ne sont que de parfaits obéissants anesthésiés adeptes de la servitude volontaire se croyant puissants dans l’espoir de se remplir les bourses.

C’est gravissime de se faire prendre la tête à ce point.

Et Rimbaud, en particulier dans les « Illuminations » si brillamment et intelligemment lues par Thébault, témoigne d’un travail nouveau de la pensée qui fait un lent (Rimbaud dit qu’il faut de larges tranches de temps pour penser) et presque surhumain effort pour se détacher, pour se délivrer, pour se décoller d’une matrice qui n’en finit pas de courir après pour rattraper. La poésie pensante de Rimbaud, cela semble un travail surhumain (pour évoquer le surhomme de Nietzsche) du cerveau résistant et dissident. Voilà la grande poésie des fidèles d’amour, pour rappeler Dante. Ce nouvel amour offre aux nés, aux délivrés, une nouvelle logique, qui ne se calque pas sur la logique reproductive. Ce nouvel amour met au cour de la vie le corps propre, sur lequel n’ont fait main basse ni la société marchande ni une entité d’inspiration maternelle qui verrait tout être humain éternellement petit, vulnérable et ne pouvant avoir un cerveau que colonisé. Un corps dionysiaque, à l’écoute de l’expérience interactive des cinq sens qui éclosent, sensibles au rythme des saisons et des rencontres, aux hauts et aux bas, aux destructions et aux résurrections. Autre logique, qui ne se fonde plus sur l’exploitation de la vulnérabilité pour prendre le pouvoir, sur la sous-estimation systématique, sur le fait qu’une entité se nourrissant de scientisme saurait tout bien pour tout le monde et ferait économiser à la masse des humains d’avoir à penser tout en ayant l’obligation d’obéir et de consommer.

L’œil de Cézanne est à l’écoute du monde. Il perçoit la couleur, l’intensité des tons. Œil du nouveau-né qui s’ouvre sur les merveilles, vraiment, sans avoir besoin d’une entité qui saurait proposer une représentation doublant littéralement le dehors, volant l’expérience inaugurale du nouvellement né. C’est Duchamp, d’ailleurs, qui se met à détruire cette représentation, l’objet qu’il choisi est arraché à son destin marchand… Picasso : l’œuvre inouïe de la négativité absolue. Matisse, Modigliani, Giacometti, De Kooning, etc. Une série infinie d’artistes qui s’attaquent à la représentation, pour ouvrir sur un monde autre, celui du temps de la naissance d’êtres donnés à la lumière, et qui accomplissent dans leur cerveau pensant cet acte d’appropriation de leur propre vie singulière.

Poésie qui déjoue, donc, les pièges et les tours de la représentation. « Les chants de Maldoror » se déprennent de la grammaire marâtre comme le dit Artaud. Sous la plume d’Olivier-Pierre Thébault la liste des prédécesseurs et des suiveurs de Rimbaud s’inscrit, et nous réalisons à quel point en vérité la résistance de toujours est vive et qu’on n’est pas seul à refuser de se faire prendre la tête et garder en couveuse marchande le corps.

Une autre religion : celle de la liberté libre. Celle qui suit la délivrance, celle qui se sèvre de la représentation comme d’un placenta qui aurait prétendu continuer à circonvenir toute vie. Religion libre de toute religion, celle qui relie les êtres humains dans une relecture résistante de notre servitude volontaire : l’étymologie de religion comprend à la fois le fait d’être relié et de relire. La liberté libre naît d’une coupure du cordon ombilical reliant à la représentation faisant office de placenta prêt à penser, une rupture s’effectuant dans une relecture de cette ancienne logique encore asservie à la logique de la reproduction et de la gestation, et elle éclôt par une nouvelle logique, qui met en relation les êtres humains (vivant dehors où la nature avec ses sons et ses couleurs est merveilleuse) sur la base d’une appropriation de leur corps et de leur cerveau, sur la base de cette ecceité de Dun Scot c’est-à-dire la reconnaissance du caractère absolument singulier de chaque vie humaine ce qui exclut tout traitement de masse.

Donc, un lien subtil lie les « Illuminations » et la représentation, car bien sûr c’est cette représentation dont il s’agit de sortir en ne négligeant pas nos contradictions qui font qu’elle perdure et que ce n’est pas un ennemi à négliger, mais qu’il requiert une guerre défensive engageant soi-même comme soldat pensant. Le poème « Dévotion » par exemple invente un langage nouveau, hors métaphysique. « Barbare » : poème qui déjoue le sensible en libérant l’oreille de la représentation simplement sensible. On sent un sevrage à l’œuvre, une résistance inouïe à la séduction. Entendre une musique nouvelle, portée par les mots : dans « Marine » : « Les chars d’argent et de cuivre / Les proues d’acier et d’argent. »

Savoir rejouer autrement les merveilles. Voir en avant. Un autre langage, qui n’est dépendant de rien. Paysages réinventés par la poésie pensante.

Le Temps dans les « Illuminations » de Rimbaud, Olivier-Pierre Thébault le pense donc, dans cet essai à lire absolument, par rapport à la pensée religieuse, à la philosophie (par exemple Hegel, Heidegger, Nietzsche, etc.) et dans son art musical intime. Je voudrais mettre un accent tout personnel sur la question de l’Eucharistie et de la Transsubstantiation que Thébault évoque dans sa lecture de Rimbaud : cela concerne l’appropriation du corps et du cerveau par chaque être humain, et la communion des Saints elle-même prend un sens nouveau dans cette chaîne infinie qui relie les prédécesseurs et les suivants dans une guerre défensive pour advenir à la vie vraie née terrestre singulière. Il est difficile de donner écho à toutes les étapes de cette étude érudite et de cette lecture si vraie, si riche, si guerrière et finalement si apaisée, conviant les lecteurs à se relier tels les Fidèles d’Amour. La lecture de ce livre est urgente !

Alice Granger Guitard



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