Novalis, de son vrai nom Friedrich von Hardenberg, est né en 1772 en Saxe et mourut de phtisie en 1801. Novalis signifie qu’il se voulait novateur.

Il est reconnu comme l’initiateur du romantisme allemand, en particulier avec les Hymnes à la nuit alternant vers et prose rythmée, où il exprime une conception complexe de la beauté, de la mort et du temps.

Il est également l’auteur d’un roman inachevé publié un an après sa mort : Heinrich von Ofterdingen, récit d’un rêve du poète à la recherche d’une harmonie parfaite avec le monde.

Novalis aspirait à un idéalisme magique, absolu, grâce à la poésie et au langage des rêves, seuls capables d’approcher la vérité et l’éternité du monde supérieur.

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Rêveur et philosophe, avec un esprit très rigoureux, Novalis collabora avec les frères Schlegel à la revue Athenaeum pour fonder une nouvelle littérature.

Il croit en la toute-puissance de la conscience humaine pour retrouver dans les bornes de la vie terrestre les signes de l’éternité à laquelle elle est promise.

" Le monde supérieur est plus proche de nous que nous ne le pensons ordinairement. Ici-bas déjà, nous vivons en lui et nous l’apercevons, étroitement mêlé à la trame de la nature terrestre " (Heinrich von Ofterdingen).

Le langage des rêves, de la poésie et des contes est porteur de ces signes.

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Fiancé à 23 ans à la jeune Sophie von Kühn âgée de 13 ans, Novalis est le témoin de sa longue maladie et de sa mort deux ans plus tard.

 

Il en est profondément affecté (" Le monde entier pour moi est mort avec elle ") et décide de la rejoindre, par une sorte de " suicide spirituel ", en laissant la force de sa pensée l’entraîner peu à peu hors du monde :

" Mon imagination - écrit Novalis peu avant la mort de Sophie - croît à mesure que décroît mon espoir, et lorsque celui-ci sera entièrement englouti, mon imagination sera assez forte pour me hausser jusqu’aux régions où je retrouverai ce que je perds ici ".

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Les Hymnes à la nuit (1800) sont l’expression par la poésie de cette expérience de l’au-delà ; le poète, plongé dans une extase mystique mêlant Dieu, l’idée du Beau et le sentiment de la douleur voit le visage de celle qu’il aime apparaître dans la nuit :

" Faut-il toujours que le matin revienne ? Est-il donc sans fin, l’empire des choses terrestres ? Et toi, divin sommeil, tu perdures.

Ne ménage point tes bienfaits à l’adepte de la Nuit au cours du labeur journalier !

Seuls les inconscients se méprennent et ne connaissent d’autre sommeil que l’ombre que tu poses miséricordieusement sur nous au seuil de la véritable nuit.

Ils ne te pressentent ni dans le jus doré de la grappe, ni dans l’élixir béchique de l’amandier ou le suc brun du pavot.

Ils ignorent que c’est toi qui enveloppes le sein délicat de la jeune fille et fais de son flanc un paradis.

Que c’est toi, ô sommeil qui, surgi du fond des légendes, détiens la clef ouvrant aux demeures des bienheureux, messager silencieux de mystères sans fin " (extrait d’Hymnes à la nuit ).

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La quête de la " fleur bleue : le roman inachevé de Novalis, " Heinrich von Ofterdingen " s’ouvre avec le récit d’un rêve : le héros traverse des paysages merveilleux et découvre, auprès d’une source, une étrange fleur bleue qui laisse voir entre ses pétales le beau visage d’une jeune femme.

L’ image de la fleur bleue remonterait à la mythologie hindoue : dans le rêve en apparence le plus personnel, la fleur, l’amour et la mort se mêlent et se confondent:

" Au bord de la source, l’attirant irrésistiblement, il y avait une fleur, dont la tige était anormalement longue, une fleur bleue comme l’azur, qui le frôlait de ses larges pétales. D’autres fleurs, d’innombrables fleurs, remplissaient l’air de leurs parfums. Les yeux du rêveur n’arrivant pas à se détacher de la fleur bleue, cette contemplation le remplissait de sentiments tendres.

Au moment où il allait toucher la fleur, elle se mit soudain à bouger, et en même temps elle changea d’aspect : les feuilles s’enroulèrent comme dans un geste amoureux autour du pied de la fleur, les pétales s’entrouvrirent formant une collerette où flottait le visage délicat d’une jeune fille. Son émerveillement augmenta au fur et à mesure de cette étrange transformation. Tout à coup il fut réveillé par la voix de sa mère ".

Ce rêve modifia la vie du dormeur et lui fera retrouver le jardin de son enfance, où le passé, le présent et l’avenir ne forment qu’une seule et même réalité, plus complète et plus vraie que la réalité quotidienne. Les images de son rêve transforment sa solitude en communion triomphante, communion avec tous les humains et avec tout l’univers.

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Un an après la mort de Sophie, Novalis s’éprend de Julie von Charpentier. Mais l’idée d’une mort précoce ne le quittera plus. Le 5 avril 1800, heureux pourtant à la perspective de son mariage proche, il écrit à son ami Schlegel :

" J’espère très proche ma fin joyeuse; vers la Saint-Jean je pense que je serai entré en paradis ".

En mars 1801, Novalis mourut dans les bras de Friedrich Schlegel, pendant que son plus jeune frère - sur la demande du mourant - jouait du piano.

Il fit preuve jusqu’à la fin d’une gaieté et d’une sérénité indescriptible. Schlegel écrira :

" On peut à peine croire qu’il soit possible de mourir avec autant de beauté ".

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Novalis est le poète le plus émouvant du romantisme allemand. Sa poésie est pure et toute simple; il a marqué de son sceau un courant " philosophique " de la poésie où l’idée se dissout dans " un seul et unique rêve, éternel et inépuisable ".

Puisant dans Hésiode et dans la pensée platonicienne, et mêlant avec audace la dévotion mariale à son protestantisme, Novalis définit ainsi la poésie :

" La poésie est représentation de l’âme, représentation du monde intérieur dans sa totalité. Le sens poétique a bien des points communs avec le sens mystique.

C’est le sens de tout ce qui est particulier, personnel, inconnu, mystérieux, de ce qui doit être révélé, de ce qui est à la fois nécessité et hasard.

Le poète est littéralement insensé, en échange, tout se passe en lui. Il est sujet et objet à la fois, âme et univers.

D’où le caractère infini, éternel, d’un bon poème. La poésie est le réel absolu. Plus une chose est poétique, plus elle est vraie ".

D.GERARDIN