L’absolue perfection du crime, Tanguy Viel

Les Editions de Minuit, 2001

 

Dans L’absolue perfection du crime, le narrateur, Pierre, se retrouve embarqué dans une folle entreprise: le braquage du casino d’une ville portuaire la nuit du 31 décembre, alors que tout le monde réveillonne. Pourtant, le pauvre homme n’aspire qu’à retrouver la douce quiétude de la liberté après un séjour en prison lié à différents larcins. C’est donc «à l’insu de son plein gré», pour reprendre une formule des Guignols devenue célèbre, qu’il va reprendre du service. Avec Andrei, Pierre fait partie d’une bande de truands de pacotille («la famille»), menée par l’«oncle», un parrain local, et Marin, un leader égoïste que tous suivent par faiblesse et lâcheté. D’une naïveté confondante, les pieds nickelés comptent réaliser un ultime hold-up, celui qui les conduira à la richesse sans se faire prendre. Ils visent l’absolue perfection du crime, pour reprendre le titre du roman. On s’en doute, les gangsters d’opérette fonceront tête baissée dans l’aventure et... échoueront lamentablement. Le bide était programmé. Peu avant le jour J, Pierre ne déclarait-il pas, avec une once de cynisme: «Tant qu’à faire, on n’a qu’à se déguiser en bagnards [lors de l’opération]». L’ensemble de la bande de bras cassés retournera derrière les barreaux, à la notable exception de Marin qui parviendra à prendre la fuite avec une partie du magot. Dès lors, Pierre rongera son frein en prison, trépignant d’impatience de pouvoir se venger de tous ceux qui ont trahi les valeurs de la «famille».

 

Au-delà de l’intrigue relativement classique et de l’art du suspense bien maîtrisé, L’Absolue perfection du crime, troisième roman de Tanguy Viel paru en 2001, vaut la lecture pour l’originalité de son style. L’auteur breton s’est en effet livré à un impressionnant travail de recyclage de codes et d’images, à travers la description minutieuse du casse d’un casino, acte romantique par excellence qui a fourni au cinéma moult scénarios célèbres. Le roman, découpé à la manière de séquences cinématographiques, n’est pas sans rappeler les films de série B des années 50.

 

Même si on imagine très rapidement que le braquage est voué à l’échec, le lecteur est tenu en haleine grâce à un récit d’une rare fluidité, une langue épurée et un usage astucieux des flash back. Tanguy Viel parvient à maintenir une tension grâce à la reproduction précise des pensées et des réactions des protagonistes. Les dialogues sont rares, tout se joue dans la psychologie et des regards lourds de sens. L’Absolue perfection du crime parvient qui plus est à faire ressortir avec beaucoup de finesse le poids de la fatalité, laquelle empêche les «héros» de sortir du rôle qui leur est attribué.

 

Un délice stylistique !

 

Florent Cosandey, 31 mars 2009