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Ap.J.-C. - V. Alexakis
samedi 15 septembre 2007 par penvins

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Lire un livre d’Alexakis c’est toujours un plaisir d’éternité, on a l’impression que rien ne bouge. Sans doute la raison pour laquelle Alexakis est fasciné par le mont Athos. Ce serait en effet un contresens de penser que ce pamphlet dirigé contre les moines Orthodoxes ne renferme pas une part de fascination pour cet État dans l’État mais également pour les moines qui l’habitent. Il y a dans la description des moines et surtout dans l’analyse de leurs motivations une telle résistance, un tel déni de la foi - que le lecteur occidental contemporain, même s’il partage le plus souvent les convictions d’Alexakis, ne peut s’empêcher de se demander pourquoi un tel acharnement ? Peut-être jalousie vis-à-vis de ceux qui ont choisi de vivre dans un lieu où la nature reste préservée et où par une sorte de paradoxe les monuments Antiques restent à découvrir. Détournés dans leur signification, souvent ré-employés mais réservant sans doute de grandes surprises le jour où les archéologues pourront prendre pied sur le Mont. Le Mont Athos est une mémoire écrit Alexakis et de ce point de vue il est un trésor qu’il convoite secrètement et nous fait convoiter bien sûr. J’irais jusqu’à penser qu’il nous invite - nous européens - à en revendiquer la propriété, ou à tout le moins à refuser que les moines se mettent hors des lois ordinaires.

Situation bien sûr tout à fait particulière que celle de cette partie du monde inaccessible aux femmes et aux enfants imberbes. Mais en même temps situation qu’Alexakis avec une malignité bien à lui décrit comme provisoire à l’échelle des siècles.

Le titre du roman le dit bien "Après J.C." parce qu’il y a eu un « Avant » - cet « Avant » que les moines n’ont cessé de nier - et parce qu’il y aura fatalement un « Après ». Ce n’est qu’apparemment que rien ne bouge. Après Jésus-Christ peut donc se lire de deux façons, la première, l’officielle « après la naissance de J.C. » mais aussi la seconde, que l’on pourrait traduire par « Pour une ère postchrétienne. » Je n’ai pu m’empêcher de penser qu’Alexakis en choisissant ce titre songeait surtout à la seconde. Un jour viendra... semble-t-il dire.

Longue quête entreprise par un étudiant pour retrouver le frère disparu - celui de sa logeuse mais peut-être aussi le sien - celui qui est mort avant qu’il ne naisse - en quelque sorte le double du narrateur, l’autre Alexakis, celui d’avant sa propre naissance. Cette quête est aussi celle qui doit permettre à cette logeuse - Nausicaa - dans la mythologie, celle qui prend soin d’Ulysse, ici la fille d’un armateur - de léguer ses biens aux moines et qui peut-être au contraire fera barrage à ce leg.

J’ai lu une critique qui reproche à ce livre un trop grand didactisme et prétend que l’intrigue ne prend pas, on ne peut nier bien sûr le didactisme qui sous-tend ce roman mais dire qu’on ne parvient pas à rentrer dans ce bien long récit c’est n’avoir jamais lu Alexakis. Alexakis est un auteur qui se mérite et si ce qui se dit ici se dit avec lenteur et répétition c’est que le temps que vivent les hommes - et peut-être les Grecs le ressentent-ils plus que nous - est un temps lent et répétitif. On ne lit pas Alexakis comme on lit un roman policier, ce livre tente de faire entendre un espoir, l’espoir que la Grèce sortira un jour définitivement de 13 siècles d’obscurantisme, que ce qui n’a pas été accompli avec la libération du pays en 1821, le temps, peut-être avec l’appui de l’Europe, va enfin l’accomplir. Alexakis a choisi pour le dire de montrer en quoi nous sommes restés aveugles face à l’endoctrinement de l’Eglise - de celle chez qui nous habitons encore - de notre logeuse. Il a choisi d’ouvrir les yeux de son pays, de l’inviter à retrouver le chemin de la lumière - des lumières - d’où cette scène où l’on voit la vierge dans un vêtement couleur cerise et le petit Jésus espiègle dans un pyjama blanc.

Le miracle un jour se produira, le héros retrouvera le frère de Nausicaa, le vieux Dimitris à nouveau chantera.

Voilà qui est très cohérent mais ne se lit pas forcément à la première lecture. À la première lecture on entend évidemment tout cela, mais c’est oublier que lorsque on lit un auteur il ne s’agit pas d’entendre mais d’écouter. Et si l’on tend l’oreille, ce que l’on entend bien sûr ce n’est pas seulement ce qui est dit et répété, mais c’est la formidable patience de la colère des hommes endoctrinés, de ceux à qui l’on a dicté une vérité en allant jusqu’à leur faire croire que les doctrinaires étaient des victimes et non des bourreaux. Ce que l’on entend c’est un jour viendra le temps d’Après J.C.

Parce que l’affirmation de Zénon que rien ne bouge doit se lire avec la patience d’Alexakis ; il nous faut des années, des siècles pour réaliser le moindre pas.

Penvins



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