" Un sage était autrefois un philosophe, un poète, un musicien. Ces talents ont dégénéré en se séparant : la sphère de la philosophie sest resserrée; les idées ont manqué à la poésie; la force et lénergie aux chants; et la sagesse, privée de ses organes, ne sest plus fait entendre aux peuples avec le même charme.
Un grand musicien et un grand poète lyrique réparerait tout le mal. Voilà donc encore une carrière à remplir. Quil se montre, cet homme de génie qui doit placer la véritable tragédie, la véritable comédie sur le théâtre lyrique ! "
Diderot 1757
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Wagner na pas été demblée un musicien novateur; né à Leipzig en 1813, il a fait son apprentissage entre 1830 et 1840 en imitant les compositeurs à la mode tels que Spontini, Meyerbeer et Halévy.
Son premier opéra Les Fées suit la tradition allemande de Weber. Dans La Défense daimer, il combine lopéra italien et français. Avec Rienzi, il imite Spontini et Le Vaisseau Fantôme, achevé à Paris en 1841 et qui sinspire dun thème de folklore, porte linfluence de Meyerbeer.
Durant sa période romantique ( 1841-1847 ), avec Tannhäuser et Lohengrin, il abandonne lhistoire au profit de la légende. Avec lAnneau des Nibelungen, il laisse la légende pour le mythe, et, avec Parsifal le mythe pour laction sacrée.
Deux opéras complètent cette évolution : Tristan et Isolde, drame de lamour-passion, et Les Maîtres chanteurs de Nuremberg qui exprime avec brio tous les sentiments et les aspirations du peuple germanique.
Wagner travaillait toujours à plusieurs uvres à la fois et on peut dire quil a créé par limagination tous ses chefs-duvre entre 1848 et 1857, et passé le reste de sa vie à les réaliser et à les représenter à la scène. Il est mort à Venise en 1883.
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Le drame musical wagnérien se caractérise par la mélodie continue ( arioso ) et lemploi des thèmes conducteurs ( leitmotive ); lorchestre a le rôle prépondérant et exprime le drame à sa manière en intériorisant la musique : il devient la conscience de chaque auditeur et tient le rôle du chur antique.
Wagner répudie donc le bel canto au profit de la mélodie dramatique; il utilise la métaphore suivante : " rassembler dans le lit du drame musical le riche torrent de la musique allemande, telle que Beethoven lavait faite ".
Wagner, romantique forcené, veut la complète identification entre la symphonie et le théâtre; il ne recherche pas lexpression mélodique en soi, mais la sensation exprimée par le rythme du discours musical. Les parties orchestrales font avancer le drame au même titre que les voix.
Lopéra nétant plus découpé en airs ni en scènes, mais seulement en actes, Wagner utilise les motifs thématiques qui ravivent la mémoire et lattention de lauditeur, en le guidant dans le déroulement de laction. Ce procédé était déjà connu, mais navait jamais été appliqué à un opéra en entier.
Une similitude est à signaler entre Wagner et Balzac qui eut aussi lidée de génie de faire de faire reparaître les mêmes personnages dans tous ses romans et de les relier en une vaste " Comédie Humaine ", réunissant littérature, histoire, politique, sociologie, sciences humaines et les dépasser; Wagner, lui aussi, entendait réunir musique, poésie, mythe, religion et les dépasser.
Le thème conducteur permet la fusion entre la poésie et la musique car " il agit à la manière dune allégorie, suggérant un sens sans y contraindre expressément, et résonne dans la mémoire musicale comme un écho appartient à la création poétique autant quà lexpression musicale ".
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" Poète, musicien, penseur, Richard Wagner est lartiste le plus représentatif du 19e siècle dont il partage la soif de liberté, le goût du spiritualisme symbolique et la tendance au grandiose, à lénorme, au monumental.
Il eut la nostalgie de la culture universelle de Vinci et de la Renaissance. Aucun artiste des temps modernes ne souleva autant de haine et autant damour : cest que, voulant créer un nouveau mode de sentir, il a fondé une religion. La Bible de la nouvelle religion, cest Parsifal et Wagner, magicien mais non souveur, apparaît comme lHermès Trismégiste des temps modernes.
Le théâtre de Bayreuth est luvre la plus surprenante quun musicien ait jamais osée. Cest le monument où saccomplit, sous les espèces de la vie et de lart, son apothéose. " Marcel Schneider
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Wagner a senti la singularité de son destin et contribué lui-même, par volonté, à transformer sa vie en légende. Rousseau lui sert de modèle et cautionne son culte du moi, son orgueil délirant et sa conviction dêtre un artiste supérieur.
Il a dicté à Cosima, sa seconde femme, les trois volumes de " Ma vie ", montrant sa marche vers le sanctuaire de Bayreuth où il a cristallisé son destin.
Dans dautres écrits, il a longuement développé sa démarche musicale, en particulier linvention du chromatisme où il introduit son auditeur dans un temps mythique, état intermédiaire entre le rêve et lhypnose, de même que Proust plonge son lecteur dans une durée hors du temps qui est celle de la mémoire :
" Une particularité que je me suis acquise dans mon art, et dont jai conscience de plus en plus clairement, me détermine aussi dans ma vie.
Il a toujours été dans ma nature de passer rapidement et fortement aux extrêmes dun état dâme
Au fond, lart véritable na dautre objet que de présenter ces états extrêmes dans leurs relations et la particulière texture de ma musique doit son enchaînement à la sensibilité extrêmement fine qui me dispose à concilier, à relier intimement toutes les phrases de transition entre les états dâme extrême.
Cet art de la transition est mon art le plus subtil et le plus profond " .
Wagner nous livre là un des secrets de son intuition artistique. Mais il nest nul besoin de le savoir pour apprécier sa musique et se laisser envoûter. D.G