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Rift Routes Rails - Abdourahman Waberi
par Guillaume Cingal

Exigence : Litterature

Gallimard, Paris 2001


Rift Routes Rails, le dernier opus d'Abdourahman A. Waberi, vient au terme d'une année fertile, qui a vu la publication d'un petit recueil de poèmes, Les nomades, mes frères, sont allés boire à la Grande Ourse (Pierron), et du remarquable ouvrage mêlant essais et fictions, Moisson de crânes (Le Serpent à plumes).

Au lecteur qui s'attend à un roman, ou à des nouvelles au sens strict du terme, on ne peut que conseiller de passer son chemin... ou de se procurer d'urgence les deux premiers recueils de nouvelles de Waberi, Le Pays sans ombre et Cahier nomade, que Le Serpent à plumes vient de rééditer dans sa collection de poche ("Motifs").


Dans Rift Routes Rails, Waberi pousse à son paroxysme le goût du fragment, et, surtout, du croisement entre les genres. Lettres, brouillons, extraits de carnet ? Impossible de déterminer avec certitude la nature des treize "variations romanesques" proposées ici. On pourrait parler, en empruntant un autre terme musical, d'"études".

En effet, Waberi s'intéresse, plus que jamais, à la parenté entre la parole poétique et la musique. Plus que dans le texte intitulé "Petits morceaux pour lecteurs debout" - trop morcelé et parcellaire pour emporter totalement la conviction -, cela se ressent dans "La vie liquide des spectres", "Les arrivants" ou encore le texte inaugural, "Rift". Dans ces études, Waberi explore notamment les diverses formes que peut prendre un récit : les narrateurs jouent à cache-cache, ne se dévoilent qu'à moitié, se laissent deviner.

Pour ne parler que d'un texte - celui qui m'a le plus plu et qui mérite à lui seul que l'on lise ce livre -, "Les arrivants", cinq pages à peine, frappe par son âpreté ; il parle, avec émotion et maestria, de l'exode rural... mais pas exclusivement. On y trouve des merveilles d'écriture, "des mots dansant sur une corde raide, des cauris lancés par un poignet innocent avant de choir sur le sol meuble de l'entendement" (p. 28). Des métaphores éblouissantes aussi : "Les souvenirs sont des corbeaux qui migrent dans votre cerveau ou patientent dans un trou en attendant le grillon qui, le premier, donnera l'alerte. Ils peuvent se muer aussi en mâtins féroces, molosses impitoyables." (p. 29).


Les critiques européens ne comprennent pas toujours pourquoi les écrivains de la génération "post-coloniale" n'ont aucun mal à mêler formes littéraires anciennes ou traditionnelles à des tentatives nettement avant-gardistes. Dans la première phrase du texte intitulé "Les autres", Waberi donne un élément de réponse : "Les cellules du corps, comme les histoires nées de l'esprit, non de s'étioler, se renouvellent à force d'usage." (p. 37).

Par delà les commentaires sur l'"influence littéraire" et le "patrimoine" qu'une telle affirmation peut susciter, on ne doit pas s'étonner s'il est aussi difficile de distinguer, dans ce livre, le descriptif du narratif : récits et portraits sont, d'une même intention, des "variations".


Guillaume Cingal, 17-20 mars 2001

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