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L’Echappée belle, Anna Gavalda

Editions Le dilettante, 2009

mardi 10 novembre 2009 par Alice Granger

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C’est encore plus clair dans ce livre, Anna Gavalda est l’écrivaine de l’endogamie. Elle y excelle jusque dans les moindres détails ! Jusqu’à l’issue !

Voici une sœur qui se campe comme la vraie femme du frère ! Celui-ci, aux dires de l’écrivaine, fut un petit garçon qui savait si bien construire puzzle, etc. et était content de tout, bref il ne refoulait rien tout autour de ce rien ne manque.

Or, ce frère fait un choix très bizarre : celui d’une femme radicalement exogamique ! Elle se présente comme une intrusion acariâtre, ridiculisée par sa belle-sœur, dérangeant en vain le huis clos idyllique de l’endogamie. Mais cette « chieuse » est vraiment une énigme : le frère qui a désiré cette intrusion permanente a ainsi défini « sa » vie. « Sa » vie s’écarte radicalement de la vie familiale qu’on lui avait construite tout autour.

La sœur, bien sûr, en fait une affaire personnelle, de s’occuper de cette belle-sœur entrée dans le champ de l’endogamie. D’abord, elle lui cherche des circonstances atténuantes : la pauvre, c’est la faute à son enfance, elle est née au fin fond d’un bled, pas étonnant que ce ne soit pas une marrante. Bref, au départ la sensation d’un manque totale de familiarité entre elles est évidente. Mais la sœur, qui fantasme d’avoir le pouvoir de rendre conforme cette belle-sœur afin de l’offrir, comme un beau jouet de plus, à son frère, avance le coup de la séduction entre femmes, cette homosexualité féminine de fond : elle veut la prendre en stage chez elle, afin de la rectifier, la rééduquer, pour qu’elle devienne comme elle ! La vie privée de son frère la regarde elle, la sœur !

Or, cette belle-sœur exogamique si dérangeante, présentée comme totalement coincée, rigide, une mégère « chieuse », n’est pas rééducable : la femme du frère ne se laisse pas prendre en main par sa belle-sœur afin qu’elle soit comme elle, rendue conforme à l’image endogamique. La sœur du frère ne peut se la faire à son image. Elle préfère apparaître envers et contre toute comme la pas marrante, la coincée, celle qui, comme dirait Françoise Héritier, ne mélange pas les humeurs. Ce n’est pas elle qui s’épilerait les jambes dans le huis clos de la voiture, comme le fait cette sœur en présence de son frère.

Ce frère, bizarrement, impose envers et contre tout ce choix pas marrant, en apparence rigide et ridicule, qui met en question le huis clos endogamique. Sous le regard maternel de sa sœur, qui vérifie, attendrie, que son frère continue comme au temps de son enfance à lever le sourcil droit. S’ouvre le temps pendant lequel la et les sœurs peuvent s’en donner à cœur joie en attaquant par le ridicule cette belle-sœur, qui a besoin de se maquiller, alors que les sœurs sont natures, naturellement belles. Opposition entre ce qui est nature, marque de l’endogamie, et la belle-sœur hygiéniste comme si elle se méfiait des bonnes intentions de cette fratrie, comme si les ordures à éliminer étaient ces humeurs propres à l’inceste et à ne pas mélanger. Ainsi, cette belle-sœur n’irait jamais faire pipi dans l’herbe, comme les enfants le faisant ensemble. Elle ne baisserait jamais sa culotte en même temps que sa belle-sœur, à se faire plaisir avec elle avec le chatouillement des herbes sur la peau nue… La belle-sœur ne tombe jamais dans le piège de ces petits jeux sexuels au sein de la complicité glauque.

La sœur poursuit sa tentative de garder son frère sur le territoire de l’endogamie. Elle lui rappelle que c’est lui le héros de la famille. Ensuite, Anna Gavalda en dit plus : nous apprenons que l’idyllique endogamie entre frères et sœurs s’organise comme rempart contre l’effondrement de la matrice familiale provoqué par les disputes des parents puis leur divorce. Nous apprenons que Lola, la grande sœur, asticotait tout le temps ce frère héros de la famille, avec lequel elle faisait couple. Comme par hasard, ce frère se choisit une femme qui a aussi tendance à l’asticoter pour qu’il soit bien propre et convenable… Lola : une espèce de cheftaine cool. Lola n’est pas marrante, mais elle gâte aussi sa petite sœur, celle qui dit « je » dans ce livre. Elle devient sa meilleure amie. Il y a donc aussi cet axe de l’endogamie entre sœurs, la grande et la petite complices, l’aînée touchant de son pouvoir la plus jeune, glauque plaisir entre soi, nature. Puis le tableau idyllique d’une sorte de retour au lieu d’une grande maternelle, les enfants justifiant les réunions de famille. Ce mariage qui permet au clan de se ressouder.

Pourtant, ce frère héros de la famille tien bon : « sa » vie est exogamique ! Avec cette femme dont il dit que, lorsqu’ils sont seuls, elle est différente. Comme si elle n’apparaissait chieuse et rigide que dans une confrontation ironique avec sa belle-sœur, ne perdant cette bataille que dans le but stratégique de gagner la guerre… Qui est l’écriture de l’interdit de l’inceste ! Anna Gavalda a très bien su écrire cela ! La femme exogamique y a échappé belle !

Alice Granger Guitard



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