" La morale nest pas une branche de la philosophie,
mais la philosophie première " Emmanuel Levinas
Le petit livre dAndré COMTE-SPONVILLE, intitulé " Pensées sur la morale " (Editions. Albin Michel 1998), est intéressant par sa concision, ses illustrations, et surtout par le fait quau terme de la lecture des premières pages de présentation par lauteur, notre mémoire est rafraîchie et nous nous remémorons facilement les notions fondamentales apprises en classe de philosophie .
Il est vrai que nous commettons couramment un contresens sur la morale : " On se trompe sur la morale ; Elle nest pas là dabord pour punir, pour réprimer, pour condamner. Elle commence, au contraire, là où aucune punition nest possible, là où aucune répression nest efficace, là où aucune condamnation, en tout cas extérieure, nest nécessaire. Elle commence où nous sommes libres : elle est cette liberté même, quand elle se juge et se commande ".
Ainsi lindividu qui sabstient de voler par peur du vigile ou du policier ne le fait pas par vertu ou honnêteté, mais par calcul ou prudence ; en revanche, si cet individu avait le pouvoir dêtre invisible et invincible, et si, malgré ces facultés, il continue à simposer et à sinterdire de mauvaises actions, non par intérêt mais par devoir, on peut dire alors que sa conduite est morale.
" Quest-ce que la morale ? Cest lensemble de ce quun individu simpose ou sinterdit à lui-même, non pour augmenter son bonheur ou son bien-être, ce qui ne serait quégoïsme, mais pour tenir compte des intérêts ou des droits de lautre, et rester fidèle à une certaine idée de lhumanité, et de soi ".
Lauteur prend soin de préciser que la loi que lon simpose ou que lon devrait simposer, indépendamment du regard dautrui et de toute sanction ou récompense attendue, ne concerne que soi-même et non les autres : " La morale, disait Alain, nest jamais pour le voisin " ; celui qui soccupe des devoirs du voisin nest pas moral, mais moralisateur.
" Y a-t-il alors autant de morales que dindividus ? Non pas. Cest tout le paradoxe de la morale : elle ne vaut quà la première personne, mais universellement, autrement dit pour tout être humain. Nous savons bien, en pratique, quil y a des morales différentes, qui dépendent de léducation quon a reçue, de la société ou de lépoque dans lesquelles on vit. Il ny a pas de morale absolue, ou nul ny a accès absolument. Mais quand je minterdis la cruauté ou le meurtre, je sais bien que ce nest pas seulement une question de préférence, qui dépendrait du goût de chacun. Cest aussi une condition de survie, pour la société, pour lhumanité, pour la civilisation Tu veux savoir si telle ou telle action est bonne ou condamnable ? Demande-toi ce qui se passerait si tout le monde se comportait comme toi. Il faut donc tinterdire ce que tu condamnerais chez les autres, ou bien renoncer à tapprouver selon luniversel, cest-à-dire selon lesprit ou la raison ".
André COMTE-SPONVILLE termine son argument en citant KANT et son célèbre impératif catégorique : une action nest bonne que si le principe ( " la maxime " ) auquel elle se soumet peut être érigé en loi universelle.
" Agir moralement, cest agir de telle sorte que tu puisses, sans contradiction, que tout le monde se soumette aux même principes que toi. Cela rejoint lesprit des Evangiles, ou lesprit tout court, tel que Rousseau en formule la maxime sublime : " Fais à autrui comme tu veux quon te fasse ". Cest vivre selon lautre, ou plutôt selon soi, mais en tant quon juge et pense.
" Tout seul, disait Alain, universellement " Cest la morale même. Cest lesprit même.
Cette morale nest pas tout car elle ne tient pas lieu de bonheur, ni damour ; mais elle est nécessaire au bonheur et à lamour et seule permet, en étant libre soi-même, de vivre librement avec les autres : " Cest en faisant bien lhomme, ou la femme, quon aide lhumanité à se faire. Et il le faut : elle a besoin de toi, comme tu as besoin delle ! "
Louvrage dAndré Comte-Sponville est admirable de concision et de clarté et il est bon de se remémorer grâce à lui cette notion fondamentale de philosophie et dart de vivre. Il aurait pu évoquer également une question tout aussi importante : comment lindividu acquiert-il le sens moral ? Mais cest un autre débat.
D. Gérardin
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" Lhomme se fait ; il nest pas tout fait dabord, il se fait en choisissant sa morale, et la pression des circonstances est telle quil ne peut pas ne pas en choisir une ". Jean-Paul SARTRE
" Je me suis fait une maxime pour mon usage personnel : il faut mettre ses principes dans les grandes choses, aux petites la miséricorde suffit ". A. CAMUS
" La vraie morale se moque de la morale ". Blaise PASCAL
" Ô Montaigne ! Toi qui te piques de franchise et de vérité, sois sincère et vrai, si un philosophe peut lêtre, et dis-moi sil est quelque pays sur la terre où ce soit un crime de garder sa foi, dêtre clément, bienfaisant, généreux ; où lhomme de bien soit méprisable, et le perfide honoré ". Jean-Jacques ROUSSEAU
" Conscience ! Conscience ! Instinct divin, immortelle et céleste voix ; guide assuré dun être ignorant et borné, mais intelligent et libre ; juge infaillible du bien et du mal, qui rends lhomme semblable à Dieu, cest toi qui fais lexcellence de sa nature et la moralité de ses actions ; sans toi je ne sens rien en moi qui mélève au-dessus des bêtes, que le triste privilège de mégarer derreurs en erreurs à laide dun entendement sans règles et dune raison sans principe ".
Jean-Jacques ROUSSEAU
" Jouis et fais jouir, sans faire de mal ni à toi ni à personne, voilà, je crois, toute la morale ". CHAMFORT
" Voici la morale parfaite : vivre chaque jour comme si cétait le dernier ; ne pas sagiter, ne pas sommeiller, ne pas faire semblant ". Marc AURELE
" Agis de telle sorte que tu traites lhumanité, aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre, toujours aussi comme une fin et jamais seulement comme un moyen ".
Emmanuel KANT
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