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Playtime - J Tati (ou la fête selon Tati) - A.M. Berthoux
jeudi 12 novembre 2009 par Berthoux André-Michel

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Je ne suis pas tout à fait d'accord avec ton analyse de Playtime

Playtime, ou la fête selon Tati



Tati, dans Playtime, cherche à nous dire que malgré l'évolution vers laquelle se tourne notre société gadgétisée l'individu en trouvera toujours, involontairement, les failles. Il ne s'agit pas d'opposer un monde dont la « modernité » nous échapperait, à un univers traditionnel désormais révolu, mais bien de montrer que tout concourt à ce que l’individu, et ce quelque soit les circonstances, parviendra malgré tout à humaniser son espace de vie par son « instinct » indomptable à carnavaliser la société, d’en faire un monde de foire où les carrefours deviennent des manèges, les erreurs de construction et de décoration un prétexte à animer de manière anarchique un dîner qui semblait conventionnel.



Playtime


Le film distingue au début les catégories sociales apparemment très cloisonnées auxquelles appartiennent les différents protagonistes. La séquence au cours de laquelle les tics de l’homme au stylo dans la salle d’attente contrastent effectivement avec les hésitations du personnage de « Tati » - qui n’est plus ici véritablement Hulot, qui ne se présente pas comme tel, comme dans les Vacances... - et ses réactions apeurées au bruit que provoque le gonflement du fauteuil en est un exemple. Mais ces catégories vont peu à peu se dissoudre comme toute société y parvient dans ses périodes carnavalesques ; tout devient dès lors sujet à rire. Tati serait l’héritier de Jean Vigo. Dans Zéro de conduite, la bataille de polochon est l’aboutissement d’une microsociété qui renverse l’ordre établi et estompe jusque dans les moindres recoins les résidus d’une société hiérarchisée. Jean Vigo était un anarchiste donc le carnaval prend des allures de soulèvements politiques, mais ce qui demeure c’est cette effervescence, cette joie inextricable qu’ont les enfants à détruire par le jeu toutes les règles imposées par les adultes.



Zéro de conduite


Tati est plutôt un poète, un rêveur, donc les formes que prend la fête sont différentes (il y a chez lui, comme je l’ai dit plus haut, un côté involontaire dans son déclanchement) mais, au bout du compte, les préoccupations sont les mêmes. Le sens véritable de la fête a à voir avec ce monde de l’enfance ; non pas, qu’il faille regretter cette période, mais lorsque l’individu s’amuse et rit, il devient tel un enfant, aussi anarchique et incontrôlable. Quand l’être humain s’amuse et ce, même dans un monde où tout semble a priori l’en empêcher, alors la vie qui s’en dégage, ce bonheur que l’on ressent, cette simplicité dans l’amusement s’associent à la décomposition de ce qui avait rendu ce monde inhumain. Le coup de pied a été porté dans la fourmilière : la hiérarchie, l’organisation sociale, l’architecture aseptisée, la gadgétisation du monde, tout vole en éclats. Certes pour un moment seulement, le temps de la fête, le temps pour l’individu de se libérer de lui-même, de voir le monde comme un monde à l’envers.



Playtime


Le thème central du film est la soirée qui « dégénère » progressivement en fête incontrôlée. Il y a le moment qui précède cette réception durant lequel Tati nous montre le cadre rigide de la société moderne organisée, et celui qui lui succède au petit matin. Entre le premier moment et celui de la fin, il y a bien eu un changement (que l'on ressent nous autres spectateurs également). Ce changement bien réel de la perception du monde est dû à cette fête qui se libère au fur et à mesure de tous les carcans que la société préétablie lui imposait et que rien ne semblait pouvoir déconstruire. Tout le talent de Tati est de nous montrer que cette fête bien involontaire est concomitante de la décomposition du décor qui devait constituer le cadre d'une soirée conforme à ce qu'il suggérait. Le monde organisé ne peut résister à cet élan festif. Tout se déglingue, on constate la gêne que procure un pilier devant l'entrée, l'enseigne qui conduit un ivrogne à la party, le sol qui se dérobe, la musique qui s'emballe et devenant ainsi plus vivante, le service qui se désorganise, la déco qui s'écroule, et pourtant les gens s'amusent car les barrières sociales et culturelles s'estompent et bien justement Tati nous montre la capacité de la fête à humaniser des moments de vie. Pour qu’elle ait lieu, il faut que le monde se renverse.



André-Michel BERTHOUXJuin 2004

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Messages

  • Il est bien difficile d’attribuer au film de Jacques Tati, un thème unique, comme il est énoncé dans le message ci-dessus.

    Plusieurs raisons concourent à une interprétation beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît.
    D’une part l’unique version actuellement disponible du scénario écrit par Jacques Tati est le résultat d’une restauration, à partir d’éléments filmés. Des choix ont donc été opérés afin de donner, au montage définitif une cohérence de fond.

    Pour autant, ce film ouvre de nombreuses pistes, dont certaines d’entre elles restent simplement ouvertes, alors que d’autres seront approfondies :
    - le côté visionnaire et moderne de Tati suggéré par l’héroïne de la touriste américaine. Les standards imposés par une société globalisée, où les distances culturelles, géographiques se raccourcissent. ( Exemple de l’image publicitaire dupliquée, à la version Warhol, et qui vante les mérites des mégapoles internationales, personnalisées de façon normée selon une vision toute commerciale du tourisme de masse naissant ).
    - le discours caché del’architecture urbaine, où les parois de verres représentent l’illusion de la transparence, et où les lieux de pouvoir sont encore plus puissants et encore plus discrets.
    - le rôle imposé par les villes modernes ( reconstitution du quartier de la Défense, tout juste sorti de terre ) à ses habitants, dans la droite lignée de Sigmund Freud ( malaise dans la civilisation ). L’exemple de la gestuelle au salon présent au stand du mobilier domestique est tout à fait éclairant. Le geste marque la position exacte du rôle assigné au personnage. Le personnage en souffre-t-il ? On ne le sait pas, la régularité et le sourire imposé laisse entrevoir une impression de malaise, un petit peu comme si toute cette symphonie n’était pas harmonique .

    Bien sûr les blagues potaches, et le fil rouge de la fête sont présents dans ce film, mais ce ne sont que des occasions de suggérer davantage de pistes.

    - le trouble particulièrement saisissant laissé au début du film, où le spectateur est placé en position d’hésitation.
    La comparaison suggérée entre ces deux lieux d’enfermement que sont un hôpital et un aéroport est troublante et mystérieuse. Cette voie est laissée à la libre interprétaion de chacun, mais les lectures de Foucault sont largement complémentaires à ces scènes filmées.
    - le non sens circulatoire de fin, au départ de la touriste américaine, et laissant imaginer une suite à cette histoire d’amour, dans une autre ville aborde le thème moderne de l’infantilisation du consommateur. Le manège dans lequel le tour reprend, lors de la pièce glissée dans le parcmètre aborde sans l’effleurer le thème des flux de population, dans les villes.

    L’univers de ce film est vaste, le thème de la mixité sociale est bien sûr présent , mais le spectateur n’est pas dupe : chacun retrouve sa place, seules les lignes imposées par le rôle social bougent de façon involontaire, au détriment des personnages.

    Ce film est plus complexe qu’il n’y paraît, le temps, l’argent ont coupé le maître dans son élan, et tel un albatros privé de son envol il marche de façon maladroite. Cette maladresse est émouvante et rend ce film poétique, inclassable.

    Ces effeuillages nombreux de différents fruits offerts sur un plateau laissent un goût amer de frustration, tant l’argent et le temps ont manqué au grand maître.

    Hervé Galbrun

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