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Ma mère - Daniel Cohen

Paru aux Editions Orizons

jeudi 7 mars 2024 par Françoise Urban-Menninger

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Dans son livre monumental " Eaux dérobées", Daniel Cohen reprenait dans "Psoas", l’écriture de "Cancériade" où le corps de sa mère, ravagé par le cancer, devenait le corps du texte. Dans "Ma mère", Daniel Cohen revient sur ce combat de l’impossible qui gangrène la chair de sa chair car la mort de sa mère est aussi celle de son enfance à jamais perdue.

Et c’est bien de cela qu’il s’agit dans ce livre, retrouver dans la fin de vie de sa mère, les débuts de la sienne et d’évoquer parfois "un lambeau de mémoire" où l’auteur se revoit dans sa poussette d’enfant. Gaston Bachelard l’affirmait, dans la dernière partie de notre existence, nous retournons tous sur les pas de notre enfance.
Avec ce livre qui relate les différents stades de la maladie et sa lutte sans merci pour permettre à sa mère de se survivre de mois en mois, l’auteur, lui-même malade, renoue avec son origine où la finitude de sa mère et la sienne confinent.
C’est ainsi que l’on suit le rapatriement épique de sa mère depuis Jérusalem dans son minuscule studio à Paris, les insupportables démarches administratives, les sempiternels entretiens avec des médecins suffisants, souvent départis de toute compassion... ‘L’inconfort du logement, le manque chronique d’argent contribuent à instaurer un climat délétère qui emplit parfois l’auteur de doutes ...Daniel Cohen décrit à plusieurs reprises "le visage stigmatisé de sa mère", "Elle avait l’air d’un rapace décharné" écrit-il avec une éclairante lucidité.
Mais, il n’abdique jamais et, parfois même, "la lumière dans un parc", un sourire esquissé par sa mère, font refluer en lui des ondes de bonheur. Les soeurs de l’auteur viennent tour à tour au chevet de leur mère et Daniel Cohen de déclarer "Ta maladie sera le phare de nos rencontres".
Pour survivre dans cette atmosphère mortifère, l’auteur se jette un jour à corps perdu dans la littérature et se plonge des heures durant dans ses lectures, tout en se sentant coupable et en s’interrogeant "N’est-ce pas après ce jour que je diminuai ma présence, de moitié, auprès de toi ?"
On assiste, en lecteur impuissant, au drame de l’impossibilité pour l’écrivain de faire son travail de deuil. Sa souffrance morale accompagne en écho celle de sa mère rongée par les métastases. Ce chant funèbre fait écho à la perte, à l’absence que chacun de nous se doit d’affronter, Martin Heidegger nous le répétait "Dès qu’un homme naît, il est assez vieux pour mourir".
Mais la perte dans ce livre se transmute dans une écriture qui irradie et Daniel Cohen de conclure "La force de l’âge m’a apporté la consolation de l’analyse, la redistribution des rôles." Et de poursuivre "C’est l’écriture, et dans l’écriture seulement, que j’ai tenté de trouver un peu de lumière, un semblant de lumière..." Dans une phrase lumineuse, Daniel Cohen nous donne la clé de son livre "Pour dire ma souffrance de ton manque et la difficulté de ma survie, j’ai utilisé la corde d’un langage hérissé de noeuds".
Si Daniel Cohen se dit "soulagé en rouvrant une tombe", comme il l’affirme, il a également offert à sa mère de la prolonger, voire de lui conférer un corps de lumière transcendé par l’écriture qui nous la donne à voir dans toute son humaine condition.
Voilà pourquoi cet ouvrage nous touche jusque dans notre chair dans une vérité qui nous dérange parfois mais qui nous aide assurément à appréhender cet autre côté des mots où la mort signe notre échéance. Une dernière joie vient sublimer cet ultime hommage, celle de l’image éminemment poétique d’un cerisier fleurissant sur la tombe de sa mère "quand avril y moutonne son charme rose".

Françoise Urban-Menninger

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