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Nous - Lorette Nobecourt
par Alice Granger

Alice GRANGER-GUITARD

 

Editions Pauvert.

 

Dans ce roman de Lorette Nobécourt, le mur de Berlin démoli est la métaphore non pas d'un amour heureux entre un homme et une femme, mais de l'accès aux secrets de famille emmurés, pour chacun des personnages. Chaque personnage, et pas seulement Yolande et Nathan, a un secret, une douleur, qui cherche à se faire entendre. Naissance non désirée, séparation des parents, noyade d'un petit frère et la culpabilité qui en résulte, mère alcoolique qui oublie sa petite fille, etc…

En fait, de même que le couple Yolande et Nathan vit chacun dans son appartement sur le même palier, chaque personnage s'isole entre ses murs pour se laisser aller à une sorte de sadomasochisme. Non seulement le secret douloureux revient comme masochisme, qui s'exprime de différentes manières (être la maîtresse de Nathan mais souffrir de s'apercevoir qu'il aime toujours Yolande, rencontrée dans le hall de l'immeuble; aimer Nathan mais se séparer de lui, le laisser à ses maîtresses, et se donner à des hommes qu'elle n'aime pas; se donner à un homme beaucoup plus âgé dont le corps sent déjà le cadavre, etc…), comme sensation de rejet, jouissance de cette douleur enfin conquise, mais aussi sadisme, car la douleur défonce le mur, atteint l'autre qui se trouve exclu, le secret se partageant ainsi. Entre Nathan et Yolande, il s'agit plus de douleur que de plaisir. Et sans doute de la joie d'avoir pu se faire entendre dans cette douleur, en résonance. La fille qu'ils ont eue ensemble incarne peut-être le soulagement d'avoir pu se faire entendre sur ce mode sadomasochiste.

Une fois la douleur inscrite, Nathan accepte de laisser aller Yolande, la laisser se perdre au fil d'une autre vie, la culpabilité d'avoir laissé se noyer son petit frère sous ses yeux étant en quelque sorte payée par la douleur infligée par Yolande qui maintenant s'en va aussi emportée par les flots de la vie. Lui ayant infligé toute sa violence, son amour-haine, Yolande peut accepter que Nathan ne la retienne pas dans sa vie, elle cesse en quelque sorte de quémander des câlins à une mère qui voulut avorter d'elle car une première maternité l'avait déjà tant pris son temps, mais n'alla pas jusqu'au bout car le père s'interposa, elle comprend en quelque sorte en partant vers sa vie de femme la version de sa mère, redevenir femme et non pas rester encore, par cette deuxième fois, mère. C'est sans doute en devenant mère de cette fille, avec Nathan, le père, qui l'abandonnait à ses tâches si envahissantes de mère, que sans doute Yolande comprit sa mère dans son désir de redevenir femme. D'ailleurs, le roman se conclut avec le bonheur de Yolande ayant rencontré un autre homme, redevenue femme. Et la fille se détache déjà de sa mère en rêvant à son amoureux...

Le sadomasochisme à l'œuvre dans ce roman accomplit un travail de deuil, qui est coupure du cordon ombilical. Même Nathan peut entendre une autre version de la part de sa mère, qui elle aussi, en quelque sorte, s'est écartée de son rôle de mère si prenant, en abandonnant ses fils à la mer, et l'un d'eux se noya.

Ce "nous" du roman ne serait-il pas le chœur formé par ces enfants en train de s'apercevoir que la mère n'est pas que la mère, et que donc le désir d'enfant n'est pas tout pour elle? Cela se dit par les bribes d'enfance qui reviennent pour chacun des personnages du roman, par la mère de Yolande qui avait des amants, etc…

Alice Granger-Guitard

8 septembre 2002

 

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