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Ingrid Caven - Jean-Jacques Schuhl
par Irma Krauss

Jean-Jacques Schuhl

Gallimard, 2000.


«As-tu lu Schuhl, tu sais le goncourt, Ingrid Caven?» Combien de fois depuis deux mois ai-je posé cette question, en pure perte.
Alors maintenant, j'ai compris et je prends les devants « Il faut que tu lises Schuhl , tu sais, Ingrid Caven, le goncourt».
En parlant de Shuhl, un ravissement de le voir sur le plateau de Bouillon de culture répondre à un Pivot qui s'inquiétait de cette vingtaine d'années de silence sans écriture : et Shuhl, le paumé magnifique, de rétorquer qu'écrire ce n'est pas publier.
Et vlan! Dans la tronche! Sur-le-champ Shuhl m'a séduite.
Auparavant j'avais lu, bien sûr, des critiques - aussi élogieuses, les unes que les autres - sur cet hommage à sa femme Ingrid Caven. J'attendais le moment propice, pour enfin lire cet ouvrage. Cette petite phrase «écrire n'est pas publier» m'a fait comprendre que le moment propice était enfin arrivé.

Une splendeur! Quel écrivain ce Schuhl! d'une sensibilité inouïe que je qualifierais de féminine. oeuvre tout en nuance, en finesse. Écriture habilement elliptique, jouant avec la digression - sinueuse jamais tortueuse -, lorgnant aussi avec la jolie figure qu'est la métonymie.
Ingrid Caven - égérie et épouse - du regretté R.W. Fassbinder. Femme mythique allemande face à un immense cinéaste allemand.
Fassbinder, cette Allemagne, il la portera toujours en lui comme une honte brûlante. Blessure sans cautérisation possible : il sait, il l'a toujours su - qu'il aura à choisir entre la folie ou la mort. Il choisira sans choisir : le corps prématurément bafoué par les excès donnera au coeur l'ordre de tirer sa révérence, à moins que cela soit l'inverse, qui sait...
Un monde! une époque! une utopie! - cette Allemagne agitée des années soixante-dix - qui a fini pour plusieurs - dans l'égout ou le caniveau - quelle importance après tout, égout ou caniveau l'eau s'écoule pareillement dans le fétide.

Voilà à quoi nous convie Schuhl. À cette Ingrid pré-Fassbinder, et à cette Ingrid post-Fassbinder.

Et lui en narrateur spectateur se balade, aussi ahuri que nous, dans cet univers où la démesure est mesure de toutes choses. Dionysos dresse la table : le festin est servi. Et son imagination fulgurante magnifie le détail... elle nous amène là où nous n'attendions pas du tout aller. Ne donnant jamais dans l'hagiographie, il nous donne une (son) Ingrid Caven de chair et de sang. Une splendeur! cette femme, cette chanteuse, cette actrice.
Quel écrivain généreux, que ce Schuhl.

Irma Krauss

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