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L’Anneau du monde, Jean Benoit
par Alice Granger

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Editions Mutine.

A quoi ça sert un conte?
En lisant celui-ci, on pourrait répondre: un conte, ça sert à se réveiller. Mais pas de n'importe quel sommeil. Se réveiller à la vie. A autre chose. Réveil comme séparation. Comme naissance.
La petite fille investie de la mission de retrouver l'Anneau du Monde perdu par le Maître de l'Univers , qui lui apparaît sur une plage sous les traits d'un vieillard, va, si elle réussit dans un délai de 7 jours, sauver le monde.
Sauver le monde des autres choses. Pas le monde des mêmes choses. Car, à la fin du conte, c'est très clair, l'Anneau du Monde n'est pas un remède pour tout ce qu'on ne veut pas perdre en ce monde-ci. Au contraire.
La leçon que la fillette apprend par ce conte, c'est que la vie ce n'est pas d'attendre des autres qu'ils organisent tout, idéalement, pour soi, et même que c'est de cela qu'il faut se méfier le plus.
S'ouvrir à la vie, c'est aussi mourir aux choses d'avant. L'Anneau du Monde, c'est la mort qui rejoint la vie, c'est la séparation originaire qui donne à la vie, à l'infinité d'autres choses nouvelles et imprévues.
Sa mission de sauver le monde n'a rien d'idéologique. Ce n'est pas un remède, une solution totale, globale, proposée du dehors. Chacun a à en passer par la mort, par la séparation, pour naître à la vie. L'Anneau du Monde, en or, c'est cela.
Ce n'est pas par hasard que le conte investit une petite fille de cette mission. C'est un conte qui va très loin, mine de rien il propose un nouveau statut des femmes que la petite fille a à entendre. Plutôt que sauvegarder et représenter un retour au maternel, un remède à la séparation originaire, les femmes, si elle veulent faire apparaître la vie en belle robe blanche, doivent confirmer la séparation, faire apparaître la mort en robe noire.
La petite fille apprend donc, par le conte et avec sa poule blanche aux oeufs d'or, qu'une femme n'a surtout pas à faire la mère. Seulement par l'épreuve de la séparation, en s'en remettant entre les mains de la dame en noire, on peut naître à la vie, à autre chose, généreux comme l'or des merveilles imprévues, comme les surprises des bifurcations non programmées, et il y a de la mère dans ces autres choses qui s'offrent, cette mère qu'aucune femme n'a donc à incarner.
L'amour donne ce qu'il n'a pas. L'amour donne à la vie, à la lumière, aux choses non à portée de mains, mais infinies.
Une série de rencontres symboliques, dans ce conte.
Le Nomade dans le désert, qui lui dit que son origine et sa destination n'ont pas d'importance, car l'eau pour sa soif c'est l'imprévu en faisant devenir désert tout ce qui est familier et qui étouffe à vouloir retenir. L'eau que s'échangent les hommes du désert répond à la soif du nouveau, loin de la ville des profusions et du gaspillage, en retrouvant la vertu de l'hospitalité. Ne pas s'en tenir aux relations familières sinon on devient étrangers les uns aux autres.
Le voleur, près du puits du désert. Il est le bienvenu, car il représente la séparation, il enlève les conforts. Le trésor, ce sont les choses à venir. C'est par exemple la musique des choses.
Apparaît la Musicienne, qui sait entendre la musique du vent et emmène la petite fille.
L'avenir n'est jamais écrit. Le destin: des opportunités à saisir, des rêves à réaliser, par exemple sauver le monde.
Le Marchand: la perte, encore. Contre un oeuf d'or, la petite fille n'a qu'un anneau de plomb tout noir.
Le Moine: il enseigne qu'on n'enchaîne pas ceux qu'on aime. On ne peut jamais rendre à ceux qui nous ont donné le meilleur. On ne peut que donner à notre tour à d'autres, en n'interrompant pas la chaîne d'amour. Transmettre le don de ce qu'on n'a pas. Etre comme le Moine un passeur.
Le Roi, qu'il faut aller convaincre de ne pas faire la guerre. Dans son palais d'or et de diamants, il est isolé par sa richesse, isolé de ses frères mais plus encore de la vérité, celle qui jaillit de la séparation. Le Roi ne peut naître, des montagnes d'or et de diamants lui cachent la lumière naissante du soleil. Se déposséder, rester léger, entendre la nature parler, donner ce qu'on n'a pas c'est-à-dire l'infinité d'imprévus de la vie.
Et beaucoup d'autres figures symboliques. Entre autres, celle du Savant qui vit dans une cité où tout a été pensé pour le bonheur des gens, et d'où sont bannis ceux qui n'obéissent pas aux prescriptions du bonheur. Le Savant a réponse à toutes les questions, sauf à celle concernant la vie. Celui qui dit " je sais" est un imposteur. La Vie et la Mort dans le palais de lumière: la Mort emmène dans ses bras la petite fille et sa poule blanche aux oeufs d'or, et celle-ci se réveille à la Vie, l'Anneau du Monde est ce cycle mort-vie par lequel chacun ne cesse de se séparer pour naître aux nouveautés.
Au début du conte, on croit un instant que cet anneau d'or est celui du mariage, qu'il s'agit d'un conte bien normalisateur. Très vite c'est la surprise. Cet anneau d'or invite la petite fille à un autre statut des femmes. En tout cas, le conte peut se lire ainsi.

Alice Granger

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