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Théorie du corps amoureux - Michel Onfray
par Amélie Averlan

onfrayamoureux

Michel Onfray,
Théorie du corps amoureux,
Grasset, 2000

 

On lit ça et là (Cf. Le Nouvel observateur du 28.11) que les français s'intéressent de plus en plus aux sciences de la sagesse et à la philosophie, notamment lors des étapes importantes de leur vie comme l'éducation des enfants, pour faire face à un deuil, une séparation, etc. La philosophie apparaît alors telle une thérapie ou un secours aux questions existentielles que l'on se pose. Parmi les chouchoux des lecteurs on relève André Comte-Sponville ou Michel Onfray. Le point commun de leurs écrits est sans doute la lisibilité de leur style, l'approche didactique, sensible et éclairée de cette science et des philosophes qui ont traversé les siècles.

La théorie du corps amoureux et l'érotique solaire de M. Onfray proposent une lecture souvent amusante, éclairante et toujours personnelle des différents philosophes sensualistes et matérialistes de l'antiquité : venons-en aux images sur lesquelles le livre est fondé. D'un côté, nous avons les carrelets, poissons platoniciens, comme physiquement coupé, en manque d'unité sphérique, sphère qui représente l'idéal amoureux, la réalisation du bonheur dans l'idéologie platonicienne. De l'autre, nous avons les poissons masturbateurs de Diogène, joyeux lurons et "plus intelligents que les hommes à son goût, note M. Onfray, car ils se frottent le ventre sur un matériau rude dès qu'ils ressentent le besoin d'éjaculer". Des images comme celles-ci structurent le livre et l'érotique solaire de M.Onfray qui propose une mise à mal des complexes spectrographiques dans lesquels baigne la société héritière des doctrines judéo-chrétienne. Bibles et autres textes fondateurs promus par ses défenseurs, antiques orateurs, ont construit, rapporte M. Onfray, toute une idéologie misogyne, violente et haineuse de toute forme de vie épanouie avec plaisirs. On apprend alors que la hyène lubrique est fustigée et que l'éléphant pudique et monogame magnifié.

Bien sûr, lorsque vient le savoir, la poésie s'efface et trépasse : la belle fusion des corps n'est point, le mythe androgynique cheut, et l'échange des sucs salivaires, des mouvements des corps et des maintes manifestations physiques du plaisir écoulé, affirment une suprématie animale et organique originaires.

Loin de l'avilissement au désir, M. Onfray propose une volonté structurante qui dépasse la modération épicurienne (épicurisme ascétique) par la sagesse lucrétienne de la possession de son propre désir et la maîtrise charnelle (épicurisme hédoniste). Et ce, suivant l'évitement du déplaisir. C'est l'affirmation de l'autonomie, l'affirmation d'une éthique libertine (de celui qui ne place rien au-dessus de sa liberté) et libertaire ( pratique) : "une érotique déculpabilisée pourvoyeuse de corps réconciliés avec la vie" (p.118). M. Onfray note, comme on s'en doute, que les volontés malhonnêtes de gauchir les théories épicuriennes ne manquèrent pas à l'époque du dit Maître. Insistons sur l'étymologie d'Epicure que relève M. Onfray :

Epicure (p.43) : origine étymologique. Le Littré donnant la définition de certains noms propres, on y trouve la parenté étymologique d' "Epicure" et du secours. Dans le Bailly, epikouros caractérise "l'individu qui apporte du secours". Des exemples divers permettent de rendre toute la portée diachronique de ce nom propre. A la guerre, c'est celui qui subvient aux besoins alimentaires, et il peut être celui qui sait et peut protéger. Les epikouria sont des troupes de secours et de renfort et les epikourios qualifient des individus propres à apporter du secours et de l'aide. "Dans tous les cas, note M.Onfray, temps de paix ou temps de guerre, temps heureux ou temps mauvais, l'épicurien achemine le réconfort, transporte avec lui les moyens de toutes les sustentions, transmet les forces nécessaires à la reconstitution des énergies en péril".

Une éthique de la douceur (" le plaisir de l'un ne doit pas se payer du déplaisir de l'autre " p. 196) fonde cette érotique solaire, existentielle et singulière. C'est très agréable à lire, et les images de ces animaux représentatifs des idées mises en regard sont une manière ludique de traverser les siècles de l'antiquité à nos jours.

 

Amélie Averlan
12/2002


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