Denis Emorine
Jérôme Garcin
Fatou Diome
Denis Emorine
Denis Emorine
Sonia Elvireanu
Jean-Marie Rouart
Cyril Anton
Valery Zabdyr
Amin Maalouf

23 ans !

Accueil > LITTERATURE > L’ombre verte, D’grien Shatt de Simone Morgenthaler

L’ombre verte, D’grien Shatt de Simone Morgenthaler

Publié chez I.D.l’Edition

samedi 21 novembre 2020 par Françoise Urban-Menninger

Pour imprimer


Cette ombre verte, c’est celle du noyer dont "la frondaison verte habillait la cour" de la maison où Simone Morgenthaler a vécu plus de trente-deux ans. Ses racines et celles de l’arbre se confondent, libérant les souvenirs qui affleurent sous la chair vive des mots.

Car dans ce petit opuscule lumineux, il s’agit bien de mots et d’une langue que l’on a tenté à plusieurs reprises de déraciner de son terroir. Tour à tour allemande, française, puis à nouveau allemande, puis redevenue française au cours d’une histoire chaotique, l’Alsace et la langue alsacienne ont été malmenées, voire méprisées ! Mais aujourd’hui, tel le noyer abattu, cette langue est en voie de disparition et l’auteure d’aller jusqu’à dénoncer "un génocide linguistique".
Comme beaucoup d’enfants de l’après-guerre, Simone Morgenthaler s’exprimait exclusivement en alsacien, sa langue maternelle, jusqu’à son entrée à l’école primaire. Or comme l’affirmaient Albert Camus ou Emile Cioran "Notre vraie patrie est notre langue" ! La langue maternelle n’est autre que ce cordon ombilical qui nous relie à la musique du monde, elle nous habite et nous l’habitons.
C’est dire que l’entrée à l’école primaire de l’auteure fut un véritable déchirement puisqu’il lui fut interdit de s’exprimer en alsacien sous peine de représailles. "La République a donc effectué un nettoyage qu’aucun envahisseur n’avait opéré jusque-là", écrit-elle. Vingt ans plus tard, on s’aperçut de l’absurdité de ce diktat mais il était trop tard...
Certains écrivains et poètes, dont Simone Morgenthaler, nous permettent de renouer avec ce qu’il nous reste de l’inconscient collectif d’une langue qui nous traverse à l’instar de ce noyer enraciné dans la mémoire et le terroir de l’auteure.
Ce petit livre se dévore comme le Wàldbrot, le nom donné au pain qui passe la journée en forêt et qui offre "une saveur d’exception". Car si Simone Morgenthaler possède l’art de réenchanter sa langue maternelle, elle nous en offre des exemples empreints de poésie. C’est ainsi qu’elle nous confie que l’alsacien dispose de huit termes pour désigner le coquelicot ! Plàpperros se traduit par "rose qui papote", Pflàperros par "rose qui volète", Firblüem n’est autre qu’une "fleur de feu" !
L’on comprend dès lors que l’alsacien a partie liée avec la nature qui l’irrigue et l’inspire. Mais Simone Morgenthaler d’aller encore plus loin en démontrant que certains mots en alsacien ont une origine commune à l’anglais ou même au suédois ! Elle nous donne l’exemple du verbe to rise en anglais qui signifie tout comme le vocable risse en vieil alsacien se lever, s’élever...
Les racines s’entrecroisent, elles survivent dans d’autres langues, revivent en nous sous d’autres formes, renaissent parfois au hasard d’un poème... Et l’auteure d’affirmer qu’elle a l’impression " que les racines contiennent encore de la vie" et d’ajouter "Elles sont sous moi comme une litière bienveillante que j’imagine, que je brode et rebrode sans fin dans ma tête".
Les racines de l’arbre disparu ont laissé place à un petit livre essentiel où chaque bogue contient encore la saveur et la lumière d’un mot en alsacien qui renvoie au terroir en lui conférant un supplément d’âme.

Françoise Urban-Menninger



Livres du même auteur
et autres lectures...

Copyright e-litterature.net
toute reproduction ne peut se faire sans l'autorisation de l'auteur de la Note ET lien avec Exigence: Littérature

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Se connecter
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.


©e-litterature.net - ACCUEIL