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Visages des jours perdus, précédé de Le bonheur d’aimer, Pierre Zehnacker

Nouvelles et textes en prose parus aux Editions Homme Libre

mardi 2 mai 2023 par Françoise Urban-Menninger

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Poète, nouvelliste, mais également peintre, Pierre Zehnacker a trouvé un style et un ton très personnels qu’il décline dans huit nouvelles regroupées sous l’intitulé "Le bonheur d’aimer" suivies d’une centaine de textes en prose dont " Visages des jours perdus" qui sont autant de fragments d’âmes reflétés et délités dans un miroir brisé.

Ecrites à la première personne du singulier, ces nouvelles et textes troubles et troublants tiennent de la confidence et de l’aparté. Pris par le fou rire que peut générer une phrase telle celle que l’on peut lire dans Employé de bureau à savoir "Une autre énigme : comment peut-on jouer à la pétanque ? Qui a eu le génie d’inventer un truc aussi débile ?....", on rit moins, voire plus du tout, quand le héros de cette nouvelle évoque "le sort des Juifs persécutés" ou encore quand on découvre le portrait de "M. Spatz, le propriétaire" qui "a d’ailleurs une grosse tête bordée de favoris noirs, tout à fait germanique, et qui aurait pu sortir d’un des livres d’histoire, où le sort des peuples face aux nazis est évoqué avec un luxe de détails qui font froid dans le dos..."
L’auteur nous invite à pénétrer dans les labyrinthes de la pensée de ses personnages pour le meilleur mais le plus souvent pour le pire car c’est sous ce "je" que tout se joue. Eugen Finck affirmait que "Le jeu est le symbole du monde", c’est aussi un révélateur comme lors du développement de photographies.
Voilà tout l’art subtil de Pierre Zehnacker que de mettre à nu les beautés mais aussi les noirceurs de l’âme humaine. Dans Les ombres du passé, cette question "Sommes-nous riches de notre ignorance ?..." ou celle-ci
"Que dit l’ombre ?..." dans Ce que j’ai toujours attendu sont autant d’interrogations qui font basculer le narrateur mais aussi le lecteur et bien évidemment l’auteur de l’autre côté des mots mais aussi de la raison. Car Pierre Zehnacker écrit toujours sur cette frontière invisible où la réalité flirte avec la folie et la déraison.
Dans Un poison lent, l’écrivain nous offre l’une des clés de son écriture en donnant la parole à un grand singe bonobo "La pensée est douloureuse", "C’est peut-être elle qui rend fous les hommes". Car cette folie, "ce poison lent" irrigue chacun des textes de ce livre lui conférant un charme vénéneux. La bizarrerie, l’insolite, l’étrangeté créent des atmosphères surréelles, intemporelles, annoncées d’emblée dans le portrait de la couverture peint par l’auteur où se lit l’angoisse existentielle, l’étonnement d’être au monde. Mais ici et là des phrases éclairantes s’invitent pour libérer le champ (chant) du poétique : "Parfois une ombre vous résiste, l’énigme d’un désir, le développement musical d’une pensée" ou encore Dans la voix de l’ombre "Ramasser une pierre polie par les vagues, y enfermer la voix de l’ombre". Et Pierre Zehnacker d’user et d’abuser de son arme secrète contre le désespoir en décochant ici et là des flèches d’humour au destin qui font toute la saveur de ces textes à la fois noirs et lumineux. Dans Servitude de l’amour, on lit en souriant "Cependant une guêpe égarée bourdonne contre une vitre, agaçante, malicieuse". Dans Le serviteur, on lit "Le poète lui-même n’est sans doute qu’un rêveur désemparé" et dans le même texte, l’auteur qui se confond avec le narrateur de déclarer "A chaque instant nous nous disons adieu, à chaque instant nous entrons dans les ténèbres"... Voilà résumé le destin de cette humanité "déshumanisée" que Pierre Zehnacker met en scène pour déjouer et mettre au jour les ombres qui le hantent et viennent nous habiter à notre tour.
Dans la peau de Manfred, l’auteur ne fait pas dans la dentelle quand il juge les humains "Grâce à l’engeance humaine, le diable a des siècles de prospérité et d’infamie conquérante devant lui"... Et de poursuivre dans un autre texte où le narrateur s’étonne de s’émerveiller d’être en vie alors que des bombes sont larguées au même moment quelque part dans le monde. Pierre Zehnacker pose dans ses textes les questions qui nous taraudent quand parfois nous soulevons la chape d’indifférence qui occulte notre vision. Nul doute que l’auteur nous fait vaciller au bord de l’abîme où l’écriture et l’âme ont partie liée.

Françoise Urban-Menninger



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