dimanche 6 août 2006 par Maximine
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Humeur Rilkieenne
Ce besoin (manie d'érudits? manque d'auteurs? espoirs de ventes?) de dénicher le moindre écrit non publié des "grands" pour le publier avec le gros bandeau rouge "INEDIT DE"...
Ici, Rilke ( Serpents d'argent, éd.Desjonquères, 2006). La belle idée, c'est d'avoir placé dans un médaillon de couverture, le détail essentiel du tableau de Klimt, le baiser du Baiser. De fait, on retrouve dans la plupart de ces 13 nouvelles, presque toutes histoires de femmes, ce qui fera quelques vers de la seconde ELEGIE, évoquant les amants :
("Et pourtant... Une fois passées la peur
des premiers regards,
la longue attente à la fenêtre,
la première promenade, la toute première,
dans le jardin :
êtes- vous encore des amants?)Quand vous vous offrez vos lèvres pour y boire,
- soif contre soif-,
ô comme celui qui boit, étrangement,
s'absente de son geste" *!
...
Tout est dit. Je n'ose affirmer péremptoirement qu'il est inutile d'avoir la confirmation, dans ces récits dichotomiques, extrêmement exclamatifs, d'un jeune Rainer déchiré entre montée vers l'Idéal rêvé et chute vers le Spleen du réel : je me demande seulement si c'était indispensable. Ce n'est pas là politesse jésuistique. Je me suis précipitée pour acheter... et me suis dit que j'aurais pu m'en dispenser.
Je n'ai, évidemment, pas le texte allemand. Je note seulement que dans "Le dimanche dont rêvait Babette", l'adjectif "petite" (et elle sont pâles, et elles sont pauvres...) revient 5 fois dès la première page (3/4 de page, p. 103), et encore, après... Laissons à de plus mesquins le soin de compter et de vérifier si "klein" revient autant en allemand. Si c'est Rilke... Si c'est la traduction... On retrouve la question : était-ce la peine, tant de recherches, tant de travail?
Certes, on pressent déjà (parce qu'on le sait!) la grisaille des capitales, le clinquant des mondanités, les miroirs qui voient nos vies...
Certes, dès que Rilke évoque la Bien-aimée, la Mort, la Nuit, l'Enfance... "ses" grands couplets, son élément, on trouve de beaux passages ( "Requiem" est judicieusement en "finale") :
"... Et la voix a toujours une profonde intonation printanière, le rire a le tintement argenté des galets du torrent dans les lieux déserts."
...
"... et les cyprès dont la rangée inaccoutumée bordait le chemin semblaient des moines fourbus sous leurs grands capuchons, pourtant sur leurs épaules noires le cercueil où gisait le jour mort. En ces heures..."
...
"Un frêle pont mène de l'enfance à la vie."
...
Bon... A re-savourer quelques phrases de cette eau Rilke**, je me dis que cela valait peut-être la peine. Rien n'est si simple.
MAXIMINE (Lagier-Durand)
6-08-2006
* Mal élevée pour mal élevée, je m'auto-cite comme traductrice! (Actes Sud, réédité en collection Babel-poche)
** A noter : festival RILKE, 18-20 août, à Sierre. Voir http://www.festivalrilke.ch/pages/fr/
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