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Un mal qui répand la terreur - Stewart O’Nan
par penvins

Editions de l’Olivier 2001-

Petite Bibliothèque de l’Olivier – 2004

 

On lira ailleurs sur internet un résumé de ce roman, ce que je voudrais ici c’est en faire une lecture, essayer de comprendre en quoi il participe de la culture américaine.

 

On peut penser en lisant ce roman qu'il s'agit d'un livre profondément humaniste, d'un hymne à la valeur sacrée de l'homme, est-ce bien le cas? Ce roman de Stewart O’Nan se joue entre 3 personnages, le héros Jacob Hansen, le médecin Doc Guterson et Chase le prédicateur sectaire. D’un côté l’efficacité du médecin et de l’autre la foi aveugle de Chase. Tiraillé entre les deux, Jacob l’embaumeur qui voue un grand respect à ses morts mais garde le soucis de préserver le plus possible de vies dans cette ville dont il est le shérif mais aussi le diacre.

 

On n’imagine pas un tel roman écrit par un écrivain français d’aujourd’hui et bien que l’on comprenne où sont les enjeux, on a vraiment l’impression d’être dans un autre monde. A tel point que le traducteur  et  son éditeur n’ont pas osé le mot à mot : « A Prayer for the Dying » est devenu « Un mal qui répand la terreur ». Ce titre est tiré de la fable de la Fontaine « Les animaux malades de la peste » et fait référence au roman d’Albert Camus dont on nous dit que O’Nan est un grand lecteur.

 

Si le sujet est proche, il s’agit ici d’une ville soumise à une épidémie de diphtérie, le traitement en est très différent. Et bien que le héros revienne de la guerre de Sécession il serait difficile de voir ici une quelconque allégorie de la guerre, on a assurément affaire à tout autre chose. J’hésite entre deux lectures, la première serait celle d’un simple thriller, remarquablement mené, la seconde chercherait à comprendre pourquoi l’auteur a choisi ce sujet et à y voir autre chose qu’un simple exercice de style. N’ayant pour l’instant pas lu d’autres livres de cet auteur il m’est difficile de trancher. Reste que l’on a ici une peinture de l’Amérique dans ce qu’elle a de plus américaine et que le fait qu’il ait été écrit avant le premier mandat de G.W. Bush et surtout avant le 11/09/2001 ne nous empêche pas d’y retrouver toutes les interrogations d’un pays face à ce qu’il appelle le Mal.

 

Comment le combattre ? De ce point de vue l’attitude de Jacob semble être la pire des attitudes – et le respect qu'il accorde aux morts semble conduire à la pire des conséquences : la destruction totale de la ville. Doit-on alors replacer cette intrigue dans l’histoire récente des Etats-Unis, ce n’est pas impossible et y voir une interrogation sur l’attitude d’une génération que la guerre du Vietnam – symbolisée par la Guerre de Sécession – a rendu frileuse, pourquoi pas ? Jacob c’est celui qui n’ose plus se battre : Tu ne sais pas te disputer ; c’est une faiblesse, chez toi. Après la guerre, tu as perdu la volonté de te battre, tu as perdu l’envie d’imposer ton point de vue dans les petites choses. Ta stratégie, c’est de la rendre heureuse, de maintenir la paix en toutes circonstances. Et si l’auteur ne semble pas épouser la cause de Chase, le prédicateur de la fin des Temps, le héros lui, fini par le comprendre et peut-être même, à l’inverse de sa propre mère qui pense que « cela dépend de toi », adopter sa soumission totale à la volonté de Dieu. Au fond il rejoint dans le malheur le prédicateur illuminé, il est lui aussi Jacob le Fou, celui qui va déterrer sa petite Amélia – qu’il vient d’enterrer et la garder à la maison dans les bras de sa mère. L’écriture du roman, à la deuxième personne du singulier entraîne le lecteur dans cette folie au point qu’il a du mal à comprendre cet épisode et se laisse lui aussi aller à douter de la réalité de la mort d’Amélia, celle de Marta quant à elle n’est même pas dite, et il faut être bien averti pour comprendre ce que veux dire : Tu te serres contre Marta, ton propre corps réchauffant le sien, écoutant, l’imaginant respirer.

 

De la même façon il faut lire avec une très grande attention les dernières pages du roman pour trouver la signification de ce que Jacob nous dit tout au long du livre de ce petit Norvégien qu’il a aidé à survivre pendant la guerre. Comprendre à quel point Jacob aime les morts.

 

Finalement je me demande en fermant ce livre, qui ne pourrait être qu’un roman fantastique bien écrit, si on ne peut pas y lire toutes les craintes d’une Amérique en pleine mutation, d’une Amérique qui aurait peur de quitter la facilité de croire : Tu as cessé de croire en l’existence du mal. Est-ce un péché ? Tu sais ce que dirait ta mère, ... et qui se reprocherait cette liberté, y verrait une faiblesse venue du Vietnam, souhaiterait en revenir à plus d’efficacité. Ce livre a été publié aux Etats-Unis en 1999.

 

 

Penvins

07/11/2004

 

 

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