Crash !, James Graham Ballard

 

Dans Crash !, premier ouvrage de la «Trilogie de béton», J. G. Ballard décrit un monde apocalyptique dans lequel  l’automobile est vécue comme un objet de fantasmes sexuels. L’auteur anglais interroge de façon extraordinairement violente et provocante sur le rapport de l’homme à la technologie.

 

Après avoir ressenti un intrigant mélange de jouissance et de dégoût lors d’un accident sur le périphérique londonien, le narrateur – l’auteur lui-même – fait la connaissance de Vaughan, un malade mental qui passe son temps à traquer et photographier les crashs automobiles. Envoûté par cet être étrange, Ballard se lance dans une errance malsaine sur le réseau autoroutier, en quête des quelques frénétiques millièmes de seconde de violence et de souffrance qui suivent la pénétration de deux voitures lancées l’une contre l’autre. Son destin se confond bientôt avec celui de Vaughan. Ce dernier se focalise nuits et jours sur son fantasme ultime: un accident le mettant en scène avec l’actrice Elizabeth Taylor. C’est d’ailleurs cette quête d’un maelstrom de tôles froissées et de chair qui perdra Vaughan puisqu’il périra après avoir tenté de lancer son véhicule à pleine vitesse contre la limousine de l’actrice.

 

De nos jours encore, l’ambiance gore de Crash ! peut heurter le lecteur. Ballard décrit un monde – le nôtre… – dans lequel l’automobile a totalement envahi l’espace et constitue un instrument potentiel de mort largement sous-estimé. Les êtres créés par l’auteur anglais végètent dans un univers mécanique et métallisé sans âme, perverti par la technologie Seule la puissance des cylindrées leur procure encore un brin d’excitation, liée à la vitesse et au risque. Ces êtres sont blasés, dénués de morale et ne croient en plus rien, si ce n’est à leurs pulsions destructrices. La mort leur paraît, en définitive, le seul moyen d’échapper au réel, de le sublimer.

 

Plus de trente ans après sa parution, cette bombe littéraire est toujours aussi dérangeante. Elle constitue, selon Ballard, «une mise en garde contre [un] monde brutal aux lueurs criardes qui nous sollicite de façon toujours plus pressante en marge du paysage technologique.» 

 

 

Florent Cosandey, 24 août 2007