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L’Homme dit fou et la mauvaise foi des hommes - Florent Couao-Zotti
par Alice Granger

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Magnifique recueil de nouvelles africaines, beaucoup d'humour, une langue imagée superbe.
Nouvelles qui mettent en scène une sorte de résistance africaine à ce que l'on peut résumer par la Banque mondiale que l'Homme dit fou vient défier en compagnie de sa petite fille qu'il a soustraite on dirait à cet ordre mondial. Cette nouvelle qui donne le titre au livre dit l'intraitable folie de la résistance à l'ordre de la Banque mondiale, la mère mendiante qu'on imagine comme tant d'autres Africains victime de cet ordre-là ne peut récupérer sa fille enlevée par son père fou, cette mère ne peut faire de sa fille un clone d'elle-même victime passive, seule compte cette résistance qui s'écrit, et qui, en s'écrivant, sort indemne des tirs de la police. Mauvaise foi des hommes à reconnaître les conséquences catastrophiques pour les Africains des pouvoirs de la Banque mondiale.
Par exemple, mauvaise foi en ne reconnaissant pas qu'ils ne rient plus, dans ces conditions-là. Qui peut faire rire à nouveau ? Cette femme de la nouvelle Le rire du nombril, capable en mettant en transes son ventre de faire rire même des fonctionnaires qui ne savaient plus rire. Femme pourtant marquée par les années, mais qui sait faire parler son ventre et son nombril d'une manière si ahurissante qu'elle réintroduit quelque chose d'originaire, d'ancestral, presque d'animal, dans la vie de gens qui s'étaient coupés de ça, et cette surprise-là, hilarante, vaut paiement. Un enfant fait la quête après ce spectacle hilarant, et c'est payant. Ceux qui donnent sont reconnaissants d'avoir été reconnectés au nombril d'où ils viennent, et qui représente une singularité africaine riche mais menacée de disparition avec la Banque mondiale.
Résistance folle, dure, violente. La première de ces nouvelles, Ci-gît ma passion, semble raconter l'impuissance africaine à faire revivre une vie comme avant la Banque mondiale sentie comme morte, à travers cette femme morte d'un homme alcoolique qui la maltraitait quand elle était vivante, mais qui, désespérément, va la visiter dans son caveau, lui fait l'amour. Quelque chose de désespéré à l'endroit de cette Afrique, comme une épouse morte, mais encore chérie, même cadavre elle retient encore, au nom d'une résistance folle qui ne veut pas finir de dire ce qu'est vraiment la vie.
Chacune de ces nouvelles raconte une histoire toujours un peu misérable, monstrueuse, violente, mais en même temps dit autre chose, dit comment l'Afrique entend la domination mondiale et sa complicité ambiguë. Par exemple cette nouvelle Le Monstre, une jeune fille violée par son oncle, qui avorte en dehors de la ville de l'enfant issu du viol. Afrique violée aussi. Et qui résiste, qui avorte. Mais qui y perd, en résistant. L'oncle voudrait qu'elle n'avorte pas. Grande ambiguïté.
Chaque nouvelle peut se lire de manière double. Lire le tragique : la nouvelle Tant qu'il y aura des anges. Une femme stérile vole l'enfant mâle qu'une femme vient d'avoir après beaucoup de filles et qui fait qu'elle ne sera pas répudiée. Une femme stérile, en volant le nouveau-né d'une femme qui ne sera ainsi pas répudiée (car pas capable de donner la vie à un mâle), fait disparaître l'espoir, l'enfant meurt noyé dans le lac. Et la femme sera donc, on l'imagine, répudiée. L'Afrique répudiée car pas capable de donner naissance à un mâle, seul capable de résister et donc sauvegarder, perpétuer la vraie Afrique ? Entendre quelque chose de tragique en Afrique, écrit par l'auteur.
En lisant ces nouvelles, le lecteur est interpellé au niveau de sa propre résistance qu'on pourrait dire originaire, dans son pays à lui. Quelles nouvelles pourraient, de la même manière savoureuse et humoristique, s'entendre et s'écrire dans chaque pays dont la singularité est menacée par l'ordre monétaire mondial ?

Alice Granger 

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