Edito
vendredi 15 août 2008 par penvins

La littérature que nous avons décidé de soutenir est une littérature « exigée ». C’est là l’un des sens d’Exigence : Littérature. Une littérature qui s’impose à son auteur, qui parle d’une manière ou d’une autre de ce qui lui est essentiel, de ce qui lui remue les tripes et le fait réagir, du plus profond de l’être, de ce qui se passe dans sa vie quotidienne au-dessous de la ligne de partage du conscient et de l’inconscient, de ce qui embarrasse ou réjouit ses relations à l’autre. Ainsi parler de soi c’est forcément parler de ses proches mais non pas en parler à la surface des choses mais bien au contraire dans l’indicible, l’imprononçable, ce que le langage ordinaire se refuse à dire et qui exige la métaphore, le déplacement, la reconstruction pour pouvoir espérer être entendu.

Ce travail littéraire s’il permet à l’auteur d’évoquer ce qui lui tient le plus à cœur, ne lui permet pas, dans la mesure où il s’y implique totalement, d’échapper au regard de ceux qui le connaissent le mieux, ses proches.

Pour évoquer des cas qui parleront peut-être à nos lecteurs citons quelques ouvrages : Carte Joker [Alitheia/Franz], Un devoir [Jean-Paul/Lou/Eleonore], Vahé le Gaulois [Yolande/Vahé] , et enfin S’en fout la vie où Jacques d’Arribehaude évoque largement ses relations avec sa femme et sa fille d’adoption.

Les proches dans tous ces ouvrages sont pris à partie et bien entendu ne peuvent pas tous répondre. Pour prendre un autre exemple, ce n’est pas parce que la mère de Houellebecq se répand dans la presse qu’elle apporte une réponse à son fils. Sa réponse n’est pas à la hauteur, elle n’atteint pas son but puisqu’elle reste de ce côté-ci du conscient, bien au contraire elle ne peut qu’aggraver le mal-entendu.

Jacques d’Arribehaude rapporte que Céline disait que si l’on se soucie des réactions de ses proches dans le "rendu émotif" que l’on estime juste et vrai, on n’écrirait jamais. Il faut donc passer outre. Mais lorsque vient le moment de publier, les réactions sont là parfois violentes de ceux qui ne peuvent se défendre sur le terrain de la littérature. C’est la raison pour laquelle – et nous le regrettons - Jacques d’Arribehaude a préféré retirer son livre de la vente. Forme d’auto-censure, mais au moins le livre existe, il existe pour ceux qui l’ont déjà acheté, il existe surtout pour les générations à venir.

J’aurais pu aussi parler du Thérèse, mon amour de Julia Kristeva, on voit bien ici que le principal concerné est en mesure de répondre. On voit surtout que la littérature est revenue sur le terrain de l’intime, virage déjà ancien dont je dirais qu’Angot fut l’annonciatrice et qui balaye pour un temps cette littérature formaliste qui fut en vogue au milieu du siècle dernier.

Espérons simplement que ce nouvel ancrage humaniste débouchera sur une littérature provocatrice, débarrassée de ses hontes, une littérature qui s’exprime non plus simplement au titre de l’intime individuel mais au titre de ce que j’appellerais l’intime collectif, une littérature qui dise l’indicible, le non socialement correct alors que l’on voit notre société s’enfoncer de plus en plus dans la bienséance, le soi-disant raisonnable et le sur-moi triomphant.

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