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Le Grand Meaulnes - Alain-Fournier
dimanche 31 janvier 2010 par penvins

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Ce qui rend ce roman si intéressant c’est qu’il marque non seulement le passage de l’enfance à l’état adulte mais surtout le passage d’une société d’ordre où règnent en maîtres le pater familias et l’instituteur à une société d’aventure symbolisée par les bohémiens voleurs de poules. Mais en même temps ce passage au forceps ! c’est d’ailleurs ainsi que naîtra la fille de Meaulnes, ne peut se faire sans une dernière concession au XIXe siècle et au romantisme. Il y a bien sûr cette étrange fête comme la nomme le narrateur, il y a l’Allemagne [romantique] pays de destination de Frantz et des comédiens, il y a surtout cette fascination pour la mort et tout particulièrement celle de l’héroïne Yvonne de Galais que Meaulnes aura rencontrée sur l’eau telle une Ophélie. C’est bien sûr cette dernière, avec la mort prématurée de l’auteur au tout début de la guerre de 14, qui aura fait du Grand Meaulnes un roman si important. On en aura fait une sorte de prémonition or il ne s’agit pas du tout de cela mais bien au contraire d’une fascination qui aura traversé tout le XIXe siècle pour trouver son aboutissement dans les deux guerres mondiales.

Frantz est un enfant qui n’a pas de père, ou plutôt s’il en a un ce dernier ne joue pas son rôle, cède à tous ses caprices et ne met aucune barrière entre le rêve – le monde paradisiaque – et la réalité. On voit bien à quel point Meaulnes qui vit seul avec sa mère est, lui aussi, fasciné par ce monde romantique. C’est même ce qui caractérise Meaulnes, ce besoin de partir à l’aventure avec le souci de revenir prendre sa place dans la famille. Meaulnes a perpétuellement ce comportement de fuite, il cherche à échapper au monde des adultes auquel la société le destine pour s’inventer un univers onirique. La découverte de la fête est apparemment fortuite, mais elle résulte bien d’une fuite, Meaulnes n’était pas destiné à aller chercher les grands-parents de François, il décide seul contre l’avis de M Seurel - du maître - de partir à leur rencontre. C’est bien de cela qu’il s’agit, d’une désobéissance et quand il sera de retour l’attitude du maître qui fait comme si rien ne s’était passé sera sans doute encore plus culpabilisante que s’il avait été puni.

Augustin Meaulnes ne peut atteindre son rêve sans culpabilité d’où sans doute cette fascination pour la mort. La sortie du XIXe siècle est à ce prix, elle se fera à travers l’horreur des tranchées [et comme cela ne suffira pas, à travers celle des camps d’extermination - des juifs bien sûr, mais aussi des bohémiens !]. Pour Meaulnes le passage à l’âge adulte, ce mariage aboutissement du rêve adolescent d’un amour pur ne peut se faire tant que subsiste la possibilité qu’il ait envoyé la fiancée de Frantz dans le monde bien réel de la prostitution. Cette culpabilité entraîne la punition, celle de la mort de la bien aimée, en même temps cette mort ne pas devient-elle pas la solution absolue, le retour vers un monde maternel devient impossible, l’Oedipe irréalisable. Comme si tout le XIXe siècle en se passionnant pour la mort n’avait cherché que cela, en finir avec son désir d’échapper au père et à ce monde de plus en plus normatif qui était en train de s’installer – ici bien évidemment symbolisé par M Seurel auquel Meaulnes tient tête.

Ce passage c’est aussi, ce devrait être aussi, celui de la fin du monde paysan. Le père de Frantz avait donné pour consigne d’inviter à la fête moitié paysans, moitié parisiens. Meaulnes poursuit sa quête d’Yvonne de Galais à Paris et bien sûr il y a cette hostilité entre Meaulnes et les paysans du village. Pourtant Meaulnes reviendra aux Sablonnières comme si l’heure n’était pas encore venue de l’urbanisation. Ce roman reste un roman du XIXe siècle sa pensée est plus proche de celle de Proust que de celle de Flaubert et s’il parle si fortement aux plus âgés d’entre nous c’est sans doute parce que nous avons connu ces préaux d’école et ce maître qui ont aujourd’hui disparu. Qu’en sera-t-il dans une génération ? La nostalgie n’aura plus cours bien sûr, mais il restera ce témoignage d’un monde en basculement. Ce formidable témoignage du dernier des romantiques.



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