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La vie sexuelle de Catherine M - Catherine Millet
par Irma Krauss

La vie sexuelle

Editions du seuil 2001


Catherine Millet nous entraîne dans la version destroy du Temps retrouvé, à travers ses excitations mondaines de l’analité dans les années soixante dix et quatre vingt – époque bénie du sexe, improvisé sans capote anglaise ni sida. Millet, les quatre fers en l’air, nous amène dans le récit de sa singulière déréalisation du sexe où des hommes-troncs font la queue pour s’anéantir voluptueusement, dans la chaleur de son sanctuaire rectal. Simulacres de viols collectifs qui n’en sont pas, puisque la vestale attend ses profanateurs dans une effervescence candide et désarmante de naturel.

 Vorace suceuse, sans prétention ni coquetterie, elle ne s’embarrasse ni de la longueur, ni de la largeur, ni de la tumescence, ni de l’odeur, ni du grain de peau, ni de la liqueur séminale desdits membres virils, - ni de connaître, il va s’en dire,  le propriétaire jetable de la queue en question. Non ! la narratrice n’a que faire de ces détails qui désobligeraient sa spontanéité fantasmatique.

Le vertige, pour Millet, est dans l’abondance et l’incongruité des postures et  des lieux de rencontre. Clubs échangistes, partouzes pour happy few, camionnettes, endroits publics urbains, déserts la nuit… Il y a bien à un moment donné, un huis clos assez étonnant avec un intellectuel génial ,qui a du vert-de-gris sur les dents et une haleine pestilentielle et qui de plus est en rupture de ban avec sa savonnette depuis belle lurette – mais cela n’est qu’un intermède circonstanciel, nous dévoilant la fascination de Catherine M. pour la saleté – au cas ou nous n’aurions pas compris, semble-t-il, que l’abject est un conformisme qui n’a pas sa place dans la revendication d’une sexualité décontractée. Ainsi suivrons-nous la narratrice dans une brève aventure, où des grosses gouttes de pipi l’aspergeront pour la chosifier nenni, pour la libérer de toutes contraintes sexuelles.

Le visionnement de films pornos hard ajoutent, à la vie sexuelle compulsive de Catherine M., un je ne sais quoi de roboratif, qui l’amène dans une extase peu commune. Aujourd’hui, le temps de sa splendeur est révolu, mais il lui reste son amour immodéré pour la fellation et les films XXX ; cependant elle avoue candidement que ses sphincters ont lâché puisqu’elle pète en dormant. Encore heureux, qu’un dentiste lui ait refait la bouche dans le temps de sa cavale sexuelle, sinon nous aurions su de sa plume virginale qu’elle doit mettre ses râteliers dans un verre d’eau, sur sa table de chevet, avant de s’endormir.

Le récit de Catherine Millet, directrice d’Art Press, est une œuvre d’art postmoderne, qui rivalise avec celle des artistes postmodernes visuels. Un produit conceptuel ludique et inédit où l’effet d’art joue avec la réalité et la fiction pour rendre indécidable et interchangeable le vrai et le faux. Où le sexe est l’enjeu d’une objectivité matérialisée et extériorisée dans la logique quantitative de l’exhibitionnisme ; et où l’ordre symbolique est détruit. Un récit de la ruine de l’altérité ; un récit banalisant le privé pour jouer avec une subjectivité exacerbée qui banalise la chair pour la pervertir en viande avariée synthétique.

Le livre de Catherine Millet m’a fait penser, à contrario, aux impitoyables et métaphoriques robes de viande de l’artiste Jana Sterbak. Là, cependant, où Sterbak choquait (dans le sens de choc), par la force insoutenable de la mise en scène de ses robes cousues main avec de la viande, qui pourrissait plus l’exposition avançait ; Millet, elle, provoque gratuitement en mettant en scène une théâtralité sans affects sur un mode de déperdition-distorsion, où le sens est liquidé voire congédié, par la répétition de l’expérience multiple où l’identité est expropriée et banalisée.

La vie sexuelle de Catherine M. : un vidage d’entrailles kitsch et ludique pour tenter d’alimenter jusqu’à satiété un certain voyeurisme létal, au mauvais goût du jour.

Irma Krauss

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