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La haine et le pardon

Julia Kristeva, Editions Fayard, 2005

mercredi 10 mai 2006 par Alice Granger

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Tandis que, dans la crise actuelle, nombreux sont ceux qui perdent la capacité d’élaborer leur vie psychique, tandis que le sujet libre est devenu un mirage, qu’augmente l’inaptitude à exercer la liberté du soi, que la psyché est morcelée sous la poussée de la pulsion et par la destruction du cadre social, Julia Kristeva, plus que jamais, dans ce volumineux ouvrage, nous dit que, comme Colette osait le dire déjà, renaître n’est pas impossible par cette « âme » qu’est l’activité psychique.

Dans le sillage de Freud, Julia Kristeva souligne que l’inconscient transforme. La psychanalyste qu’elle est excelle à se tenir là où grâce au transfert/contre-transfert se fera une véritable transsubstantiation, grâce à laquelle la carte psychique de la personne qui est venue se confier à elle va se transformer, se créer, se moduler, renaître. Par don de la chair. Par-don. Transsubstantiation.

En lisant Julia Kristeva, nous comprenons en effet que la carte psychique d’une personne peut à l’infini se remodeler, renaître, dans la condition d’une sorte de « ressourcement », possible par exemple dans l’aventure psychanalytique, si elle ramène au temps fusionnel avec la mère, pour retrouver cette abjection, cette raison vitale de se séparer de l’instance maternelle pour vivre, et en trouvant justement l’activité psychique comme issue et continuation autrement.

Généreusement, Julia Kristeva innove dans sa pratique psychanalytique en ramenant l’analyse dans les conditions du commencement de l’activité psychique, là où cette activité psychique s’inaugure pas seulement à partir du refoulement originaire, mais inaugure une distance infinie par rapport à la menace d’être englouti dans le maternel, le danger de ne pas pouvoir s’en différencier. L’écoute, dit-elle, est un acte violent, elle s’approprie l’énoncé de son patient, elle s’identifie avec la chair et nous entendons qu’ainsi son patient pourra se sentir chair de cette chair, prodigieuse transsubstantiation, moment de débordement pulsionnel et sensoriel, elle sent sa souffrance à lui, son plaisir, elle vibre avec ses mots, elle est avec lui dans la même musique, l’analyse est vraiment dans une phase gestationnelle. Alors, une autre violence va jaillir de la violence d’une écoute dans la chair à la manière d’une mère folle de la chair de sa chair : l’analyste qu’est Julia Kristeva va se détacher de cette écoute flottante, nous imaginons que cela se fait dans une urgence vitale, que c’est « senti » ainsi, elle prend de la distance d’avec ce temps fou en nommant un sens. Cette interprétation est un acte de cruauté, qui coupe dans la chair, qui fait entendre le danger d’engloutissement, de la perte fusionnelle, qui sculpte littéralement le corps qui se détache de la glu de la symbiose, qui présente les premiers mots, le pré-verbal, le sémiotique, comme une vitale et première prise de distance. Sémiosis, nommer pour se séparer du corps maternel, faire passer dans des mots-choses, des sons, dans le plaisir de dire, tout ce qui ne peut s’éterniser dans la confusion avec la mère ici retrouvée avec l’analyste. Transposer, dans la distance des mots. Déplacer vers l’activité psychique. La mère, alors, peut rester la fleur absente dans le bouquet, telle la vierge absente de la Trinité. Idéalisation, sublimation.

C’est par la vie psychique que l’on renaît à l’infini, c’est ce que sait sans doute pour elle-même Julia Kristeva, qui se voyage sans cesse à travers une multitude d’espaces, de villes, de disciplines, de langues, recevant chaque intervention comme des ouvertures. Comme saint Augustin, elle n’a qu’une seule patrie, le voyage, qui lui permet d’advenir là où c’était, là où les idées succèdent aux chagrins. La clé de son nomadisme est cette psychanalyse qui est comme un voyage qui reconstitue l’identité psychique elle-même. Advenir là où c’était, ne serait-ce pas ne jamais finir de partir de ce temps éminemment violent de la chair de la chair, souligné par le mot maternité, que nous entendons avoir été un formidable déclic dans la vie de Julia Kristeva.

Au temps « chair de la chair » de l’aventure humaine, mère et enfant, analyste et analysant, ne « sentent-ils » pas au quart de tour l’urgence vitale de « sauter » dans les mots, de tailler ainsi dans la chair, de « se tailler », pour aller respirer, pour découvrir l’air, les sons, les mots, les sens, la jouissance du corps libre par les cinq sens, le plaisir d’échapper au danger terrible de rester englué dans la mère, de sortir de la dépression aspirant en arrière, de s’élancer dans l’expansion maniaque, mégalomane, esthétique. S’arracher à la dévoration de l’amour maternel, se sevrer de la chair se tricotant avec sa chair, en faire le deuil, mais tout retrouver dans le plaisir sublime des mots, des sons, de l’air sur la peau, dans les poumons, de la sensation de la liberté sur le visage qui se détache de la glu. L’activité psychique se présente comme la sublime substitution d’avec la symbiose maternelle, en y engageant la même énergie, la même passion, mais sans passage à l’acte dévorant, je prends plaisir aux mots sensations bien plus que je n’avais jamais pu le sentir avec ce non objet, avec cet abject lié à la chair maternelle. Julia Kristeva excelle, vraiment, à nous donner la sensation fabuleuse du basculement du côté de l’activité psychique, des mots, de l’idéalisation, de la sublimation, comme la sensation de l’entrée de l’air dans les poumons à la naissance, comme l’ouverture des yeux sur la lumière, sur les couleurs, sur le mouvement, sur la caresse du vent. Pour agréer l’avènement de cette vie psychique qui s’inaugure par des sensations et par la nomination qui dit une prise de distance, une liberté, ne faut-il pas se sentir se détacher d’une sorte de masse charnelle violemment tentatrice, qui pourrait garder, à laquelle on pourrait s’abandonner comme à une déprime originaire préférant rester entre les mains d’avant, se laisser reprendre, avaler, garder dedans ? Julia Kristeva désigne les langues pour seule patrie, comme si sauter dans la vie psychique équivalait à adopter une autre origine, celle où le corps naît à d’autres sensations, nommables, où les yeux s’ouvrent à la lumière, à la beauté, aux couleurs, où d’autres, dans le trou de l’absence de la mère, peuvent ouvrir de nouvelles étapes de la vie. Vivre dans l’ouvert, dans l’étonnement devant les autres, devant la rencontre, devant la lecture : voilà, c’est Julia Kristeva.

Vie psychique qui s’inaugure par la langue sensible.

Pour la première fois avec Kant, la liberté se définit comme une auto-activité absolue, une spontanéité et un pouvoir de l’homme à se déterminer par lui-même. Mais la liberté, est-ce s’adapter à une cause, Dieu ou l’économie dans le règne de la technique ? Heidegger dit que la liberté n’est pas subordonnée à une cause, mais est placée au commencement. Maître Eckhart demande à Dieu de le laisser libre.

La psychanalyse, écrit Julia Kristeva, est fille des libertés européennes. Mais de nouvelles maladies de l’âme sont apparues. Dépression. Cancers. Comme si c’était devenu plus difficile de « sauter » du côté de l’activité psychique, de trancher ainsi dans la chair, sur la base de la fameuse transsubstantiation. Julia Kristeva avance, je pense sur la base de son expérience de la maternité qu’elle me semble avoir mis alors au cœur de son activité analytique, que, contrairement à ce que disait Freud, les femmes sont non seulement aptes aux sublimations pulsionnelles, mais qu’elles les suscitent.

Psychanalyste, Julia Kristeva offre d’autant plus le pardon à la haine que l’enfant, en chacun des analysants et en chacun des humains, voue à cet abject que devient cette mère dont il doit se détacher pour échapper à cette symbiose dévorante, que rien ne se perd de cette pulsion sexuelle lorsqu’elle saute vers les mots sensations, vers la sublimation, vers l’idéalisation. Nous sommes tous pervers polymorphes de par notre passé infantile, dit Julia Kristeva, la pulsion est perverse polymorphe parce que depuis l’origine il y a une coprésence entre soma et psyché, entre pulsion et sens, entre pulsion et langage.

Julia Kristeva précise : Il s’agit de faire appel à la fonction maternelle du thérapeute. Et là, on dirait que c’est Colette qui lui chuchote comment une femme peut se désengluer d’une fonction invasive, comment l’immunité peut contrebalancer le temps contre-nature de la chair de la chair, de la logique gestationnelle qui peut aussi, on croit le lire dans l’œuvre de Kristeva, être au cœur de l’analyse. S’engageant dans la fonction maternelle, la thérapeute ouvre à l’analysant un espace de révolte, et l’enfant peut alors remonter dans la voie de la constitution de l’appareil psychique que, par exemple, la dépression a mis à mal. Cette dépression qui sous-tend beaucoup de maladies somatiques, en particulier le cancer. L’appareil psychique est ancré dans la biologie par la pulsion. Ne pourrait-on pas dire que lorsque cette pulsion ne trouve pas d’issue dans l’activité psychique...par exemple parce que la mère ne trouve pas l’issue à sa fonction maternelle à la manière de Colette...cette pulsion s’abîme, se fait tumeur, se fait invasive, implosive, régressive, dépressive, s’inscrit en négatif, envahit dedans au lieu de dehors. La guérison ne peut passer que par la renaissance psychique. Mais cette renaissance psychique, la mère ne doit-elle pas la vivre elle-même, et surtout pas sombrer dans sa fonction, s’en laisser envahir comme par des métastases ? Julia Kristeva me semble avancer, dans son écriture, Colette, comme un paradigme. Colette explore la perversion, l’inceste, quelque chose de fusionnel, puis enfin tout cela débouche sur une jouissance autre, sur un retournement de la perversion en sublimation, et tous ses sens sont des organes sexuels, elle se met à décrire un gigantesque orgasme du sentant et du senti, la barrière des cinq sens est franchie, et, écrit Kristeva, son écriture participe d’une mutation de la civilisation, une mutation qui passe par les femmes, et s’inaugure une parole de bien-être.

La créativité sublimatoire est, dit Julia Kristeva, impossible sans une certaine perversité du lien mère/enfant. Colette nous semble avoir exploré cette voie-là par ses passages à l’acte pervers. Puis en avoir trouvé l’issue en prenant de la distance en s’échappant dans une jouissance autre, une activité psychique et d’écriture en nommant des mots-sensations. L’autre face pourrait bien être celui de cette vierge qui accepte d’être alors la fleur absente du bouquet. Si elle apparaît comme trou, comme absence, séparée, abject s’étant abjectée de la dyade mère/enfant, cet enfant pourra, dans cette distance, l’idéaliser, la sublimer esthétiquement, et ainsi, conserver l’énergie pulsionnelle, mais complètement déplacée, pouvant s’étendre de manière mégalomane à l’infini. Avant de prendre de la distance, la fonction maternelle à laquelle s’est par exemple prêtée la thérapeute a joué le rôle d’étayage, et de relancement de l’activité psychique.

La pulsion des humains, dit Julia Kristeva, est déjà énergie et sens. L’abjection, si importante pour elle, est cette expérience initiale, on pourrait dire qu’il ne faut pas faire l’économie de sentir, du nouveau-né confronté à la séparation du contenant utérin puis du corps maternel pour en faire un objet protypique de tout objet de parole et de pensée. Le premier objet est un abject. L’analyse doit pouvoir partir de là. Et toute activité psychique aussi ? L’abjection est alors cette violente et obscure révolte contre ce qui menace ce nouveau-né et lui paraît venir d’un dehors en même temps que d’un dedans exorbitant, tout près mais inaccessible. Cet abject m’exclut et me tire là où le sens s’effondre, c’est un quelque chose que je ne reconnais pas comme une chose, un poids d’insignifiant qui m’écrase. Par l’abjection, je peux accoucher de moi-même, et refouler cette chose, violemment. Ce refoulement originaire est la tentative la plus ancienne de me démarquer de l’entité maternelle, j’adviens comme sujet par un démarquage violent. Ce démarquage violent n’exige-t-il pas que cette entité maternelle soit sentie ? Abjecte, oui, je la repousse et je me repousse, je m’abjecte. Dans la situation analytique, Julia Kristeva rend possible de réactualiser ces tentatives les plus anciennes de se démarquer de cette entité maternelle, tandis qu’elle semble elle-même suivre le prototype Colette pour se désengluer elle-même de cette symbiose. Je devient sujet en pouvant repousser cet abject, en s’abjectant lui-même. L’abject, écrit Julia Kristeva côtoie l’amorce du signe par le non objet, à la lisière du refoulement originaire, il frise le symptôme somatique en empêchant que le corps s’abîme dans cet intérieur qui l’avale, qui l’implose, qui le déprime, et de l’autre il se transpose vers la sublimation. Le symptôme est un langage qui déclare forfait, un échec de l’issue vers la vie psychique, alors un monstre, une tumeur, un cancer, un étranger inassimilable envahit le corps. La vie psychique ne s’est pas ouverte.

Il n’y a, écrit Julia Kristeva, de pulsion sexuelle que perverse polymorphe. Cette père-version serait une mère-version. Rôle de la mère, à condition qu’elle réussisse à couper dans la chair, à trouver une issue dans le sillage de Colette, à en sortir avec son corps dans le plaisir des mots-sensations, comme une naissance hors de la maternité, que le père lui-même investit, investissement de la pulsion sexuelle, pour donner de la force au refoulement originaire, pour grossir l’abjection, non pas la ramollir, non pas la naturaliser, la normaliser. Il faut que la menace soit très grande, à la mesure du père agrandissant le dedans d’amour qu’est la mère, afin de rendre dangereux l’éternisation en elle, l’avalement en elle, l’envahissement par elle, alors l’abjection, urgence de transposer dehors cet investissement massif, cette symbiose, sauter dehors par rejet immunitaire, ouvrir les yeux, déployer les poumons, utiliser l’énergie libérée pour investir dehors par les cinq sens. Père-version ayant précipité dans la mère-version, et là, danger, urgence, refouler, sortir, repousser, abjecter, m’abjecter, ouvrir les yeux sur dehors, déplacer mon investissement primaire, m’accrocher de tous mes sens aux autres choses, sur la base d’un trou de mon premier investissement, le maternel. Les femmes à la hauteur. Non pas fascinées par le rôle, avalées par lui, envahies par lui, abîmées en lui, cancérisées. Urgence pour elles, après cette expérience maternelle qui, pourrait-on penser, s’apparente aux passages à l’acte pervers de Colette, de se sculpter le corps en s’accouchant hors du rôle, en se sentant saisies par le plaisir du corps flirtant avec les mots-sensations, les cinq sens s’ouvrant comme des fleurs. L’enfant sort de la chair de la chair, en fait le deuil, tandis que la mère s’accouche aussi elle-même en Colette ivre de sensations sublimes, oubliant le bébé en s’ouvrant à la beauté par ses cinq sens. Buvant aux sensations, les croquant par l’écriture, par les mots, elle se sèvre des passages à l’acte pervers. Grande leçon pour la psychanalyse.

La perversion dans sa logique, et ajoutons si c’est une mère-version, idéalise d’emblée la pulsion, et poursuivons en disant que c’est forcé, cette pulsion c’est elle qui met à sa place folle l’entité maternelle d’où s’est nourrie la vie commençante, elle donne la sensation de ce que veut dire chair de sa chair, alors, c’est obligé, cette idéalisation de la pulsion, cet enracinement de la chair dans la chair qui s’est perversement offerte, par don, à ce jeu, et ensuite sera la cible de la haine, du refoulement originaire. Le par-don et la haine, la gestation et la naissance, l’abjection et l’idéalisation et la sublimation. A un certain point d’abjection, d’urgence de se séparer pour vivre hors de la mère, hors de l’analyse, contre cette réalité possessive, enfermante, se déchaîne l’hybris de la destruction de ce monde pour créer un autre monde dehors, de manière maniaque ou mégalomane. L’activité psychique se lance follement dehors, ivre de sensation de liberté. Il y a une part sadomasochiste dans cette performance esthétique, il y a l’hybris de la destruction de ce qui menaça de me garder, de m’engloutir, de saisir mon corps.

Julia Kristeva analyste : d’abord l’osmose, puis l’interprétation. Jeux sensoriels, puis des mots-plaisirs, des mots-choses, des mots-fétiches, pas des mots-concepts. Colette et son beau-fils. L’analyse observe par le trou de sa conscience ouverte en soma-psyché, en pulsion-sens, en chair se refermant sur la chair, la psyché entravée qu’il s’agit de faire repartir, elle l’ensemence de sa fusion, tandis qu’elle sait qu’elle a aussi besoin de sa distance. Alors, cette chair pourra peut-être, du plaisir de l’analyste nommé, devenir réellement quelqu’un d’autre, un sujet. Cette violence, violence charnelle, violence gestationnelle, violence du passage à l’acte pervers rapt d’osmose et de fusion, est dans l’analyse violence de nomination libidinale, sensorielle, qui est obligatoire, pour, avec Julia Kristeva, faire revenir l’aventure psychanalytique au commencement pulsionnel, à cette frontière entre le biologique et le psychique qui se joue avec la séparation d’avec la mère, l’activité psychique étant cette séparation, cette liberté par laquelle le corps ouvre ses sens à autre chose qu’au contenant utérin ou au corps de la mère. Dans l’impudence d’énoncer dans une langue maternelle, une langue sensorielle, le sujet naissant se sépare sans que son corps ait besoin de renoncer aux plaisirs sensoriels, bien au contraire, ses sens y gagnent maternellement de la séparation, comme si sa mère lui avait dans cette prise de distance infinie donné ce qu’elle n’avait pas à l’intérieur d’elle pour lui. Alors, le désir de savoir, dehors, soutient l’activité psychique.

Le, ou la ? psychanalyste est le véritable triomphe du pervers polymorphe. C’est sans doute Colette qui a énoncé cela à Julia Kristeva, et l’a inspirée pour sa pratique...

Les réalités culturelles se construisent sur les capacités sémiotiques, sur ce pré-verbal que sont les mots-sensations, les mots-choses, les mots qui semblent le prolongement des sens, du corps, une façon de sentir autrement, de matérialiser et d’incarner ce que liberté veut dire. Le langage, écrit Julia Kristeva, se constitue comme un objet de type pervers. Je me sublime dans ces mots-sensations, ces mots-nomination. Le langage est une énonciation qui révèle sa généalogie pulsionnelle. La pulsion, au commencement, est si violente, si dangereuse, qu’elle pousse dehors, et là, ouvrant les yeux comme une naissance, et les sens, je nomme en même temps que je sens pour la première fois, et c’est aussi fort que ce fut menaçant avant, mon investissement s’est totalement transféré là, avec la même force, mais là c’est libre, c’est infini, c’est le paradis, tandis que l’énergie de cette pulsion, c’est avant qu’elle s’est constituée, dans le temps de symbiose, de fusion, quand j’étais chair de cette chair. Si moi l’enfant nouveau-né, ou bien le patient de Julia Kristeva, j’ai senti que renaître n’était pas au-dessus de mes forces, c’est parce que j’ai senti que ce n’était pas au-dessus des forces de ma mère, ni de celles de Julia Kristeva. Pour déployer mon activité psychique, pour la remanier, la réensemencer, j’ai eu besoin d’avoir la certitude que l’entité maternelle aussi avait cette capacité de sortir de son rôle, de s’accoucher hors de sa chair.

Voilà ce que la lecture de l’œuvre gigantesque de Julia Kristeva m’a entraînée à entendre. En étant convaincue de la capacité sublimatoire des femmes, elle ouvre des capacités infinies pour l’activité psychique, en partant du réensemencement, dans une époque qui en a bien besoin !

Alice Granger Guitard



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Messages

  • "...possible par exemple dans l’aventure psychanalytique, si elle ramène au temps fusionnel avec la mère, pour retrouver cette abjection, cette raison vitale de se séparer de l’instance maternelle pour vivre, et en trouvant justement l’activité psychique comme issue et continuation autrement.

    Généreusement, Julia Kristeva..."

    J’ignorais que Kristeva ne se faisait pas payer ses séances . Si ce n’est pas le cas le par don ne perd-il pas le sens que vous lui donnez dans votre note ? C’est ma seule objection à ce que vous dite , cette occurence . Il y en a d’autres, heureusement .

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