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Cinéma ! De salle en salle, de film en film...
dimanche 4 janvier 2009 par Serge Uleski

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Le cinéma ! Celui qui... jamais ne cessera de hanter nos mémoires... sons, images, voix, musiques, lieux, acteurs, réalisateurs, auteurs, scénaristes, compositeurs, décorateurs, monteurs... le plus souvent monteuses, chefs opérateurs, producteurs...


Le cinéma ! Celui de demain aussi, encore à naître... déjà perdu pour tout le monde... films morts-nés de scénaristes et de réalisateurs reconnus et ignorés... dont les scénarios dorment à jamais au fond de tiroirs couverts de poussière et dans l’imaginaire de ces mêmes auteurs, réalisateurs, cinéastes et producteurs...


Et c’est alors qu’on pensera à un FILM : un film unique qui réunirait tous les films en un clin d‘oeil et en un tour de main, pelle mêle, en vrac, ... pour mieux les retenir tous... et que jamais on n'en soit séparé et qu'on ne les oublie...


Melleville met en scène un dénommé Jeff Costello sur une musique incomparable de François de Roubaix pour accompagner la solitude et le destin funeste d’un Samouraï aussi seul qu’un tigre dans la jungle en la personne de Alain Delon ; un Delon dirigé au cordeau, tenu en laisse par un Melville au somment de son Art ; un Delon à son meilleur juste avant qu’il ne soit définitivement perdu pour le cinéma quelques années plus tard (en effet, sur les tournages, il a commencé à froncer les sourcils, à perdre son sourire, pour finir producteur, et là... mon dieu ...là...)


Quarante ans plus tôt, à l’aube du cinéma parlant, Peter Lorre alias M le maudit, parti à la rencontre du rôle de sa vie, confessera dans une langue allemande déjà terrifiante, la malédiction qui l’habite et qui fait de lui un infanticide. brandissant des mains coupables, suppliant à genoux dans la poussière d’un sous-sol investi par la pègre que composent des juges et des bourreaux tout aussi criminels.


C’est Fritz Lang qui tire sa révérence avant de quitter son pays et l’Europe.


La symphonie du compositeur Henri Dutilleux ne sera pas en reste dans Sous le soleil de Satan et l’ombre de Bernanos non plus, étendue à Maurice Pialat jusqu’au cri de Mouchette qui trouvera sa résolution dans une église et son hôtel, au son d’un orgue, le spectateur basculant en une fraction de seconde de l’humain au divin! Un vrai miracle dont seul le cinéma est capable.


Qui oubliera le regard de Marie surnommée Casque d’Or, yeux écarquillés à la vue de son amant condamné à mort, le jour de son exécution, une fois l’aube venu ? Elle aura veillé toute la nuit ; le regard effaré, sa tête tombera avec celle de Serge Reggiani, alias Manda, lui, sous la guillotine. elle, sous le désespoir. Ecrasée, fantôme de la vie, désormais, cette Marie restée fidèle jusque dans la folie de ce spectacle morbide.


Après l’aube, l’Aurore : celle de Murnau et son petit bout de femme, Janet Gaynor, en pleurs, tête baissée, désirant ne plus exister pour personne, tapie au fond d‘une embarcation précaire, après la tentative d’assassinat par noyade de son mari.


Et sur une musique de Moravioff, digne du plus beau des cauchemars, cordes et piano, nouvelle figure inoubliable du cinéma, fluette et aristocratique, tantôt menaçante avec ses ongles des doigts aussi aiguisés que des lames de couteaux, souvent comique, cette figure ambivalente qui se déplace avec son cercueil sous le bras, Nosferatu boira jusqu‘au chant du coq et jusqu’à la lie sa mort certaine sans toutefois épargner sa dernière proie et victime sacrificielle.



Né coupable et déjà jugé, condamné mais.. inoubliable, Anthony Perkins sera les larmes de Kafka, les violons Albinoni, et l’orgue... sa voix quand elle murmure. Il lui arrivera encore de sourire mais d’un sourire d’une ironie et d’une lassitude infinies dans le Procès d’un Welles scrupuleux ; et si on a tronqué le couteau pour une bombe, et pas n’importe laquelle, celle d’Hiroshima, personne ne s’en plaindra pas même Joseph K jusqu’à son dernier éclat de rire qui nous conduira sans transition jusqu’à don Quichotte et Sancho Panza qui à leur tour crèveront l’écran, au prise avec une qualité d’image désolante, les bobines ayant été conservées dans de conditions déplorables. Pensez donc ! Aucun des protagonistes, réalisateur et acteurs ne verra ce film monté. Il le sera bien des années plus tard, en hommage à son créateur Orson Welles...



Le Cinéma ! De film en film, de salle en salle...


C’est au tour de Nicolas Roeg et de son injonction Don’t look now qu’on aurait assurément tort de prendre à la lettre car, il nous faudra bien finir par le regarder ce film avec le concours de Daphne du Maurier. Un film parfait, sans précédent dans la filmographie du cinéaste et sans lendemain non plus et sur lequel on pourra sans fin se retourner même si le réalisateur nous le déconseille fortement.


Mais... voyez ! C’est déjà le couple dans Venise et Venise qui habite ce couple indissociable et inséparable, perdu l’un pour l’autre et pour leur malheur, par avance condamné tout comme cette ville livrée à la pollution et à la décrépitude.


Jackie Brown, c’est Pam Grier ou vice versa, superbe silhouette se déplaçant pour notre plus grand bonheur au rythme d’un “Street life” chanté par Randy Crawford... peu avant un échange qui fera d’elle une millionnaire et de Tarantino, un réalisateur subtile, intelligent et compassionnel,


Jean Cocteau, fragile et précieux, aujourd’hui unique et irremplaçable, finira après une longue carrière par livrer son Testament au cinéma , empruntant Orphée à sa mythologie. On chavire très vite pour ce concerto pour violon de Bach, et pour cet homme, superbe à 70 ans, marchant le long d’une route où même les centaures sont les bienvenus quelque part dans les Baux de Provence pour un film à la craie sur un tableau en noir et blanc.



C’est la voix de Michel Simon qui résonne maintenant...


Un Michel Simon qui s’apprête à servir respectivement Renoir et Vigo dans La chienne, Boudu sauvé des eaux et L’Atalante. Ce corps indéfinissable, sans fin, sans contour, qui se meut et écrit une partie de l’histoire du cinéma, sans grâce mais sans disgrâce aucune ce corps de Michel Simon qui n’est pas au monde ; il est ailleurs ce corps tantôt trop lourd, tantôt trop grand, décidément encombrant, tout comme ce visage sans âge, hors du commun, aux contours et aux traits indéfinissables ; Michel Simon c’est un corps et un visage qui ne se voit pas eux-mêmes, absents, invisibles à son propre squelette.


Annie Girardot, belle de jour comme de nuit, née pour jouer, apportera le chaos dans la famille de Rocco et ses frères alors que Visconti n’a d’yeux que pour Alain Delon langoureusement étendu sur son lit, torse nu ; plan furtif qui en dira long sur le regard qu’un réalisateur est capable de porter, par le truchement de la caméra, sur un acteur.


Minnelli vient nous subjuguer avec son The Band Wagon ou Tous en scène, convoquant un nouveau Fred Astaire, toujours aérien certes mais... sans Ginger Rogers, car, le temps a passé et nous sommes en 1953 ; métamorphosé notre danseur dans une chorégraphie de détective et de voyou.


Est-ce l‘influence de. Gene Kelly, danseur et chorégraphe tout à la fois au corps résolument terrien qui épouse les éléments urbains jusqu’à les absorbés et les intégrer à toutes ses chorégraphies ; et Cyd Charisse n’est pas loin, toujours là, prête à servir nos deux compères.


La voix de Kelly n’aura rien à envier à personne, même sous la pluie, dans les mélodies de Arthur Freed, auteur et production, et de son complice mélodiste, Nacio Herb Brown écrites et composées dans les années 20 et 30 mais... transposées vingt ans plus tard.


Ecoutez encore ! C’est Gene Kelly entonne un “You were meant for me” à une Debbie Reynolds qui à 17 ans n’en croit pas ses oreilles et ses yeux.


Avec Blow-up, Antonioni et son personnage, photographe professionnel David Hennings alias Thomas, mettront à mal notre capacité à ne jamais douter même et surtout d’une réalité irréfutable, agrandissement après agrandissement d’un horizon aux confins du doute, du possible et de l’impossible jusque dans les dernières secondes du film lorsque le regard de David Hennings disparaît, là, sous nos yeux, désormais absent et comme tourné vers l’intérieur, définitivement absorbé par une révélation qui s‘avérera salvatrice.


Et alors que se joue à proximité une partie de tennis sans raquettes ni balle, mimée par deux joyeux drilles entourés de gais lurons, cette partie de tennis fantôme, à l’origine de la révélation qui frappe soudain notre personnage, sauvera notre photographe des angoisses de ne plus et de ne jamais pouvoir partager avec quiconque la vue, d’aucuns parleront de “vision“, de ce corps sans vie découvert étendu dans un parc au pied d‘un buisson, assassiné par balle et dont il ne reste au petit matin plus aucune trace.


L’impossibilité de partager cette découverte et le risque d’un enfermement dans une incommunicabilité psychiquement dommageable, cette partie de tennis et la participation active de notre photographe annuleront ce risque puisque notre photographe prendra une décision capitale : celle qui consiste à retourner aux deux mimes qui la lui réclame, une balle invisible sortie du cours ; décision qui lui fera prendre conscience de l’existence d’une possibilité jusque là insoupçonnée : ce qui est peut très bien ne pas avoir été.


Cette partie de tennis fantôme auquelle il a prêté son concours comme par inadvertance, lui offre maintenant tout le loisir de choisir une autre réalité qui n’aura besoin de l’assentiment de personne : non ! Ce corps sans vie découvert étendu dans un parc au pied d‘un buisson n’a jamais été, tout comme cette partie de tennis sans balle ni raquettes qui pourtant a bien lieu alors qu‘aucune des conditions ne sont réunies pour qu‘il en soit question dans la réalité car, si ce qui est peut très bien ne pas être ni avoir été, de même, ce qui n’est pas et n’a jamais été peut très bien être et avoir été.


Antonioni prend là quelques risques avec la raison en nous suggérant que toutes les réalités se valent pour peu que l‘on y croit...


Tout comme Chabrol lorsqu’il quitte son air goguenard et sa paresse, pour nous inviter à une Cérémonie qui restera le film français le plus courageux de sa décennie, sinon le seul depuis plus de trente ans d’une production française lâche, paresseuse et veule, Deux femmes et deux mondes irréconciliables. D’un côté l’amour, l’éducation, l’argent, l’instruction, la Culture et de l’autre : le dénuement le plus complet.


Alors, oui ! Chabrol a bien fait de nous la proposer et de nous y inviter tous à cette cérémonie que Mozart, sans l’aide de son requiem, saura magnifiquement ponctuer. L’opéra n’a pas perdu tous ses charmes finalement.


Dreyer nous plonge dans un Jour de colère du 17è siècle, une vieille femme Anna Svierkier alias Marthe, une pauvre femme âgée, victime d‘une inquisition sans pardon et qui elle-même et rétrospectivement ne nous inspirera pas la moindre compassion (quant à l‘absoudre...)


Supposée sorcière cette Marthe, vieille femme terrorisée et dénudée devant nous, sans pudeur, avant d’être torturée, suppliante de douleur, trouvant plus tard sur le bûcher encore la force d’insulter son bourreau et de lui jeter à la face “Je vous aurai“, à un prêtre qui la condamne aux flammes, juste avant de l’y plonger hurlante et nous tous avec elle. Il n’y eut pas de miracle ce jour-là, Johannes, autre personnage de Dreyer dans Ordet (La Parole - celle du Christ) étant absent et introuvable puisqu’il était écrit que là où il se trouvait personne ne pouvait venir le chercher...



Une Lola puissante regarde droit devant elle son public et la caméra, sûre d’elle-même jusqu’à l’arrogance ; c’est Marlène qui, au cinéma, a déjà 20 ans d’avance sur toutes les autres. “Ich bin von Kopf bis Fuß auf Liebe eingest - De la tête aux pieds, je suis faite pour aimer” et puis, c’est dans sa nature entonne-t-elle sur la scène du cabaret L’ange bleu sous l’aile protectrice de Josef von Sternberg


Et quand le fait divers s’invite à notre table et qu’une voix qu’on n’attendait pas nous annonce que C’est arrivé près de chez vous, on n’en croit pas ses yeux ni ses oreilles : réalité ? Fiction ?


Fiction, bien sûr ! Mais la qualité sans pareille de cette oeuvre aura été de nous en faire douter tout du long.


Fiction qui hurle à la réalité jusqu’à nous en convaincre, confrontés à une telle débauche de liberté d’inventions ; c‘est Pierrot le fou qui, à bout de souffle, revient nous hanter, trente ans plus tard avec en cadeau, chez Poelvoorde et ses complices, une bien meilleure maîtrise de cette forme en liberté ; liberté totale dans la création dont on fait une expérience unique.


Oui ! Tout est permis même si à trop vouloir montrer et nous en remontrer la surenchère pointe le bout de son nez... quoi qu‘il en soit,


Une leçon pour tous les créateurs encartés de tous les ministères de toutes les cultures.


Ligeti vient épauler un Kubrick toujours là où l’on ne l’attend pas pour une Odyssée qui marquera à jamais la seconde moitié du 20 è siècle ... après un Docteur Folamour (Strangelove - for the bomb ?) en la personne d’un Peter Sellers, à peine sortie de Lolita qui excellera, jubilatoire, et comme si cela ne suffisait pas... incarnant trois rôles et s’en donnant à coeur joie comme jamais plus au cinéma si l’on en croit les confidences de l’acteur.


La honte de Bergman et Le sacrifice de Starkowski se retrouvent sur la même île, celle de Farö. Bientôt l’orage, le tonnerre et la foudre déchirent le ciel et l’ouvrent en deux, au moment où un aigle suspend son vol comme on retient son souffle, avant le 7è sceaux et l‘apocalypse qu’une peste endémique annonce sans détour.


Raoul Ruiz, secondé par Gilles Taurand pour le scénario, invite Proust au grand banquet de l‘histoire du cinéma ; et ceux qui ont toujours refusé de le lire en seront pour leur frais. Comment ne pas saluer la monteuse de ce film labyrinthique : Denise de Casabianca !


Et si le cinéma est condamné au meilleur, n’est-ce pas aussi et surtout parce qu’il est capable, sans gêne ni honte et sans complexe, de s’appuyer sur des géants picturaux et musicaux et littéraires, Proust en l‘occurrence ? Cinéma aux fondations inébranlables...


Cinéma ! Encore plus de cinéma avec Marco Ferreri et sa Grande bouffe dont il est impossible de se rassasier puisqu’on y revient toujours comme pour y chercher et y retrouver la recette magique d’une mayonnaise qui ne cesse jamais monter et qui, à chaque fois, à chaque reprise, s’élève haut, très haut, toujours plus haut, toujours aussi ferme, épaisse, torsadée et fière sur son oeuf dure et sa feuille de salade au bar de la brasserie du coin : du plus bel effet !


Venu prêter main forte à un Henri-Georges Clouzot, Francis Lopez nous offre en 1947 une des plus belles bandes musicales de film pour un Quai des orfèvres sous le patronage débonnaire de Louis Jouvet avant un Salaire de la peur qui ne devra rien à aucun film par son intensité et son jusqu’au-boutiste.


Peu de temps après, Clouzot, encore lui, mais... le premier, mettra en scène une Brigitte Bardot éprise de Vérité, et bien décidée à la faire entendre, dont le rôle nous révèlera chez cette actrice malgré elle, une détermination, et une passion capable d’une violence physique et verbale insoupçonnables et que l’on ne retrouvera que bien des années plus tard lorsqu’elle aura quitté le cinéma.


Aguirre, en conquistador d’opérette, Herzog a 27 ans lorsqu’il met en scène un Klaus Kinski fou à lier dans un environnement gigantesque... pour une expédition sans fin, dans une longue agonie aussi longue et lente que le fleuve qu‘il leur faut descendre, eux tous ; voyage qui n’en finit pas de s’étirer et de mourir pour un Eldorado de petits singes chahuteurs et téméraires... seuls témoins et bientôt, seuls survivants de cette conquête sans objet et sans but.


Une femme sous influence de John Cassavetes... nous donne à entendre la requête de Gena Rowlands adressée à son père comme un appel au secours, alors que la famille est réunie dans la salle à manger : "Father ! Can you stand up for me !" Et son père de se lever... avant de se rasseoir réalisant son erreur puisque sa fille attendait de lui non pas qu’il se lève mais qu’il la soutienne moralement.


Par la même occasion, dans les dernières secondes du film, le rideau et la porte tirés sur Gena Rowlands et sa petite famille nous rappellera, à toute fin utile, que c’est bien le cinéma indépendant américain qui a vu et fait naître Peter Falk.


Avec Les enfants du paradis, dédié au théâtre, aux artistes et aux spectateurs les plus modestes, ceux qui vont se percher là-haut, tout là-haut… au paradis, justement, là où les places sont les moins chères ! Prévert plus ambitieux que jamais, nous offre le meilleur de son écriture et le meilleur des films et ce, malgré l’erreur de Carné dans la distribution des rôles qui fera jouer à Arletty le rôle de Garance et à Maria Casarès celui de Nathalie alors que l’inverse s’imposait.


Allemagne année zéro ! Rossellini met en scène un enfant de la guerre dans un pays, une ville, un quartier en ruines ; environnement qui fera naître chez cet être à l’enfance impossible, le sentiment d’une énorme catastrophe chez les adultes, privé d’espérance, sans point d’encrage, livré à son âge qui très vite désespère de tout lorsqu’il est abandonné à lui même, sans perspective d’avenir puisque le présent n’est que la gigantesque plaie de la blessure quasi mortelle d’un passé encore si proche, et à jamais, jusqu’à ne plus pouvoir trouver autour de lui, une seule raison et une seule envie de continuer de vivre, au moment de rejoindre délibérément le vide dans un saut à la chute mortelle.


Est-ce les enfants des bourreaux, ceux de toutes les lâchetés, de toutes les complaisances, de toutes les ignorances et ceux de l’Histoire des vaincus qui rejoignent là ceux des victimes au prise avec une catastrophe tout aussi immense, au lègue insupportable ?


Objet cinématographique par excellence Apocalypse Now Redux ! Coppola revisite Joseph Conrad et nous plonge au coeur des ténèbres de la guerre du Viêt Nam : les Etats-Unis n’auront donc pas tout perdu et nous non plus, cinéphiles, puisque cette guerre accouchera sans aucun doute d’un des films le plus importants de la seconde moitié du vingtième siècle.


Et voilà que Charlot, The tramp, première star mondiale du cinéma, nous emmène en voyage pour un tour du monde, celui de toutes les conditions humaines : la faim, la soif, l’injustice, la guerre, l’amour, le tout sans piper mot, jamais... sous l’oeil vigilant de... zut ! J’ai oublié sans nom...


Tenez ! Celui qui ne riait jamais et qui déplacera l’angle de prise de vue de sa caméra, pas très loin de Chaplin mais ailleurs, cependant, vers un burlesque aux gags d’une précision, d’une originalité ; efficacité à nulle autre pareille pour un monde qui décidément se laisse difficilement apprivoiser et conduire là où l‘on souhaite le mener.


Roma et Fellini : la ville, ses dessous livrés à une machine infernale, une foreuse-balayeuse gigantesque de plusieurs mètres de diamètres aux mandibules infernales pour percer les entrailles de cette cité éternellement chaotique - travaux du métro, en cours d’achèvement. Burlesque et parodique, entre mémoire et fantasme, un défilé de mode papale pour clôturer ce nouvel opus ; ce défilé aux figures tantôt grotesques tantôt effrayantes, on y trouvera toute la terreur de la religion : visages émaciés, visages de cire, visages sans chair, corps squelettiques et malades, figures fantomatiques de morts vivants... défilé auquel l’arrivée d’un troupe de motards avec le bruit infernal de leur machine mettra un terme, pour une dernière ronde de nuit et une dernière visite de Rome avant que cette assemblée ne s’en éloigne pour rejoindre ses faubourgs et sa banlieue.


Eblouis par la lumière de leurs phares, Fellini nous laisse sans yeux, sans voix pour espérer en rêver davantage... puisque tout ça n’était qu’un rêve... n’est-ce pas ?


Et dire qu’une fois de plus, nous nous y sommes laissés conduire sans penser un instant qu’on nous y menait : 8 1/2 nous y replongera.


Pasolini et la Passion du Christ au son de la musique de Bach et de l’Afrique ; Le Vatican, incrédule, décernera son prix de l’Office catholique du cinéma à cette Passion placée sous le patronage de Saint Matthieu bien que Pasolini ait mis en scène une parole du Christ aux signes pathologiques d’une évidence indéniable, tant dans son énonciation que dans son débit et dont le visage occupe tout l’espace et sa voix, tout le spectre sonore ; plein cadre ce Verbe d’une violence inouïe et pire encore mais... l’avait-on oublié ? Gros plan sur cette Parole d’une intolérance qui expliquera mille bûchers, le tout à la barbe du Vatican et du réalisateur - semble-t-il -, même si l’on peine à croire que le caractère intrinsèquement inquisitorial et dictatorial de cette Parole fanatique ait pu échapper à Pasolini qui n’en soufflera mot alors que tout dans sa mise en scène nous conduit à cette conclusion.


Harvey Keitel à la recherche d’une rédemption improbable dans des quartiers mal famés de New York ne trouvera qu’une balle de revolver tirée à bout portant au volant de son véhicule garé face à l’entrée de la salle de concert Madison square Garden en lieutenant de police seulement capable du pire et dont on trouvera rien à sauver.


Réalisateur grec exilé aux Etats-Unis, chez Angelopoulos, Keitel est de retour dans sa ville natale à l’occasion de la projection d’un de ses films. Sur les traces d’Ulysse, puis dans les Balkans, sur les voies plus contemporaines de l’Empire ottoman, prolongeant son voyage jusqu’à Sarajevo encore en guerre, le spectateur pourra à nouveau l’entendre pousser son cri, non pas à l’intérieur d’une église d’un quartier de Harlem, à genoux suppliant, hurlant et vociférant une prière destinée à un Christ absent, mais à des milliers de kilomètres de là, au bord vraisemblablement du Danube ou de l’un de ses affluents, plongé dans un brouillard épais, propice à tous les crimes et à toutes les barbaries et ce, en toute impunité ; on retrouvera un Keitel à genoux, tel un animal penché sur des corps fraîchement abattus ; un râle ce cri à la mâchoire serrée , râle et rage de celui qui ne pourra sans doute jamais plus exprimer par les mots quoi que ce soit nous concernant, nous et notre humanité, et pour ce qu’il en reste ; un monde à l’horreur indicible...


Et c’est alors que le « first gaze » tant recherché que des bobines de films étaient censées avoir saisi au tournant du siècle dernier cède la place à un « dernier regard scrutateur » porté sur un réalité hideuse jusqu’à n’avoir plus qu‘un seul désir : celui d’une cécité et d’une surdité comme seul et dernier espoir de refuge hors du monde, sinon, hors de la vie.


Marlène Jobert pointe le bout de son nez pour nous offrir ses éphélides, taches de rousseur désarmantes dans un funeste Passager de la pluie taillé sur mesure pour elle... et alors que personne ne viendra la secourir à temps et qu’il lui faudra affronter seul le pire des outrages sous la direction d’un René Clément très inspiré.



Avec Elephant, Gus van Sant réalise le film le plus honnête que l’on puisse faire sur un fait divers tel que celui du lycée de Columbine.



Tati vient réconcilier Charlot avec Keaton ; lui, qui nous livrera les dernières images et le dernier témoignage d’un monde qui bientôt ne sera plus qu’un souvenir ; disant adieu à la fraternité, en visionnaire imperturbable, avant de nous présenter les premières ébauches d’une modernité dans laquelle tout rapport à l’autre nous sera dicté par un environnement auquel nous devrons tous nous soumettre de gré ou de force puisqu’il nous y soumettra, à moins de faire le choix d’en être exclus...


Il nous laissera tout de même comme espoir, la possibilité, avec un peu de volonté et d’imagination, de pouvoir transformer cet environnement selon nos envies et nos humeurs, dans une vision à jamais optimiste, voire utopiste, de l’humanité.


Chez Michel Piccoli, alias Milou c‘est l‘esprit de mai qui triomphe, et qui par contagion, gagne toute sa famille - frère, fille, tantes, cousins, neveux -, mais pour un temps seulement ; un temps bien trop court, chacun renonçant à cette part de rêve et d’utopie dont il est doté, comme nous tous, quand nous nous laissons aller à rêver un monde qui, enfin, ne nous ressemblerait plus...


Et Milou de regagner la demeure familiale, celle de son enfance, celle de toute une vie... maintenant en sursis puisque prochainement, un nouveau propriétaire viendra l‘habiter. Telle est la décision qui a été prise : vendre........... son âme ?


Y aura-t-il de la neige à Noël ? demande Sandrine Veysset. Question adressée à sa mère, avant qu’elle ne se décide à tomber cette neige tant attendue et ce faisant, qu’elle ne sauve toute une famille dont la mère privée de mari et de père a bien failli, à la suite d’une décision irréversible, décider du sort... funeste, de surcroît.


Et si Tous les matins du monde sont sans retour... une fois l’irréparable commis...


N’empêche... voici un Chéreau virtuose dans Ceux qui m’aiment prendront le train...


Et puis, Christian Jaque qui ne cessera d’offrir au cinéma dit populaire ses lettres de noblesse, lettres plus souvent en or qu’en argent... et parfois même en platine, hissant le cinéma populaire au sommet de l’exigence de l‘écriture et du choix des acteurs et de leur direction : et l'on nous apprend que Les disparus de Saint-Agil sont sains et saufs.



Dupontel et son Créateur n’aura rien à envier au meilleur de Mel Brooks et à son “Springtime for Hitler” renommé “Les producteurs” .Un Dupontel réalisateur et acteur qui nous réconcilie avec la comédie à la française, plus souvent capable du pire que du meilleur, ignorante qu‘elle est de ses maîtres incontournables : Lubitsch, Capra et Wilder.


Sacha Guitry se met en tête de nous conter l’histoire du Château de Versailles. Il y parvient. Il y triomphe. Un Guitry plus caustique que jamais, et en guise de finale... c’est un défilé qu’il nous offre... une descente des marches qui n’a rien à envier à celle du Casino de Paris ou du Moulin Rouge et son french cancan

Voyez ! Ils approchent, ils arrivent... majestueux et auréolés...


Jack Lemmon est sur tous les coups, servant les meilleurs réalisateurs...


John Huston immense, volant la vedette dans Chinatown à tous les protagonistes de cette histoire.



Ben Gazzara est là aussi, faisant face, après le meurtre d’un bookmaker chinois, tenant tête en héros moderne et anonyme, une balle dans le ventre mais encore debout..


Kaurismäki, toujours aussi bougon, et si son personnage a perdu la mémoire et son passé en route, la bande sonore elle, nous régale d‘une musique qui décidément est capable de se hisser à la hauteur de toutes les ambitions d’un réalisateur-auteur sans compromis...


Et c’est Bulle Ogier, la salamandre, et Jean-luc Bideau,


Et c’est Eisenstein et sa grève...


Jim Jarmusch est dans le défilé


Les frères Dardenne ont fait le voyage...


Qui l'eut cru : Monsieur de Sainte-Colombe descend les marches avec sa viole... majestueux et tout auréolé...


Miou Miou, Michel Blanc et Depardieu méconnaissables dans leurs tenues de soirée...


Carette le cabotin, Bussières, tous les premiers rôles parmi les seconds rôles


Et tant d’autres encore... mais...


Ca va trop vite, impossible de leur demander de ralentir le pas... ils s’éloignent maintenant...

Dans un instant, tout, absolument tout se dissipera pour ne laisser aucune trace. Ils vont maintenant s'évaporer et sous peu, une fois qu'ils auront tous rejoint le silence, ils seront courant d'air, vapeur, gouttelettes, bruits indistincts et inaudibles...

Encore quelques secondes et ils auront disparu...

Non !

Attendez !

Laissons-les-nous encore un peu...

Attendez !

Revenez ! Revenez donc !

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Copyright Serge ULESKI


serge.uleski@orange.fr

http://sergeuleski.blogs.nouvelobs.com








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