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Olimpia : l’incandescence d’une putain
mercredi 11 avril 2012 par Stéphanie Chabert

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Après Le Dernier monde et Bastard Battle, Céline Minard affute ses pointes pour cinquante pages d’une prosopopée hallucinée, devenue le testament de l’Impia...

« Que la peste les broie, les meule, les perce, qu’ils jettent leur dernier souffle en un pet par le cul en ensemble et qu’ainsi Rome en tremble ! »

Cette langue râpeuse et goulue, c’est la voix d’Olimpia Maidalchini, la suceuse de vertus, la putain de Rome, bannie en 1655, à la mort du pape Innocent X.
« Omnia putrida » ! Pleine, la volupté morbide dégorge de l’écriture, faisant de l’égérie papale une figure d’or et de fange, dont s’empare le diptyque de Céline Minard : d’abord la voix, le crachat sublime de la femme déchue ; ensuite la chronique, de celles qui savent encore fantasmer les personnages.

Purulence sans fin, la parole est opprobre et luxure, patine viciée de la divine « cloaca maxima ». L’écriture, forçant les images en des correspondances grotesques et sublimes, se repaît d’un esprit fin de siècle, des satires de Juvénal aux poèmes de Lorrain.

La voix d’Olimpia est un verbe du rut et de l’extase, où le corps s’offre avec une jouissance ostentatoire, de la défécation à l’érection. Céline Minard creuse le langage pour y faire s’accoupler les langues, les faire se heurter jusqu’à s’envahir, en une litanie archaïque et moderne, triviale et sublime. Et, si la seconde partie fouille du côté de la chronique, elle n’en fantasme pas moins la « Pimpaccia », corps-objet du pouvoir.

Dès lors, Olimpia assouvit le délitement pulsionnel d’une vaste cloaca intime, où se décapent violemment farce et reine. L’intimité n’est plus qu’un souffle qui broie le monde et use la phrase, comme le pinceau noie la toile chez Francis Bacon. Céline Minard frappe, et entretient à l’acide une rhétorique de la haine gonflée d’une prose orgasmique, dense et saturée. Taillant la chair, l’imprécation charrie les violences sublimes des tragédies d’Eschyle et de Corneille, en un minimalisme jaillissant : du Verbe au phonème, du sème au rythme incandescent des glossolalies d’Artaud…

Olimpia ne pleure pas, ne prie pas. Elle outrage. Et Céline Minard, embrasant son anathème, écorche l’ancestrale autorité, la littérature elle-même…

Olimpia, Céline Minard, Denoël, 2010, 80p. 10 EUR.

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