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L’épidémie - Andréas Frangias, Gallimard 1978
mardi 20 juin 2006 par penvins

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Ici on est au coeur même de la littérature. Une littérature qui se réfère au réel et qui pourtant se défie du réalisme – en 1936 le dictateur Métaxas déporte dans les îles d’Efstratios, de Yaros et de Makronissos les communistes, les démocrates et les républicains. En lisant ce roman on a souvent l’impression de lire Kafka, pourtant l’oppression n’est pas celle de la seule administration, elle s’attaque à la chair avec une violence que d’autres ont décrit mais surtout elle tente de venir à bout de toute forme d’opposition. Jacques Lacarrière l’écrit fort bien dans sa préface, ce qui fait la matière de ce livre, c’est le refus de la déclaration de repentir.

Ici on est au cœur même du totalitarisme, il s’agit pour le système en place, ( la dictature de Métaxas mais ce pourrait être toute autre dictature avouée ou non avouée, on songe bien évidemment à ce qui se passe à Guantanamo ) d’obliger l’autre à admettre que le régime a raison et qu’il n’y a pas de vérité en dehors de celle du dictateur.
-
Ceux qui incarnent l’esprit du mal, c’est vous ! L’esprit du bien exercera sa bonté et sa force implacables pour soumettre le démon...-

Et c’est toute la force de ce roman de s’élever au niveau symbolique pour souligner non pas l’horreur des faits – que l’on observe malgré tout - mais l’essence même de cette folie. Le refus de toute opposition, la volonté d’imposer par l’absurde une raison supérieure. Les personnages victimes ou bourreaux n’ont pas de noms ce sont l’Assoiffé, le Démolisseur, On, Ils, le président, le bûcheron... manière de rendre l’histoire universelle, manière également de dire que dans cet univers la personne humaine est niée.

Cet univers ce peut être bien sûr les îles de Métaxas, mais c’est aussi toute forme d’univers fermé et ce livre sans noms et sans autre conclusion que "Mais la vérité est que ces hommes étonnants survécurent", est une magnifique illustration de cet enfermement. Iles-prison qui me fait dire qu’elles sont aussi l’illustration ultime de tout régime de la pensée unique. Parce que l’enjeu c’est celui-là : la soumission dont Frangias montre combien elle devient obsessionnelle pour ce type de pouvoir : On fit venir des haies, des engrais, des semences pour rocailles pour contraindre ce sol à recevoir des plantes.

Quiconque ne se soumet pas, n’avoue pas sa démarche erronée ne peut dès lors être qu’un fou. Quelqu’un qui ne se soumet pas à la raison doit être conduit à l’hôpital afin de n’avoir pas la chance ni l’honneur de collaborer à l’édification du magnifique ouvrage. On songe souvent à la Chine maoïste en lisant ce livre où les gardiens de l’orthodoxie prétendent assainir l’île non pas par des moyens radicaux mais en obligeant ceux qu’ils veulent soumettre à devenir les esclaves de cette purification que ce soit en collectionnant les mouches ou en se remplissant la bouche avec de l’eau pour mieux la transporter en haut de la colline. Ce seront finalement les rats qui d’une certaine façon apporteront la solution et donneront à ce livre son titre. L’épidémie ce ne sera pas le choléra mais la dérision cette dérision que le totalitarisme ne peut souffrir :

Un homme s’approcha du gouverneur et avec une infini tendresse, lui tendit le rameau de pimprenelle.

"Tu n’es pas venu hier soir, mon amour ! J’attendais que tu m’apportes la vie par ton seul regard, ô toi, lumière du ciel..."

Autant le pouvoir est prompt à déclarer fou quiconque ne pense pas comme lui, autant il ne supporte pas que l’on singe cette folie pour le mettre dans l’embarras :

Les autorités firent alors savoir qu’étaient formellement interdites les allusions aux troubles nerveux ou psychiques.

Témoignage d’une période trouble de l’histoire grecque, ce livre est aussi un hommage pudique à tous ceux qui surent résister à toutes les mises au pas, de quelque bord qu’elles viennent.

Penvins

20/06/2006.



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