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La lettre écarlate - Nathaniel Hawthrone
par Catherine Nohales

Garnier Flammarion


Cette superbe histoire de rédemption se déroule au XVIIème siècle en Nouvelle-Angleterre. Boston, ville fondée il y a peu, vit sous le joug terrible du puritanisme américain. Rien n'est autorisé : les passions inavouables que condamne la morale austère et oppressante des colons sont tues, enfouies au plus profond de l'être.

C'est ainsi que le narrateur nous raconte la terrible histoire d'Hester Prynne, créature de Dieu qui a fauté. Elle a aimé : là est son péché.

Le roman s'ouvre sur une scène édifiante et fascinante à la fois : la mise au pilori de l'héroïne qui tient dans ses bras son "enfançon" âgé de trois mois. La foule l'observe, impitoyable, et les femmes sont sans conteste les plus vipérines. D'ailleurs, sont-ce des femmes ? Elles possèdent une allure masculine, hommasse. Le climat est rude, la nature hostile et ces créatures de Dieu sont à l'image de cet environnement âpre et rugueux. Hester est donc exposée à la vindicte populaire en tant qu'exemple du châtiment que les représentants de Dieu réservent à celles et ceux qui ont cédé. La jeune femme, superbe de féminité, de beauté sensuelle, porte sur sa poitrine une lettre de couleur écarlate, la lettre A qui la désigne comme pécheresse. Cette lettre, magnifiquement brodée, va l'ostraciser. Elle est bannie de la société puritaine de Boston, condamnée à la solitude.

Cependant, un homme l'a reconnue : son mari qu'elle croyait avoir perdu. Il vient lui rendre visite en prison et lui fait promettre de ne jamais signaler sa présence aux autorités de la ville. Roger Chillingworth vient de faire son apparition. Un seul dessein anime cet homme trompé, bafoué : perdre l'âme de son rival.

Hester vit donc en retrait, brodant néanmoins de fantastiques vêtements car nul ne peut ignorer le don qui la possède, celui de l'aiguille. Courageuse et digne, Hester affronte l'opprobre des Puritains, certaine aussi qu'elle n'est pas la seule à avoir aimé. Comme je le disais plus haut, il s'agit d'un crime d'amour et cela, le puritanisme aveugle des dignitaires de Boston ne le supporte pas. Hester a commis un adultère.

Parallèlement à sa lente et douloureuse réhabilitation se noue un autre drame. L'amant de la jeune femme n'est autre que le pasteur aimé et célébré de la communauté, Arthur Dimmesdale. Ce dernier est avant tout un homme de la parole, à la rhétorique puissante et envoûtante. Il manie le verbe avec une virtuosité exceptionnelle, insufflant à sa voix des modulations qui fascinent ses ouailles. Une vie de labeur, de fidélité à Dieu suffit à le sanctifier. Or, il se meurt, dépérit chaque jour sous le regard inquiet et attendri des hommes et femmes qu'il gouverne.

Il s'émacie sous les assauts d'une douleur dont on ignore l'origine. C'est le terrible Roger Chillingworth qui va découvrir le lourd secret qui mine le clergyman. Fou de joie et de haine, il sait qu'il peut enfin librement torturer son rival et il n'y manquera pas. Comment ? Bien évidemment, je n'en dirai pas plus...

Les années passent. Hester devient cette femme forte qui élève seule la petite Pearl, fruit de son adultère. Pearl, enfant de l'amour, espiègle petit lutin qui sait, qui intuitivement sait l'histoire. Enfant du démon ? Le regard puritain ne manquera pas de donner pour père à cette fille Satan en personne. Il est vrai qu'en 1692 aura lieu le terrible procès des sorcières de Salem. Il y a une sorcière dans ce roman du XIXème siècle ; qui n'ignore rien des drames qui couvent sous les airs policés, empesés de la société bostonienne.

Sept années ont passé. Hester a été pardonnée par les particuliers.. Sa réhabilitation est complète, à tel point que sa lettre écarlate ne la désignera plus comme Adultère mais comme "active". Mais son amant cède chaque jour sous la torture morale que lui inflige le mari trompé. Arthur Dimmesdale meurt surtout, tué par sa conscience et par le rigorisme, l'intégrisme puritain. Roger Chillingworth, homme contrefait, est de plus en plus asservi par le nouveau but qu'il s'est fixé. Il devient un démon mais il échoue car Arthur meurt sur le pilori, expire dans les bras de celle qu'il a toujours aimée.

L'histoire ainsi narrée peut paraître sombre, lourdement édifiante. Mais je crois qu'en ces jours marqués par l'obscurantisme religieux, il est plus qu'impérieux de le lire et le relire.

Ce roman est traversé de scènes hallucinantes et belles à la fois. La nature est au diapason. La folie irrigue ce récit à travers la figure charismatique et émouvante du pasteur. Plus encore, la figure d'Hester s'impose, magistrale et forte dans ce retour en grâce.

Tout est sombre dans ce roman. Des mots reviennent constamment : "sombre, ignominie". Mais cet univers crépusculaire est déchiré, lézardé par les éclats de rire, la luminosité, la vivacité de la petite Pearl.

Ce récit est d'autant plus beau qu'il est sobre et dense. Nathaniel Hawthorne maîtrise à merveille l'art de la litote.

Voilà mon coup de coeur. J'aime à partager mes coups de coeur.



Catherine NOHALES
12/2003


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