mardi 1er décembre 2009 par penvins
Ca se lit comme un polar, publié en 1967 c’est le dernier roman publié de Pierre Molaine, prix Renaudot 1950 avec Les Orgues de l’enfer. Composé en trois parties la première est consacrée à la drôle de Guerre - 1939, la seconde à l’année 1943, la dernière à l’année 1944. Le roman est une évocation de la guerre telle que l’a vécue l’auteur et l’on y retrouve les personnages connus qu’il a croisés, notamment dans la première partie le colonel de Gaulle qui commande les chars des Armées et vient régulièrement inspecter l’unité de réparation dont s’occupe le lieutenant Lambda (Molaine) sous les ordres du capitaine Matard. La drôle de Guerre est décrite avec humour et l’état d’impréparation des troupes françaises souligné avec force détails. On le savait, mais de voir cette unité de chars dont plus de la moitié sont hors d’usage et irréparables faute de pièces détachées on en reste stupéfaits.
A propos de ce roman on pourrait parler de baptême du sang, la première partie voit la désillusion de l’impréparation de l’armée française : à la question de Lambda qu’est ce qui n’est pas dévalué ? le colonel de Gaulle répond : le sang, dans la seconde partie Lambda se rend compte qu’il ne peut pas échapper à la nécessité de tuer, il faut se résigner à entrer dans la guerre, à jouer un double jeu avec l’ennemi, à se débarrasser des traîtres devenus dangereux, malheureusement cela ne se fait pas sans bavure. La troisième partie voit des personnages désormais habitués à la mort, ripailler devant trois pendus. Il y a d’un côté Lambda et Moravec qui ont accepté les lois de la guerre et de l’autre le lieutenant-colonel retraité Matard resté attaché à ce qu’on l’appelât par son grade. D’un côté le pragmatisme militaire, de l’autre les vieilles valeurs.
Mais peut-être plus que la mort ce qui est raconté ici c’est le désenchantement. L’impréparation de l’armée française n’est sans doute que l’image de celle du lieutenant Lambda. D’où cette formidable désillusion quand il se rendra compte de ce qu’est véritablement la guerre et la façon dont Pierre Molaine mène son récit sans jamais rien prendre au sérieux. La seconde partie avec ses rebondissements à répétitions est une sorte de gag, la troisième où l’on voit les trois protagonistes s’offrir un dîner pantagruélique devant les trois pendus m’a parfois fait penser à San Antonio plus qu’à Rabelais. J’ai vieilli et nous avons perdu la guerre, dis-je. Mes armoiries sont décolorées constate le lieutenant Lambda. Et c’est comme s’il valait mieux en rire.
S’il y a un absurde chez Molaine il se dissout dans la dérision, Lambda n’a jamais vraiment apprécié Matard, nous ne savons pas ce qu’il pensera de sa fin mais quant à lui nous voyons bien qu’il n’a pas choisi celle-là. Il y a chez Molaine un amour des hommes qui lui fait prendre soin de leur confort lorsqu’il est à leur tête, qui lui fait également dire de miliciens qu’au fond ce ne sont pas de mauvais bougres et contrairement à ce que dit de Lambda le colonel Matard, ce dernier continue d’aimer la vie, il a résolu de suivre Moravec mais c’est à contre cœur, par réalisme.
L’écriture est très riche. Bien sûr aujourd’hui on écrirait tout autrement mais en dépit de cette langue qui de nos jours serait précieuse, on ne s’ennuie pas une seconde, chacune des parties se lit d’un bloc, de rebondissements en rebondissements jusqu’à la dernière ligne.
Après 68 l’humanisme n’avait plus cours, Pierre Molaine n’a plus publié mais il a continué d’écrire, les éditions Traboules s’emploient à faire paraître ses romans inédits.
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