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In the mood for love
dimanche 22 mai 2005 par Yvette Reynaud-Kherlakian

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In the mood of love ou Racine à Hong-Kong

M’enchante le fait qu’un cinéma - et d’aujourd’hui et d’ailleurs - retrouve dans l’image et son mouvement quelque chose de l’exigence racinienne de pureté formelle. Ainsi le film In the mood for love est une version hong-kongaise -mais façon Bérénice - de l’amour impossible. Ici, ce n’est pas la raison d’Etat qui sépare ceux qui s’aiment mais une exigence morale et esthétique tout aussi forte : que les époux trompés par leurs conjoints respectifs deviennent amants ne pourrait être qu’une indigne caricature de l’amour...

Dans la tragédie racinienne, la situation est clairement analysable et le langage tend à résorber la pulsion charnelle dans l’intensité - avouable - du sentiment. Lors des rencontres -fortuites ou concertées - de madame Chan et de monsieur Chow, c’est la proximité des corps (celle, moite et opaque, des amants complices, et la leur, balbutiante) qui les isole dans l’inanité de leur désir... Le théâtre est d’abord un art du langage, le cinéma un art de l’image...

Mais Dieu qu’elle est belle, cette Bérénice-là, avec son élégance exacte de parfaite secrétaire ! Pur visage quasi hiératique entre coiffure sculptée et cou gainé d’un haut col fleuri, robe aux impressions douces, taillée sans un pli selon les lignes glissantes de la silhouette, jambes flexibles accordées à l’équilibre fragile des talons hauts, elle dévide ses pas dans le huis clos du couloir ou de l’escalier du logis communautaire et sécrète partout -au bureau, au restaurant, dans la rue - l’évidence intemporelle de sa solitude et de sa nostalgie. Et monsieur Chow la regarde et la respire, lui qui n’est qu’un écrivain tâtonnant, comme Titus regarde et respire Bérénice au moment de la quitter. Les images assourdies de la pudeur asiatique font écho à la plainte racinienne ramassée dans les battements du temps - un temps à jamais vide :

Et que le jour commence et que le jour finisse
Sans que jamais Titus puisse voir Bérénice...

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Messages

  • En lisant ce papier sur le film de Wong Kar Wai le plus connu en France, je serais vivement curieux de savoir si tu as vu l’un des 2 films suivants ?

    * Lust, Caution (Se jie), 2007.

    C’est le premier film d’Ang Lee (Brokeback Mountain...) en Chine. Ici aussi la raison d’État, sensée passer avant tout, est rattrapée par le désir et autres émotions humaines.
    Le jeux d’acteur (notamment l’actrice principale Tang Wei) et l’esthéticque atteignent des sommets. Comme dans In the mood for love je crois, l’émotion est interdite, ce qui aboutit à, je cite un spectateur "a total lack of compassion, spontaniety and joy."

    * Chungking Express (Chung Hing sam lam), 1994

    De Wong Kar Wai avec Brigitte Lin, Tony Leung Chiu Wai, Faye Wong, Takeshi Kaneshiro. Troisième film de Wong Kar Wai, avec une esthétique impressioniste et une athmosphère époustouflantes et, je cite à nouveau "a beautiful movie that places two fingers right on the throbbing pulse of what it means to be lovesick" (un très beau film qui met le doigt directement sur le pouls battant de que signifie languir d’amour). Autrement un "In the mood for love" original et moins engoncé à mon goût que le "remake" de 2004.

    PS : une bonne petite filmographie de Wong Kar Wai en français

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