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Innocente - Dominique Souton
par Alice Granger

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Editions de l'Olivier.


Des femmes, en proie à l'anorexie, la fatigue, la lassitude, la dépression, l'insomnie, l'inquiétude à l'idée que le mari les trouve changées physiquement, que le corps porte les marques du temps, le souci qu'il y ait toujours du sexe avec leurs maris. Les femmes et la maternité. La belle princesse Diana et l'enfant mort, puis la mort de la princesse. La mère mendiante et l'enfant affamé dans son lange, sur le trottoir. Un anti-dépresseur, le Prozac, pour pouvoir vivre avec l'image de l'enfant mort. Le Lexomil pour être tranquille même si cette Benzodiazépine fatigue. Le Stilnox pour dormir. Le Diantalvic pour ne plus avoir cet étau qui serre la tête. Un remède pour tous ces malaises de vivre. Et cette trouvaille, ce savon qui s'appelle Innocent, au parfum minimal, pour avoir ce sentiment de plénitude qui éloigne l'image de la mère mendiante et de son enfant affamé, sur le trottoir.
Des femmes avec des maux d'amour: l'anorexie, la dépression, l'insomnie. Des femmes dans l'impossible deuil du sentir primordial parce qu'elles ne peuvent pas le transporter à l'extérieur et ainsi le retrouver et se construire une identité.
Le livre pose cette question: comment troquer l'espace clivé, déchiré, dans lequel elles vivent, où même en étant anorexiques elles n'arrivent pas à revenir à l'avant naissance, ni en usant de psychotropes, contre un espace indivis, total, sorte de continuum. Réponse: par la métaphore. Ces femmes ont un objet intérieur, une trace unique originaire et en négatif, inscription de la perte mais aussi de la seule référence ( une femme dit: ce que je désire, je le porte en moi-même, mais je ne peux me dissocier de mon corps, même avec ce grand challenge qui consiste à faire de la gym à la suite de Cindy Crawford pour faire de ce corps un bel animal enviable et visible, et même si les hommes me regardent, se retournent sur moi, même si je ne cesse d'épier et de vérifier leurs regards sur mon beau corps ) qu'il s'agit de transporter à l'extérieur pour que l'identification soit possible. Il faut que soit possible un transfert sur un autre, un amour, des retrouvailles imaginaires de sorte que tout ce qui fait signe soit aussi mis en passion. Alors, être pleine de gratitude à l'égard de la vie, du monde, de la société.
Quelqu'un apparaît, au début du livre, comme objet de transfert. J.K., star de l'UER, faisant un cours sur "Maux d'amour, le champ de la métaphore", et de laquelle la jeune étudiante anorexique se demande si elle n'est pas amoureuse. J.K., une femme célèbre, qui est aussi psychanalyste, qui a orienté sa réflexion sur comment la maternité est cet événement dans la vie d'une femme par lequel elle est confrontée au premier autre. D'une part l'enfant dont la vie commence, l'enfant-femme, on dirait, dans ce livre, l'enfant-étudiante anorexique, et d'autre part une femme, cette star de l'UER pour dire combien elle est cette Autre idéalisée, qui trouve dans l'enfant-étudiante (dans cette histoire racontée par des femmes il s'agit d'étudiantes, de femmes, et non pas d'hommes ) l'ultime chance pour son narcissisme, en se dévouant à cet autre et en retrouvant ainsi sa mémoire vive dans cette histoire de transfert, d'amour. La question de la maternité flotte dans tout le livre, et trouve sa réponse dans le personnage de J.K. et la métaphore incarnée dont elle peut jouer le jeu. Un petit autre, l'étudiante anorexique, la femme déprimée, la femme fatiguée, insomniaque, et le grand Autre qu'est la Professeur-Psychanalyste, qui revalorise la femme dans une sorte de maternité qui devient cosmique, qui rend à la vie ce petit autre, cet enfant mort dans les bras de la princesse qui meurt aussi. Maternité qui ne s'enferme pas en famille, même à partir en vacances dans un hôtel ou sur une île, mais qui s'ouvre à l'extérieur de la famille, par exemple à l'Université, en direction de chaque petit autre désemparé, en mal de transfert.
Alors, le livre montre cette femme qui, tout en disant "je" comme chacune des femmes de ce livre, se rend compte que "tu", cette image dans le miroir, qu'elle se met à tutoyer et à aimer, est plus ancienne que "je". "Tu" retrouves dans le transfert les sensations corporelles d'avant, et ton corps pour lequel tout baigne est regardé à cause de l'harmonie sensorielle qu'il montre. Tu es dans les sensations anciennes par le transport de sens grâce à la métaphore incarnée qu'est J.K. , alors que "je" déprime et fatigue dans un espace divisé, séparé.
Reste bien sûr à analyser en quoi les hommes ( par exemple F. ce médecin qui prescrit du Prozac à sa femme pour qu'elle puisse vivre avec l'image de l'enfant mort, ce petit autre qu'aucune maternité ne sauve) interviennent dans l'anorexie, la solitude, la dépression, la mélancolie et l'insommnie des femmes, eux qui, dans ce livre, n'ont pas ce genre de maux. Toutes ces femmes, avec leurs maux, disent une situation d'exil, et heureusement J.K. leur prouve que seule la maternité cosmique, non pas celle arachnéique qui s'exerce uniquement en famille, leur permet d'arrêter ce repli dépressif sur elles-mêmes. Elle le leur prouve par le transfert qu'elles peuvent faire sur elle-même psychanalyste, par lequel le petit autre qui les habite est ramené-maintenu en vie et peut ensuite accomplir le deuil de l'objet intérieur en faisant à leur tour l'expérience de cette maternité ouverte sur l'humanité.
Mais que les femmes n'auraient que cette possibilité, que cette voie, se réaliser dans cette maternité-là , c'est une autre question.
Dominique Souton , à travers une femme de son livre, peut se dire innocente par rapport à une figure de mère mendiante donnant à voir sur le trottoir son enfant affamé, parce que le champ de la métaphore, dans le transfert psychanalytique et son débouché cosmique par l'Université, a restitué au petit autre qu'elle est un parfum minimal d'originaire plénitude ainsi que valorisé la femme dans une maternité qui, ouverte sur l'humanité souffrante, ne sera plus défectueuse.

Alice Granger 

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