Editions Gallimard, 2008

En 2012, les maisons-closes sont à nouveau légalisées en France et elles contribuent de façon marquée à la croissance économique du pays. Les régions périphériques n’échappent pas à la vague libérale en matière de prostitution. Dans la baie de Paimpol, commune bretonne des Côtes-d’Armor, un ancien sous-marin de la marine française a été transformé en bordel, lequel attire les mâles de la région en mal d’amour. Dans Des néons sous la mer, le lecteur est invité à une visite délirante de ce bathyscaphe pas comme les autres par l’intermédiaire de Beau Vestiaire, le jeune garçon qui a été engagé pour tenir le vestiaire de l’hôtel de passe aquatique. Mais le voyage ne s’arrête pas au cuirassé recyclé. Le lecteur est emporté dans un flot ininterrompu de digressions ou autres fulgurances poétiques. Frédéric Ciriez se livre tout d’abord à un historique méticuleux des aventures guerrières (et peu glorieuses…) du sous-marin. Il retranscrit ensuite les entretiens que Beau Vestiaire a menés avec les douze prostituées indépendantes qui officient dans le sous-marin. Ces témoignages sont livrés de façon brute au lecteur, sans jugement de valeur ou sentimentalisme excessif. Frédéric Ciriez s’est également amusé à imaginer des scènes loufoques, comme cette étude marketing sur la clientèle organisée via une Boîte à désirs ou cette carte des plaisir visant à permettre aux novices de faire leur choix parmi les douze professionnelles du sexe. L’auteur breton s’abandonne aussi à de multiples passages autocensurés, représentés par des paragraphes entiers rayés comme pour contourner la censure prévisible de l’éditeur.

Dans cet ouvrage inclassable, d’une extrême richesse créative et poétique, Frédéric Ciriez décrit l’univers de la prostitution de façon très habile et sensible, en multipliant les regards et les angles d’approches. Ce  premier roman, qui emprunte à de multiples genres littéraires, séduit par son audace et son ambition. Des néons sous la mer décoiffe tel un grand vent frais.

 

Florent Cosandey, 19 mars 2010