N’oubliez pas de vivre - Thibaut de Saint Pol

Albin Michel

vendredi 1er avril 2005 par penvins

Ni cet excès d’honneur ni cette indignité.

Suite aux conseils d’une internaute, j’ai lu le roman de Thibaut de Saint Pol : Est-ce un mauvais roman, non, c’est un roman plutôt bien écrit ? Est-ce un roman intéressant ? A chacun de le dire bien sûr et il est évident qu’il intéresse les anciens élèves des prépas, il n’y a qu’à lire ce qui se passe sur le forum même de ce site, mais il faut se demander ce qui en fait l’intérêt et là…

Mon premier critère pour juger d’un roman reste son exigence (sens 2 du Petit Robert : Ce que l’être humain réclame impérativement comme nécessaire à la satisfaction de ses besoins, de ses désirs, de ses aspirations). Qu’est-ce qui s’est imposé à l’auteur pour qu’il ne puisse pas ne pas écrire cet ouvrage ? Il y a peut-être une réponse mais même celle-là n’est pas certaine. J’ai eu plutôt l’impression en lisant ce roman qu’il s’agissait d’un devoir parfaitement maîtrisé. Rien d’étonnant à cela bien sûr, l’auteur a été à bonne école ! Ce qui me gène c’est justement qu’il n’a pas su s’en dégager contrairement aux apparences. Il n’y a de sa part aucune véritable analyse, aucune vraie révolte, bien au contraire, il n’y a aucune recherche, le roman est écrit avant d’être écrit, je veux dire que tout est dans le scénario, l’écriture à la deuxième personne n’est qu’un choix, parfaitement justifié bien sûr, mais qui n’apporte rien de nouveau à la littérature. C’est à tel point que l’éditeur parle de roman d’apprentissage comme pour prévenir qu’il ne s’agit que d’un exercice de style.

Bien entendu il s’agit d’un tout autre roman d’apprentissage : La demeure maternelle est désormais lointaine, et pour toujours. Ce que découvre le jeune homme dans cet internat, c’est une amitié particulière. Malheureusement si les allusions sont nombreuses il faut attendre la dernière phrase du livre pour en entendre la complète révélation : Et vous l’aimez encore, je l’avoue. Très rapidement on comprend ce que signifie cette amitié : Vous pourriez faire ce que vous voulez de lui… Mais vous n’en avez pas le temps. Il est beaucoup moins saoul qu’il ne le paraissait… C’est lui qui agit. On est au début du roman (page 81). Alors pourquoi le vrai sujet du roman n’est-il jamais affronté ? Bien pire pourquoi le lecteur est-il prié de ne pas entendre ce qui est en train de se dire. L’écriture à la deuxième personne devrait impliquer le lecteur, or on lui interdit toute interprétation sexuelle en caricaturant les examinateurs ou les professeurs qui savent reconnaître les métaphores dictées par l’inconscient.

On est quand même en droit de penser qu’une première expérience homosexuelle même platonique - ce que les mots démentent : Vous allez chercher du réconfort auprès de Quentin. […] Alors le wagon de chair déraille. par exemple - et qui se termine par un suicide [1] cause plus de trouble que ce qui nous en est rapporté monsieur de Saint Pol. Quand on écrit après Montherlant, après Genet, après Gide tous auteurs qui sont ici cités, on ne peut pas se contenter d’effleurer le sujet. C’est quand même une curieuse écriture que celle-ci qui consiste à focaliser l’attention sur un faux problème : la soi disant cruauté des classes préparatoires, pour ne pas dire ou dire seulement du bout des lèvres ce qui vous est réellement arrivé, à vous.

J’ai envie de dire : sujet non traité, vous reviendrez l’année prochaine. Mais ici tout se termine bien, le héros est admis à l’ENS, Que dire de plus ? Cette vie de joies intellectuelles… Quel plaisir ! Ces nuits blanches… Quel délice ! Ce jeune éphèbe… Oui, vous l’avez aimé. Et vous l’aimez encore, je l’avoue.

Alors que vous venez de nous dire que ce jeune éphèbe aurait été reçu premier et que, vous, le dernier de la promo, sans son suicide vous n’entriez pas à l’ENS, n’est-ce pas un peu léger tout ça monsieur de Saint Pol ? Un peu factice.

Penvins


[1Ceux qui auraient préféré que je garde le suspens me pardonneront, je leur fait gagner du temps : n’est-ce pas toujours à la deuxième lecture, quand on connaît l’histoire, que l’on commence à découvrir un texte vraiment littéraire ?



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